EN SALLES – Break of Dawn de Kurokawa Tomoyuki

Posté le 19 février 2025 par

Trois ans après sa sortie au Japon, le film d’animation Break of Dawn, adaptation du manga éponyme, arrive enfin sur les écrans en France grâce à Eurozoom. Mélange de science-fiction et d’aventure auquel vient se greffer une touche de coming of age, le film dispose de très bonnes qualités à son actif, mais présente aussi quelques petits points légèrement plus problématiques.

Tokyo, été 2049. Yuma est un adolescent curieux et passionné de science, et plus particulièrement d’espace et d’astronomie. Avec ses amis, il attend patiemment le passage d’une comète au dessus du Japon, en espérant devenir un jour astronaute. Une entité extraterrestre entre alors en contact avec Yuma via son robot domestique pour lui demander de l’aide, son vaisseau étant bloqué sur Terre depuis des décennies, et seule, elle ne pourra pas rentrer chez elle. 

À première vue, le film se présente comme un film de science-fiction assez classique dans son déroulé, avec un script balisé et sans grande surprise quant à son contenu. Des adolescents curieux et intrépides, l’intrusion d’une extraterrestre qui va progressivement se lier d’amitié avec les jeunes héros et leur demander de l’aide pour rentrer à la maison, sans se faire remarquer par leurs parents, car évidemment les adultes ne comprendraient pas ce qu’il se passe. Toute ressemblance avec toute une palanquée de films fantastiques ne serait évidemment pas fortuite, à commencer par l’incontournable E.T. de Spielberg. Break of Dawn baigne d’ailleurs dans cette ambiance très Amblin durant tout son déroulé. Et si le film ne brille pas par son originalité sur le fond, il a quand même pour lui de remarquables qualités qui le place au dessus de la moyenne au rayon SF familiale, à travers un discours sur l’amitié et l’acceptation de l’autre auquel on ne peut qu’adhérer.

Si Break of Dawn s’affiche clairement comme un film de science-fiction se déroulant dans le futur de l’année 2049, il fait d’entrée de jeu le choix de ne pas présenter une direction artistique tombant dans un futurisme abstrait, et pose son décor dans un Tokyo qui n’a pas fondamentalement changé en 24 ans. On retrouve ici les lieux incontournables des mangas et animés actuels, l’école : les barres d’immeubles et les banlieues tokyoïtes. La seule incarnation de l’avancement technologique prend ici la forme de Nanako, robot assistant domestique volant qui accompagne Yuma, et qui va servir d’hôte à l’entité pour parler aux adolescents. L’ambiance très familiale, chaleureuse et modeste du récit transparaît beaucoup dans les décors choisis par le metteur en scène.  Idem concernant la partie plus fantastique du film. S’il est bien question d’un extraterrestre échoué sur Terre pour cause de vaisseau défaillant, le film fait le choix de jouer sur l’attente et la surprise quant à l’aspect du vaisseau, et le matérialise tout simplement sous la forme d’un toit d’immeuble voué à la démolition, mais inondé, sorte de gigantesque pédiluve d’où jaillissent des images et des sons, et où les enfants voyagent dans les dimensions. On notera au passage la remarquable qualité de l’animation fournie par le studio Zero-G, animation qui, si elle n’est pas au niveau de films plus ambitieux et aux budgets plus confortables, offre un rendu coloré très agréable à regarder, arrivant même à rendre spectaculaire le dernier acte du film, pur instant de fantastique spatial.

Sur le fond, si le film déroule son programme sans accroc, il se dégage de l’ensemble une mélancolie et un sentiment d’achèvement surprenant pour un film visant le jeune public. Le choix de situer son action à la fin de l’été n’est pas anodin, la rentrée sonnant symboliquement la fin de l’insouciance estivale, des échappées entre amis au son des cigales. Qui plus est, on apprend assez rapidement que la tour où habite Yuma et celle où s’est crashé le vaisseau spatial sont vouées à être détruites pour cause de vétusté. Une destruction qui équivaut à réduire en gravas des souvenirs pour l’adolescent, et une mort certaine pour l’entité qui ne survivra pas sur Terre. Sur certains aspects de son scénario, notamment lorsque le passé des adultes est abordé, le film se lance parfois sur des pistes de réflexion plutôt mûres, avec par exemple le personnage de la mère de Yuma, rongée par la culpabilité pour un acte qu’elle n’a pas su se pardonner et qui va voir son fils prendre le même chemin.

Si le long-métrage a donc pour lui de grandes qualités, tant sur la forme que sur le fond, cela s’accompagne malheureusement de petits défauts qui le tirent parfois vers le bas. Comme précisé plus haut, le film suit un chemin balisé et d’aucuns diront même prévisible. Et le scénario ne fera jamais rien pour tenter quoique ce soit d’autre que ce que prévoit sur la feuille de route. Le schéma du film est simple : présentation du héros, rencontre avec le deuteragoniste, présentation de l’objectif et enfin atteinte de l’objectif. Pour rester dans la comparaison avec le film matriciel du genre, E.T., le classique de Spielberg, présente des obstacles originaux se dressant face aux enfants et leur ami spatial (l’agence qui essaie de capturer l’alien), ce qui rend l’aventure des héros plus trépidante et les poussent à se surpasser. Dans Break of Dawn, il n’y aura jamais rien de fondamentalement menaçant pour les héros, pas l’ombre d’un antagoniste, aucune embûche, si ce n’est une fuite d’eau (l’eau étant le carburant du vaisseau.). Le film durant presque deux heures, et il est frustrant de voir un film au concept prometteur ne jamais oser malmener ses personnages (et par extension les faire grandir ou murir dans l’adversité). Aussi, tôt dans le récit, une fille intègre le groupe et l’on découvre qu’elle est victime de harcèlement assez violent de la part de la grande sœur d’un des adolescents. Ce point aurait mérité plus de développement. L’aînée revient à plusieurs reprises sur le devant de la scène, mais à aucun moment on ne connaitra ses motivations ni les raisons de sa haine ou sa jalousie envers l’amie de son frère ; amie qui voit dans ces aventures spatiales une échappatoire à ses ennuis scolaires. On sent clairement, et c’est tout à l’honneur du film, qu’il y a une volonté d’aborder le sujet du harcèlement scolaire, mais celui-ci ne semble pas pouvoir se fondre dans un récit qui visiblement ne sait pas quoi en faire. C’est ce manque d’audace et de prise de risque qui à défaut de torpiller le film, l’empêche de décoller vers des sommets auxquels, vu son sujet, il est totalement en mesure de prétendre.

Malgré ses défauts, Break of Dawn n’en reste pas moins un film d’animation on ne peut plus recommandable, avec son ambiance post-estivale, son refus du spectaculaire, sa direction artistique  SF minimaliste et crédible (la piscine stellaire est vraiment une excellente trouvaille visuelle) et la soif d’aventure communicative de ses héros.

Romain Leclercq.

Break of Dawn de Kurokawa Tomoyuki. Japon. 2022. En salles le 19/02/2025 via Eurozoom.