EN SALLES – Boat People d’Ann Hui

Posté le 15 mars 2025 par

Carlotta Films met à l’honneur, en salles, 3 films dans le cadre d’un focus sur la Nouvelle Vague hongkongaise. Avec Women de Stanley Kwan, deux films d’Ann Hui sont donc à redécouvrir : Love in a Fallen City et Boat People, sur lequel on se penche.

Trois ans après avoir immortalisé la libération du peuple vietnamien en 1975, le photographe japonais Akutagawa revient faire un reportage dans la jeune République Socialiste du Vietnam. Escorté par les membres du Parti, il se rend dans une Zone Économique Nouvelle et découvre les mesures mises en place par le nouveau gouvernement. Très vite, Akutagawa se met à douter de ce qu’il voit : derrière l’enthousiasme de façade se cache en réalité la misère, la famine et la répression policière. Sa rencontre avec la jeune Cam Nuong et sa famille, qu’il va suivre pour un reportage photo, va lui faire prendre conscience de l’horreur subie par le peuple vietnamien…

Ann Hui, cinéaste reconnue sur le tard avec son sublime film A Simple Life, sorti en France en 2013, n’a pas eu la même exposition que ses confrères (Tsui Hark, Patrick Tam, Stanley Kwan ou Allen Fong) de la Nouvelle Vague hongkongaise. Groupe de cinéastes formés pour la plupart à l’étranger, ils font leurs premières armes à la télévision avant de bouleverser l’industrie cinématographique locale puis mondiale en y apportant un sang neuf salvateur.

Boat people est le dernier volet de la trilogie de la réalisatrice Ann Hui consacrée à la guerre du Vietnam. Débutant alors à la télévision en tant que documentariste, elle est émue au cours de la réalisation d’un de ses reportages (The Bridge) par le sort des immigrés qui fuient leur pays en guerre. Elle réalisera par la suite les long métrages A Boy from Vietnam et The Story of Woo Viet, qui révéla sur grand écran l’immense vedette Chow Yun-fat.

Reconstitué entièrement en Chine populaire, ce qui fut une première pour une production venant de l’ex-colonie britannique, le Vietnam d’après guerre tel qu’il est décrit ici est criant de vérité, avec ses maisons coloniales bardées d’impacts de balles, ses bas fonds, et ses camps de redressements. Ann Hui s’appuie sur son expérience de documentariste et donne vie à cette réalité fictive dont le vernis à peine sec ne parvient pas à masquer la pauvreté et l’horreur d’un système répressif.

Pourtant le film n’est pas un brûlot politique mais un drame humain. La cinéaste est bien plus intéressée par le sort de ses personnages, cherchant à comprendre les motivations de ces gens qui vont risquer leur vie pour quitter leur pays. Elle observe à juste distance ses acteurs reproduire avec un naturel déconcertant le quotidien de ses personnages qui vivent au jour le jour dans un environnement mortifère. On reconnaît bien là son talent de directrice d’acteurs, dont le travail avec les enfants est admirable de sensibilité. Elle prend soin de donner la parole à tous ses protagonistes afin de mieux cerner leurs expériences et leurs ressentiments, apportant ainsi une crédibilité certaine dans sa description d’une population meurtrie par des années de conflits.

Les amateurs de cinéma hongkongais reconnaîtront très certainement un Andy Lau tout jeunot (Infernal Affairs, Yesterday Once More) dans sa première apparition plus que convaincante sur un écran de cinéma.

Boat people fut maintes fois récompensé l’année de sa sortie et il est considéré par la presse spécialisée locale comme le deuxième film le plus important de l’industrie cinématographique hongkongaise.

Martin Debat

Boat People d’Ann Hui. Hong Kong. 1982. En salles le 12/03/2025