Takashi Miike Mole Song Final

IFFR 2022 – The Mole Song: Final de Miike Takashi

Posté le 7 février 2022 par

Avec The Mole Song: Final, Miike Takashi met fin à la trilogie Mole Song, soit l’adaptation du manga de Noboru Takahashi sur Reiji, un policier pervers et incompétent qui s’avère être un redoutable agent infiltré chez les yakuzas. Une comédie gagesque et déjantée. C’était à découvrir au Festival International du Film de Rotterdam !

On ne présente plus Miike : réalisateur flamboyant dans les années 1995-2005 qui a réinventé la comédie romantique avec Audition et perverti le polar avec la trilogie Dead or Alive, saupoudrant ses œuvres de scènes choc aussi marquantes que l’œil tranché au rasoir dans Un Chien andalou de Buñuel. Son ultra-violence est souvent pondérée par le burlesque, son réalisme cru par la fantasmagorie, sa trivialité par la grandeur et la noblesse. Miike a le talent de traiter le monde adulte avec un regard d’enfant (le tueur à gages de Dead or Alive 2) et d’adapter des univers enfantins avec un regard d’adulte (son adaptation sexualisée de Yatterman). Depuis cette période dorée, Miike poursuit son œuvre avec application mais avec moins d’inventions et d’éclats sublimes. C’est bien connu et il ne s’en cache pas : c’est un réalisateur qui accepte la plupart des projets qu’on lui propose, tournant inlassablement un à trois films par an, quel que soit le genre.

Cette dernière décennie, il a donc enchaîné les adaptations de manga horrifique et fantastique (Lesson of the Evil, As the Gods Will, Terra Formars et Jojo’s Bizarre Adventure: Diamond Is Unbreakable, Chapitre 1), l’adaptation de jeu vidéo (Ace Attorney), le polar minimaliste (Shield of Straw), le polar fantastique et parodique (Yakuza Apocalypse) ou le chanbara (Blade of the Immortal). Les résultats sont parfois ratés (Terra Formars et son matériel de base complètement pété), rarement très bons (As the Gods Willmais généralement corrects : des films qu’on prend plaisir à regarder sans laisser de souvenir impérissable. Les maisons de production font appel à Miike pour une bonne raison : c’est un excellent artisan qui peut travailler dans l’urgence pour des budgets assez réduits. C’est aussi un caméléon qui s’adapte à des genres variés, aussi bien pour le grand public (parfois les enfants) que pour des amateurs d’horreur et de violence.

Takashi Miike Mole Song Final

La trilogie Mole Song fait partie des films grand public. C’est l’adaptation du manga Mogura no Uta de Noboru Takahashi qui compte plus de 70 volumes depuis 2005 (et près de 10 millions d’exemplaires vendus). Dans cette franchise : Kikukawa Reiji, un agent de police libidineux obsédé par la gente féminine mais doté d’une moralité sans faille quant à la justice devient un agent infiltré chez les yakuzas pour démanteler des trafics de stupéfiant. Après les deux premiers films sortis en 2013 et 2016, Miike fait un point final aux pérégrinations de l’infiltré au grand cœur et aux vestes colorées avec The Mole Song: Final. Pour le scénario, Kankuro Kudo est à la manœuvre, comme pour les deux premiers films et les deux Zebraman de Miike : un gage certain d’humour déconcertant et WTF Japan Seriously?

La scène d’ouverture commence par un clin d’œil aux épisodes précédents : on retrouve l’agent infiltré nu comme un ver, accroché à une falaise, le sexe recouvert d’une statue Daruma. La nudité du policier dans des situations incongrues est un des leitmotivs de la franchise. On reste peu vêtu dans la scène suivante : dans un sauna, Reiji raconte à ses collègues policiers son séjour italien à la poursuite de trafiquants de drogue. Chanson et chorégraphie rap, obsession pour les parties génitales de Reiji et sous-texte homosexuel (un classique chez Miike) : le trivial et le n’importe quoi s’installent pour ne partir qu’au générique de fin. Tous les acteurs cabotinent : c’est un concours pour savoir qui en fera le plus. À ce jeu, difficile de trouver un vainqueur entre Ikuta Toma (Reiji), Tsutsumi Shinichi (alias Papillon, un yakuza anti-drogues prônant une sorte de crime organisé éthique – et sans huile de palme) ou Suzuki Ryohei (le fils du Boss, véritable colosse dont la force et la férocité n’ont d’égales que celles d’un lion sous amphétamines). Ce cabotinage permanent et les situations burlesques insufflent au film cette dimension propre au manga. On retrouvait cette même extravagance dans Ace Attorney… adapté du jeu vidéo.

Il n’y a rien de spécifique à dire sur le film : c’est une comédie potache et excessive qui se regarde sans déplaisir. Un croisement déjanté entre Les Gendarmes de Saint-Tropez et Ace Ventura mis en scène par un Miike qui se repose sur son talent et son efficacité. Rien de révolutionnaire. Rien d’exceptionnel. Un divertissement bien fait mais qui ne va pas plus loin. Mais en attend-on plus de la part de Miike aujourd’hui ?

Marc L’Helgoualc’h

The Mole Song: Final de Miike Takashi. Japon. 2021. Projeté à l’IFFR 2022.

Imprimer


Laissez un commentaire


*