Récompensé du Prix Tiger au Festival International du Film de Rotterdam (IFFR), Pebbles est le premier long métrage de P.S. Vinothraj : 70 minutes de film, un périple de 13 kilomètres, une tranche de vie sous un soleil de plomb dans le sud de l’Inde. Une œuvre d’une simplicité et d’une maîtrise déconcertantes. Et c’est à découvrir au festival Black Movie !
Le scénario de Pebbles est très simple : dans le village agricole d’Arittapatti, dans l’État de Tamil Nadu, Ganapathy, un père alcoolique, entraîne son fils dans une marche de 13 kilomètres pour rejoindre sa femme qui a fui le domicile. À la colère et aux jurons permanents du père répond le quasi mutisme de l’enfant, incrédule, face à tant de violence, comme si ce père lui était complètement étranger. On imagine d’ailleurs un rapt quand, dans la première scène, le père débarque dans l’école de son fils pour sonner une drôle de récréation. Cette journée d’école buissonnière ne sera pas de tout repos pour l’enfant qui en apprendra pourtant beaucoup sur la nature humaine et les liens familiaux. Son incrédulité n’empêchera quelques espiègleries de sa part, quand il tentera d’échapper à son père ou jettera la boîte d’allumettes essentielle à son fumeur de géniteur.
Le dispositif est très minimaliste, avec une alternance de travellings au plus près des personnages et de plans fixes dans le désert indien. La scène pivot du film est un plan séquence de plus de 10 minutes, caméra portée, qui suit l’enfant, mandaté par son teigneux de père, chercher en vain sa femme au village et parler avec sa belle-famille bientôt attaquée physiquement par le père. La caméra fait des allers retours dans les rues quasi-désertes et poussiéreuses de ce village de fortune, navigue entre différents habitants comme dans une ronde ophülsienne, lent ballet fait de tout et de presque rien. La maîtrise de la mise en scène, limpide, est impressionnante.
Pebbles est inspiré d’une histoire familiale du réalisateur, qui a passé plus de deux ans dans le village d’Arittapatti pour mûrir son script, s’imprégner des lieux et des paysages et apprendre aux villageois les bases de l’interprétation pour jouer dans le film. Même le père et le fils sont interprétés par des acteurs non professionnels, respectivement Chellapandi et Karuththadaiyaan, et ce pour garder une authenticité propre au courant néoréaliste. Ces villageois interviennent dans plusieurs scènes d’ambiance qui restent importantes dans la construction narrative : la classe d’école, un groupe d’hommes réunis pour des jeux d’argent, des usagers d’un bus, des « chasseurs » de rats ou un groupe de femmes autour du puits du village, bien chiche en eau en cette journée caniculaire.
Pebbles voit la naissance artistique de Vonthraj P.S., une proposition de cinéma humble qui impressionne par sa mise en scène simple, précise et virtuose. Ce film est soutenu et produit par l’actrice Nayanthara et le réalisateur / acteur Vignesh Shivan, deux personnalités qui bénéficient d’une certaine exposition médiatique en Inde. Espérons que cela permettra au film d’être montré à une large audience.
Marc L’Helgoualc’h
Pebbles de P.S. Vonthraj . Inde. 2021. Programmé au festival Black Movie 2022
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