Le Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) est de retour et projette le nouveau blockbluster de Choi Dong-hoon, Alienoid.
Au XXIè siècle, deux robots aliens s’occupent de prisonniers extra-terrestres sur Terre dans le plus grand secret. Au XIVè siècle, Muruk, moine taoïste magicien, recherche une épée magique. Si tout semble opposer ces deux trames, à commencer par les sept siècles les séparant, une faille temporelle s’ouvre entre les deux époques, alors que la Terre subit une invasion extra-terrestre. Alienoid, en respectant son concept aussi curieux qu’amusant de faire se rencontrer des aliens et des robots avec le folklore coréen, tente de nous offrir une série B complètement décomplexée et jouissive. Si cette tentative est, sous bien des égards, très amusante et agréable à regarder, le film n’arrive malheureusement pas à devenir cette promesse alléchante.
Un fâcheux équilibre s’instaure tout au long du métrage entre ses très bonnes idées, et son échec systématique à les mettre en place convenablement. D’un côté, on peut être réceptif à cette proposition loufoque, de l’autre, il ne dépasse jamais le stade de proposition, échouant sur tous les autres tableaux. Le film se passant en partie dans la Corée du XIVè siècle avec des moines taoïstes cherchant tous à obtenir une même relique, un des principaux intérêts d’Alienoid réside donc dans ses nombreux affrontements. Si les combats sont assez bien chorégraphiés, sans révolutionner quoi que ce soit tout en restant suffisamment ludiques pour être bons, la réalisation ne permet pas d’en profiter pleinement. Les combats sont plus ou moins bien cadrés, livrés dans un montage trop découpé, de sorte qu’il est compliqué de suivre le déroulé de l’action. Quelques scènes peuvent être sauvées, mais cela reste très rare, et tient encore une fois plus aux idées loufoques du scénario qu’au réel résultat final. De plus, l’aspect visuel laisse globalement à désirer. Les effets pratiques sont souvent agréables, puisque malgré leur aspect kitch, ils gardent une certaine cohérence avec le ton général du film. Tandis que les effets numériques, eux, se démarquent par leur rendu plutôt laid. Il ne s’agit pas tant d’une question de budget accordé à ceux-ci (et encore, étant un blockbuster, de bons effets numériques ne seraient pas de trop), mais surtout de design. Ils sont tous assez fades, que ce soit celui des robots, des aliens, ou bien même des vaisseaux. L’aspect science-fiction apparaît donc parfois presque bâclé comparé à l’autre temporalité qui, elle, se tient vraiment très bien. Les costumes et décors de la partie au XIVè siècle ridiculisent ces vaisseaux ultra-modernes et ces aliens peu inspirés, sans pour autant être eux-mêmes grandioses. Aussi, le film souffre de gros problèmes de rythme. Encore une fois, dans l’idée, il est vrai que pour instaurer un tel univers avec de tels enjeux, et rendre le tout crédible, il faut y mettre le temps. Force est de constater que le dernier tiers du métrage est assez laborieux, et se trouve d’autant plus frustrant qu’il se termine sur un cliffhanger (la suite étant actuellement en post-production). Peut-être qu’un gros film de 3h ou plus aurait suffi ? Même si la suite a beaucoup à nous offrir, cela ne sauvera pas cette fin tout à fait pénible, dans laquelle s’enchaînent des révélations attendues, et qui apparaît presque comme une liste d’événements à rapidement montrer avant le générique, plutôt que comme un véritable dénouement.
Il faut néanmoins lui reconnaître que, malgré tous ces défauts, il reste très plaisant à regarder, notamment de par sa place particulière dans le paysage cinématographique actuel. Il est une véritable étrangeté. S’il refuse de proposer un film tout à fait classique pour son gros budget, versant dans la série B complètement assumée, il reste tout de même à des années-lumière de la finition de certains blockbusters coréens. Peut-être aurait-il fallu au métrage un peu plus d’ambition, plutôt que de se reposer simplement sur la surprise et l’originalité. Avec une mise en scène plus attentionnée, en plus de ce scénario et de cet univers complètement fou et profondément intéressant, il aurait été possible de proposer bien plus qu’un simple divertissement très drôle, assez surprenant, mais vite lassant. Certes, les blagues fonctionnent, certaines scènes (notamment de combat) arrivent miraculeusement à obtenir l’effet escompté, et le tout ne devient jamais insupportable. Même les lourdeurs d’écriture sont facilement excusables, et ajoutent un certain cachet au film : cet univers complètement barré et parfois idiot fonctionne complètement, ce qui était probablement l’élément le plus compliqué à mettre en place pour la tenue du scénario. Toutefois, Alienoid reste très frustrant. Il n’est pas assez mauvais pour être détestable, ni assez bon pour être jouissif.
Thibaut Das Neves
Alienoid de Choi Dong-hoon. Corée. 2022. Projeté au FFCP 2022