My name 1

NETFLIX – My Name de Kim Ba-da et Kim Jin-min

Posté le 21 février 2022 par

My Name, projet exclusif interdit au moins de 16 ans de Netflix et créé par Kim Ba-da et Kim Jin-min fut, il est vrai, un peu éclipsé par le succès de Squid Game l’année dernière. Diffusée sur la plateforme lors du dernier trimestre de 2021, la série sud-coréenne a été mise en lumière lors du dernier festival international du film de Busan et a permis de découvrir une nouvelle forme de narration des vigilante movies. Retour sur une lady vengeance qui n’a rien à envier aux autres juges pécheresses.

À la recherche du meurtrier de son père, Yun Ji-woo, une jeune femme motivée par la vengeance, intègre le puissant gang Dongcheon en faisant équipe avec le chef, qui va lui permettre de s’infiltrer au sein de la police pour en savoir plus sur la mort de son père. Elle est ainsi affectée à la brigades des STUPS, où elle doit faire équipe avec son nouveau coéquipier, l’inspecteur Jeon Pil-do.

Old Boys versus Young Girl

My Name est un concentré de 8 épisodes d’un récit somme toute classique d’une quête vengeresse mêlant violence graphique, faux semblants et infiltration chez l’ennemi.

Dès sa première bobine, on assiste donc à une plongée désespérée dans la psyché de cette fille mystérieuse, inconsolable, abandonnée et ayant visiblement la bonne idée (à l’instar des scénaristes) de ne pas magnifier le monde du crime. Dès les premières minutes, le show démontre d’ailleurs tout le soin apporté à sa création. La musique déjà. L’électro 80’s « électrise » ainsi le premier épisode avec beaucoup de pertinence. Idem pour ce qui est de la patte graphique donnée à la série dès son entame. On s’abandonne, grisé, dans ces images d’Épinal filmées de nuit, à la lumière diffuse des néons. La réalisation de cette première saison est en effet soignée car bien que peu inventive, elle multiplie les essais, les points de vue et dynamise toujours le récit. Plans subjectifs, œillets de portes, travelling, contre-plongée : rien de transcendant mais une mise en scène pertinente et appliquée. On citera entre autres quelques moments inoubliables et déjantées comme ce plan séquence dans la salle de gym. Avec cette nouvelle héroïne (magnifique Han So-hee), la violence devient plausible. De par son interprétation, jumelée avec quelques planches dignes d’une bande dessinée (comme ces bastons dans la nature ou les clubs glauques), la série séduit toujours visuellement. Qu’ils s’agissent donc des affrontements gangs vs gangs dignes d’un manga hard boiled, de la scène de la compression auto, cette chorégraphie entre intentions visuelles et direction d’acteurs pertinentes est un ballet très souvent réussi. On pourra certes regretter l’utilisation de flashbacks explicatifs redondant qui bien que louables, sont beaucoup trop souvent utilisés comme béquille.

Bien que transpirant le travail dans son approche formelle, difficile de se confesser totalement ébahi quant à la profondeur scénaristique du show. Attention, la série surnage tout de même un cran au dessus de la mêlée. Enfin, ce n’est pas Ozark non plus mais la série est bien plus intéressante que nombre de productions asiatiques. My Name prouve que la Corée est probablement le pays le plus intéressant du continent en terme de création. Dévastée par le meurtre de son père (un mafieux), la jeune femme mise donc sur sa vengeance envers un puissant caïd de la pègre et qui la charge d’infiltrer la police. Contrainte de changer d’identité pour trouver l’assassin, c’est dans la personne de Choi Mu-jin (Park Hee-soon), meilleur ami de son paternel qu’elle trouve de l’aide… Incarnation en une unique nemesis de tous les chemins de traverse d’Infernal Affairs, cette pièce de théâtre ne s’achevant jamais va évidemment laisser notre porteuse de masques pleine de scarifications. Du choix d’avoir des regrets plutôt que des remords, de la gestion des non-dits à la déception frontale, ce récit du « rise and fall » ne laissera aucun personnage indemne. Sous les guenilles d’un vigilante, le réalisateur Kim Jin-min (Extracurricular) décide de saupoudrer ce classicisme apparent de nombreuses pistes apportant beaucoup de saveur au propos. La vie avec le mensonge et la souffrance qui en découle ou la détermination sont ainsi des évidences magnifiées lors d’une ellipse temporelle particulièrement pertinente au second épisode et évitant ainsi au récit de traîner en longueur. C’est là que le premier tiers achèvera de construire son fragile château de cartes : l’ abandon dans la folie d’une fille répétant les même erreurs que son père en espérant des résultats différents…

Proche de l’écriture d’un manga sur de multiples aspects, My Name n’évite malheureusement pas l’écueil des méchants caricaturaux, d’inspiration formelles parfois embarrassantes (les FPS de jeux vidéo) mais surtout d’une rythmique ô combien perfectible. Sans même parler du creux dommageable en milieu de récit après deux épisodes captivants, on peste surtout sur le découpage identique de chaque épisode. Exposition, révélation, menace, bagarre, suspense, monologue du méchant et teasing : une écriture franchement flemmarde au regard d’autres aspects sublimant le chemin de croix de Yun Ji-woo. L’ellipse temporelle évoquée plus haut et ce chapitrage convenu transforment alors une proposition alléchante en une légère frustration eu égard à une intrigue qui in fine progresse trop vite pour scotcher le spectateur à son siège.

De sa chorégraphie finale citant le maître incontesté John Wick en passant par de seconds rôles savoureux, une imagerie respectée des triades ou une bande originale parfaite, My Name est sans contestation un must see de la plateforme. Par son aération de sa violence graphique, par un humour pince sans rire bienvenu, la série réussit même le pari de se sublimer dans un dernier épisode dantesque. Score, sexe, surprises, réalisation : rien à jeter dans le chant du cygne de cette proposition qu’on attend déjà avec impatience pour une seconde saison. Imparfaite notamment dans son ventre mou, l’on ne peut toutefois que vous conseiller cette histoire formellement sublime de vengeance et de trahisons au rythme des beats du siècle dernier. Ça devrait suffire à vous mettre l’eau à la bouche.

Jonathan Deladerrière

My Name de Kim Ba-da et Kim Jin-min. Corée du Sud. 2021. Disponible sur Netflix