Koji Yakusho

Entretien avec Yakusho Koji, invité d’honneur du Festival Kinotayo 2024

Posté le 6 janvier 2025 par

Invité du Festival Kinotayo, Yakusho Koji a répondu à nos questions sur le travail de comédien, sa découverte du cinéma et le doublage pour l’animation.

La 18 édition du Festival Kinotayo a mis à l’honneur Yakusho Koji, avec 7 films très variés : comédie, drame, action, fantastique, et même animation avec le film de clôture, Totto-Chan : la petite fille à la fenêtre de Yakuwa Shinnosuke, pour lequel il prête sa voix. L’acteur multi-primé au Japon et à l’international (la liste des récompenses est très longue) est venu à Paris pour échanger avec le public après la projection de classiques comme Shall We Dance? de Suo Masayuki, L’Anguille d’Imamura Shohei ou Cure de Kurosawa Kiyoshi. Une sélection hétéroclite qui montre le côté caméléon de Yakusho, aussi convaincant en salaryman épris de danse qu’en inspecteur de police dépassé par la réalité qui l’entoure. Il a également reçu le prix du Soleil d’Or exceptionnel, une distinction honorant des personnalités remarquables pour leur contribution au rayonnement du cinéma japonais. Il est la troisième personnalité à recevoir cette récompense depuis la création du festival, après Imamura Shohei en 2006 et Wim Wenders en 2023.

Yakusho Koji nous a accordé un court entretien, mené en tandem avec Benjamin de Japon Cinéma. Merci à lui !

Japon Cinéma : tout d’abord, je voulais vous remercier de m’avoir fait découvrir le cinéma japonais, car le premier film que j’ai vu, c’est mon père qui me l’a montré, c’était Tampopo. Lorsque j’étais adolescent, je me suis passionné pour les films de Kurosawa Kiyoshi, et l’année dernière, j’ai vu avec ma mère le film Perfect Days, et elle a beaucoup pleuré. Le point commun de tous ces films, c’est votre présence. Donc je pense que vous avez participé à mon éducation, avec mes parents. Je voulais vous remercier et je suis impatient de montrer vos films à mon fils. Je ne sais pas par lequel je vais commencer. Comment et pourquoi êtes-vous devenu acteur ?

Je ne sais pas quel âge vous aviez, mais c’est surprenant que votre père vous ait montré Tampopo. Un jour, on m’a donné un billet pour une pièce de théâtre dans laquelle jouait Nakadai Tatsuya [célèbre acteur passé par Kobayashi Masaki, Kurosawa Akira ou Gosha Hideo, et qui fonda en 1975 une école d’art dramatique, ndla]. J’ai vraiment été ému et impressionné. D’habitude, les pièces dans lesquelles jouait Nakadai coûtaient trop cher pour moi, je ne pouvais pas me permettre d’y aller. Par la suite, je suis allé voir d’autres pièces jouées dans un petit théâtre où le billet ne coûtait que 1 000 yens. J’ai découvert de jeunes acteurs passionnés par leur métier. Ils n’étaient pas forcément toujours intéressants mais leur dévouement me faisait envie. Je me suis dit que jouer sur scène devait être plus amusant que d’être spectateur.

EastAsia : vous évoquez le théâtre, mais dans les années 1970, quand vous étiez adolescent, à l’amorce de votre votre carrière, quel était votre rapport au cinéma ? Regardiez-vous plutôt des films de la Nouvelle vague ou plutôt des kaiju et films plus anciens ?

Je voyais pas beaucoup de films à l’époque, mais dans mon adolescence, j’allais plutôt dans un cinéma qui passait des films occidentaux dont des films français. J’ai vu quand même pas mal de films français parce que je pouvais apprendre des choses, notamment avec les scènes érotiques.

Koji Yakusho

Japon Cinéma : j’aime autant le cinéma japonais que le cinéma d’animation et vous avez doublé des paires, deux personnages dans les films de Hosoda Mamoru, Le Garçon et la Bête et Mirai, ma petite sœur, Quel est votre retour d’expérience sur ces deux films ? Comment avez-vous ressenti cette expérience, différente du métier d’acteur filmé ?

J’aimais déjà beaucoup les films de Hosoda. Le Garçon et la Bête était ma première participation à l’animation. Hosoda m’a montré un énorme album de dessins, très épais, une sorte de storyboard. J’ai compris qu’il préparait son film de façon très méticuleuse. J’ai aussi été impressionné par la beauté de ses dessins. Bien sûr, je ne suis pas vraiment un expert du doublage, j’admire le travail des seiyū, et j’aimerais bien continuer à le faire. Je pense que le film d’animation a une certaine liberté que n’ont pas les films en prise de vue réelle parce qu’il peut créer un univers très riche qui ne se réaliserait pas dans un film de fiction en prise de vue réelle. J’envie un peu les personnes qui travaillent dans le cinéma d’animation.

EastAsia : en 2009, vous avez réalisé le film Gama no abura. Qu’est-ce qui vous a poussé à passer derrière la caméra ? Est-ce une expérience que vous souhaitez renouveler ?

Sur les tournages, le réalisateur a un rôle très classe. Ce sont d’ailleurs des membres de l’équipe d’Imamura Shohei qui m’ont dit que je serais sans doute capable de passer derrière la caméra. Je me suis pris au jeu et j’ai fini par réaliser Gama no abura. Le tournage a été vraiment amusant. Par contre, je joue aussi en tant qu’acteur. Si j’avais pu me concentrer uniquement sur la réalisation, cela aurait pu être encore plus amusant, et donc j’aimerais bien tenter une nouvelle fois l’aventure en tant que réalisateur si je trouve un script qui m’intéresse.

Entretien réalisé par Marc L’Helgoualc’h le 13/12/2024 à la Maison de la Culture du Japon à Paris.

Traduction : Megumi Kobayashi

Photos : Philippe Henriot

Remerciements à toute l’équipe de Kinotayo