Nous reprenons la découverte du nouveau coffret M6 Vidéo du diptyque Battle Royale, en nous penchant cette fois-ci sur le deuxième opus, Battle Royale II: Requiem et sa version longue Revenge, sorti initialement en 2003. Le dernier film de Fukasaku Kinji, malheureusement décédé pendant le tournage, est également sa première collaboration avec son fils Fukasaku Kenta, qui s’est chargé de finir le film seul.
Nous reprenons l’histoire trois ans après le premier opus. Nanahara Shuya, gagnant de l’édition de la Battle Royale du premier film est toujours considéré comme un hors-la-loi après sa victoire jugée frauduleuse. Forcé de s’exiler et d’échapper à l’armée japonaise, il a finalement monté un groupe de résistance adolescente contre les adultes nommé Wild Seven. Leurs actions violentes et le bombardement d’immeubles à Tokyo leur vaut d’être qualifiés de terroristes et de devenir les ennemis principaux du gouvernement, toujours aussi en crise qu’on l’avait laissé. En conséquence, la loi Battle Royale évolue. Au vu de l’effet contre-productif de rassemblement des survivants des éditions précédentes auprès de Shuya, on s’assure désormais qu’aucune dérive similaire ne se produise à nouveau. Ainsi, une classe d’adolescents difficiles est toujours sélectionnée pour aller se battre. Or cette fois-ci, leur cible n’est plus leurs camarades mais le groupe Wild Seven et son leader Shuya en particulier. Les élèves disposent de trois jours pour le traquer et le tuer, sous peine de voir leur colliers explosifs détoner.
Après l’impact de Battle Royale qui est devenu un film culte incontournable du genre, Battle Royale II a définitivement porté le poids d’énormément d’attentes sur ses épaules. Malheureusement, de façon quasi-univoque, le film a beaucoup déçu. Pourtant, il n’y a pas que des défauts dans ce film certes inégal. Les partis pris du scénario sont loin d’être inintéressants et constituent possiblement la meilleure façon de faire bifurquer le principe de Battle Royale à partir du premier film. L’idée de tenter de contrer Shuya en utilisant les mêmes personnes qu’il cherche à défendre offre un renouvellement de l’intrigue tout en conservant la pertinence politique de Battle Royale. Nous retrouvons des thématiques de mise en concurrence des individus au profit d’un pouvoir qui profite du spectacle, de façon peut-être plus militante encore puisque cette fois, l’un des groupes en question représentant directement l’opposition au gouvernement. A ce titre, les Fukasaku utilisent de nouveau des représentations visuelles et des idées très évocatrices. Lors de la mise en condition des élèves et de l’explication de leur mission, le professeur leur demande de se placer d’un côté ou de l’autre d’une ligne blanche tracée au sol, en fonction de s’ils souhaitent se battre ou non. Tous les adolescents allés spontanément se placer à l’endroit symbolisant le refus sont finalement obligés de se rendre à l’opposé de la pièce, à force de voir leur nombre s’amenuiser. On retrouve alors une logique de mouvement social et de franchissement du piquet de grève qui renvoie aux ambitions militantes de Fukasaku Kinji contre le néolibéralisme du premier Battle Royale. Le statut des puissances mondiales en prennent également pour leur grade de façon extrêmement explicite. En prime de dénoncer l’impérialisme américain à plusieurs reprises, le film prend le parti d’opposer les conditions de vie du Japon ou des États-Unis à celles de l’Afghanistan, au détriment des pays riches.
La transformation en guerre des Battle Royale donne lieu également à une ampleur politique renouvelée de même qu’à des séquences assez saisissantes et percutantes. Le premier massacre lors de l’arrivée sur l’île avec une caméra épaule suivant les étudiants confus et désorientés, qui ne savent même pas comment ils sont censés se défendre face aux salves d’attaques, est terrifiante de réalisme. Il n’est plus question de combats au corps à corps, les élèves sont véritablement de la chair à canon qui se fait décimer de façon si rapide et brutale que leur professeur ironise ensuite sur le fait que leur mort a « manqué d’individualité ». A cet égard, Battle Royale II est presque plus dérangeant à regarder que son prédécesseur tant les images sont difficiles à détacher de représentations réelles de conflits armés. Ce traitement beaucoup plus réaliste des combats, dans la première partie du film, fonctionne tout aussi bien dans la résonance avec son sujet que la violence exacerbée quasi-vidéoludique réussissait à Battle Royale premier du nom. Les Fukasaku troquent les métaphores pour un propos beaucoup plus explicite et frontal et adaptent de façon intelligente et pertinente la cinématographie à leurs ambitions. A ce titre, la version courte (Requiem) est plus intéressante que la longue puisqu’elle ne contient pas de ralentis, ce qui renforce sa brutalité.
Toutefois, il est effectivement compliqué de mettre ce volet au niveau de son prédécesseur. Le problème majeur, impossible à ignorer, est la différence de qualité de direction d’acteur. Dès lors, les scènes plus intimistes, qui faisaient la grande force du premier Battle Royale, souffrent énormément du ton comique et grotesque du jeu de certains interprètes. En particulier, Takeuchi Riki (pourtant très bien dans la saga des Dead or Alive de Miike Takashi) dans le rôle du professeur et Oshinari Shugo en « chef » de classe, cabotinent tous les deux à grands renforts de grimaces qui nuisent aux tensions dramatiques de certaines scènes. Dès lors, même lorsque l’on approfondit les émotions avec un traitement réellement dramatique, lors des scènes de flashback entre le professeur Kitano et sa fille par exemple, les séquences ont du mal à convaincre tant le décalage avec le reste du film se fait sentir.
Ce manque d’investissement émotionnel est malheureusement également amplifié par la progression inégale du film. Battle Royale II souffre de problèmes de rythme, surtout lors de la seconde moitié du film, ce qui rend son visionnage assez laborieux. Là où le volet précédent trouvait un équilibre entre les scènes d’action et les passages centrés sur le développement des personnages, ici nous assistons à des blocs monolithiques de plusieurs dizaines de minutes sur le même principe. Cette disproportion au niveau des ambiances fait paraître chaque segment bien plus long qu’il ne l’est en réalité et il est dommage de devoir lutter pour conserver une attention constante. Paradoxalement, certains éléments sont inexplicablement rushés alors qu’ils auraient mérité davantage de mise en place. Le revirement du professeur Takeuchi qui choisit de se rallier aux élèves, en particulier, tombe comme un cheveu sur la soupe sans que l’on saisisse vraiment les enjeux qui l’y ont poussés.
Battle Royale II est ainsi finalement plus frustrant qu’il n’est raté. Le matériel était présent pour offrir à Battle Royale une suite à sa hauteur et il est dommage de devoir se contenter de traquer ces très bons éléments et séquences dans un ensemble inégal. Le film peut tout de même intéresser les fans du premier mais il faut certainement revoir ses attentes à la baisse.
Bonus
Là encore, M6 Vidéo nous gâte avec de très nombreux bonus. Sur le Blu-Ray de la version Requiem, nous trouvons les spots TV de promotion du film, la bande-annonce originale, un making-of, l’enregistrement de la bande originale, la vidéo de présentation de l’avant-première et une scène inédite. La scène inédite en question est une version allongée de la séquence de la fille de Kitano qui joue du piano devant la petite fille réfugiée. Sur le second Blu-Ray de la version Revenge, les bonus sont des contenus promotionnels, les essais en salle d’audition, des anecdotes en salle de tournage, la succession (un nouveau making-of) et une vidéo d’images de Fukasaku Kinji sur le tournage en souvenir du réalisateur. Encore une fois, les vidéos de coulisses sont les plus intéressantes, en particulier lorsqu’elles montrent les méthodes de travail des réalisateurs. Les séquences sur Fukasaku Kenta qui parle de son père et de la difficulté de finir le tournage seul sont également très émouvantes et aident à comprendre les éléments irréguliers du film.
Elie Gardel.
Battle Royale II Requiem et Revenge de Fukasaku Kinji et Kenta. Japon. 2003. Disponible en coffret Blu-Ray et Blu-Ray 4k chez M6 Vidéo le 01/12/2021.