En 1993, l’une des pièces martiales les plus emblématiques de l’ex-colonie britannique sortait sur grand écran. Iron Monkey, réalisé par Yuen Woo-ping, produit par Tsui Hark, mettant en scène un Donnie Yen et un Yu Rong-guang au plus haut de leur carrière, laisse une trace indélébile sur le cinéma d’arts martiaux hongkongais. Ressortie en Blu-Ray et en version restaurée chez Metropolitan Filmexport le 19 août 2023.
Wong Kei-ying, médecin et artiste martial, est confondu avec un justicier masqué connu sous le nom d’Iron Monkey. Tel Robin des Bois, ce dernier vole les riches fonctionnaires afin de fournir un traitement médical aux plus pauvres. Pour vaincre un régime politique corrompu et protéger la vie des personnes dont ils défendent la cause, les deux hommes vont unir leur force contre le gouverneur Cheng et ses sbires.
Les années 1990 hongkongaises, probablement du fait de l’imminence de la rétrocession, sont traversées par une radicalisation stylistique certaine qui propulse le film d’arts martiaux en des contrées expérimentales où l’heure est désormais à la démythification et à la décodification du genre. Blade of Fury (1993) de Sammo Hung, Les Cendres du temps (1994) de Wong Kar-wai, The Blade (1995) de Tsui Hark, autant d’épopées martiales retenues dans l’histoire comme des œuvres iconoclastes par nature, désireuses de déconstruire les fondamentaux pour y bâtir de nouveaux régimes d’image. Au cœur du cyclone, Iron Monkey s’inscrit pourtant dans une robuste tradition littéraire et cinématographique que Yuen Woo-ping se plaît encore et toujours à perfectionner jusqu’à l’aboutissement.
Quelque part en Chine rurale entre le Nord et le Sud, Iron Monkey se dévoile tout d’abord comme un savoureux jiang hu, ces sociétés parallèles sous forme de microcosme peuplées de justiciers et de malfaiteurs. Face à la tyrannie des fonctionnaires locaux, un mystérieux redresseur de torts aux airs de Robin des Bois se dresse et sème la pagaille au sein du yamen (résidence officielle), avec les encouragements des villageois. De son côté, le jeune médecin, ancien shaolin et exilé Wong Kei-ying (Donnie Yen) mène une vie paisible jusqu’à ce que son fils (portant le célèbre nom de Wong Fei-hung) soit fait prisonnier des magistrats. Il doit, afin de le libérer, capturer le vengeur masqué. Les deux hommes, malgré leur conception respective de la morale, montent finalement une alliance pour se liguer contre leur ennemi commun : l’injustice. Elle-même qui pousse un garde adverse à s’exposer au pire de la part de ses supérieurs en déclarant « je sais reconnaître un héros » devant le dévouement de Wong Kei-ying.
Ces valeurs de justice et de vertu typiquement chinoises, Yuen Woo-ping les met en scène au cœur même des combats. Quand les deux héros prennent soin de ne pas blesser mortellement leurs opposants, ces derniers font appel aux stratégies martiales les plus fourbes dont les angles de caméra, le découpage, les écoles de combats et les chorégraphies rendent compte. Autant d’ennemis à affronter qu’il n’en faut pour couper la tête du serpent, au moins autant de combats férocement pilotés par les artisans de l’industrie cinématographique hongkongaise qui perpétuent un savoir-faire inégalable. La science du montage et les échanges de coups tirés sur câble de Yuen Woo-ping donnent une lisibilité sans pareille aux affrontements, du fait des nombreux artifices de mise en scène déstabilisant la durée phénoménologique de l’action. D’une volonté de Tsui Hark, les vagues d’ennemis sont ponctuées d’instants de développement de personnages et de comédie sans que cela ne vienne ternir le rythme de l’ensemble. Iron Monkey se laisse ainsi regarder comme l’un des derniers représentants du film d’arts martiaux à la hongkongaise : généreux, fringant, familier et attachant.
BONUS
Interviews de Tsui Hark, Donnie Yen, Tsang Sze-man et Quentin Tarantino : ces grands noms du cinéma se confient autour du Iron Monkey de Yuen Woo-ping. Tsui Hark revient par exemple sur sa saga dédiée au héros mythique de Wong Fei-hung, Donnie Yen sur les enjeux culturels entourant son personnage, Tsang Sze-man sur sa carrière d’enfant-acteur et Quentin Tarantino sur l’influence du cinéma de Hong Kong sur sa propre filmographie.
Richard Guerry.
Iron Monkey de Yuen Woo-ping. Hong Kong. 1993. Disponible en Blu-Ray dans la collection HK Video de Metropolitan Filmexport le 19/08/2023.