EN SALLES – Rendez-vous à Tokyo de Matsui Daigo

Posté le 26 juillet 2023 par

Après une projection lors des dernières Saisons Hanabi, le film japonais Rendez-vous à Tokyo, réalisé par Matsui Daigo, débarque sur nos écrans grâce à Art House. Il retrace, à rebours, une histoire d’amour qui naît et se termine (à moins que ce ne soit l’inverse).

Les 26 juillet se suivent et ne se ressemblent pas… C’est le jour où ils se sont rencontrés, celui où ils se sont aimés, où ils se sont séparés. Sept rendez-vous entre un danseur professionnel et une conductrice de taxi dans le Tokyo d’aujourd’hui.

La narration inversée a fait ses preuves pour le pire et pour le meilleur. Dans Rendez-vous à Tokyo, Matsui Daigo s’y plonge avec une sincérité jamais remise en doute, et monte même les enchères en surmontant ce procédé un peu « casse-gueule » par un autre qui l’est tout autant : ramener le récit à une seule date, le 26 juillet de chaque période évoquée. On comprend rapidement ce que recherche le réalisateur derrière ces choix, son désir de capter des moments de vie, des instants de connexions dont on ne mesure l’impact qu’une fois ceux-ci passés. La force de l’intention transcende, hélas, rarement ce que l’on voit à l’écran. L’émotion ne pointe, bien souvent, qu’en surface là où elle aurait dû affluer par vagues.

Après des premières minutes plutôt intrigantes, les personnages sont bien posés et le film parvient à ménager un flou intéressant quant à sa chronologie, les problèmes s’annoncent et persistent jusqu’au dénouement. Le plus gros d’entre eux serait justement cette fameuse structure narrative, sans doute judicieuse sur le papier mais assez ineffective dans l’exécution. Au lieu de donner de l’impulsion au récit, elle semble l’aplatir sur la durée. Par ailleurs, comme bloqué par un temps court qu’il s’est lui-même imposé, le scénario ne cesse de se limiter dans le développement de ses personnages et des enjeux amorcés. Aussi, les moments les plus douloureux et les ceux d’exaltation les plus intenses se suivent plus ou moins de la même manière. Ils s’impriment mais échouent à laisser la moindre trace durable.

Le couple, comme les événements qu’il traverse, reste au stade de l’esquisse, et cela n’a pas forcément à voir avec le champ réduit de l’action. En effet, le film ne trouve pas son équilibre entre la suggestion et le gros trait, s’enfermant dans des clichés sous couvert de s’en échapper. Ainsi, le faux dilettantisme de Yo se manifeste essentiellement à travers le visionnage répétée de Night on Earth (duquel elle emprunte le look de Winona Ryder) et une certaine maladresse sociale plus adorable qu’handicapante. L’arc de Teruo commence par offrir quelques pistes prometteuses, bien que déjà vues, puis sombre dans la facilité, faute de donner au personnage un caractère réellement défini.

Bancal, le film n’est pourtant pas dépourvu de jolies idées : les personnages secondaires dégagent une bienveillance inattendue et on capte quelques brefs instants de grâce ici et là, comme dans la première rencontre (qui arrive à la fin donc et ne fait que renforcer la sensation que l’histoire aurait peut-être été mieux servie par une chronologie traditionnelle), ou dans une scène dans laquelle Yo perd son sang froid face à des passagers un peu avinés dans son taxi.

Ces petits moments doivent beaucoup aux deux comédiens qui ne déméritent pas malgré une matière ténue. Le toujours excellent Ikematsu Sokuke compose un Teruo constamment sur le fil entre confiance et insécurité, donnant un peu de nuances à un personnage autrement bien passif. De son côté, Ito Sairi, aperçue dans Asako I&II, dégage un charme indéniable, joue de sa voix rocailleuse et de son air renfrogné en évitant pas mal d’écueils. Ils parviennent, le temps  d’une scène ou deux, à apporter un peu de sel à ce Rendez-vous à Tokyo pas désagréable mais un peu tiède.

Claire Lalaut

Rendez-vous à Tokyo de Matsui Daigo. Japon. 2023. En salles le 26/07/2023