VIDEO – The Rescue de Dante Lam

Posté le 6 janvier 2022 par

4 ans après Operation Mekong (2016) et 2 ans après le non moins impressionnant Operation Red Sea, Dante Lam vient clore ici sa trilogie centrée sur le personnel public chinois pour cette sortie en DVD et Blu-ray dans l’Hexagone. The Rescue (sorti en Chine le 18 décembre 2020) n’est pas là pour enfiler des perles mais plutôt des scènes d’action toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Accrochez-vous à vos sièges et poussez l’ampli jusqu’ à 11 : l’année vidéo démarre en trombe !

Synopsis : Le quotidien d’une équipe de sauveteurs, qui au péril de leur vie, met tout en œuvre pour sauver la vie des autres. Gao est le chef d’une équipe de sauveteurs. Après plusieurs missions risquées, et la perte de deux de ses équipiers, il décide de prendre un congé prolongé pour s’occuper de son fils de 6 ans. Mais lorsqu’un incendie se déclare sur un transporteur de gaz naturel et que l’équipe de secours s’y retrouve piégée, Gao est appelé à la rescousse. 

Il faut sauver le soldat Lam

Connu pour être le plus gros budget de l’histoire du cinéma chinois (90 millions de dollars ou 570 millions de yuan), le film retrouve la star du métrage précédent de Lam (Ian Wang) et en chef de troupe Eddie Peng (Operation Mekong). Ajoutant pour la caution bombe atomique une actrice sublime (mais déterminée) à chaque plan, Xin Zhilei (Brotherhood of Blades II), l’œuvre a sur le papier toutes les caractéristiques du blockbuster (un peu bas du front). Mettant l’accent sur les liens indéfectibles d’un groupe de secouristes tout en restant, bien évidemment très spectaculaire dès sa première bobine (on plonge directement dans l’action et on craint le pire devant si peu d’exposition), The Rescue suit une unité de sauvetage au sein des garde-côtes chinois dans leurs entraînements, leurs interventions ou parfois les drames inhérents à leur vocation. Le célèbre réalisateur était attendu au tournant, son œuvre précédente ayant remporté plus de 540 millions de dollars au box office chinois. Fort de cette réussite, il a donc pu bénéficier d’un budget jusqu’ici inédit et du soutien du ministère des transports publics.

Abandonné dès les premières minutes sur une plateforme pétrolière en feu (on reste toutefois loin de la claque Deepwater avec Mark Wahlberg), le spectateur écarquille les yeux sur une pyrotechnie aux SFX visibles et donc, un peu ratés. Cherchant son inspiration visuelle du côté d’un Transformers (et la boucle est bouclée) et non de Backdraft, le choix des caméras et de la direction artistique (très lisse et artificielle voire téléfilm) est surprenante eût égard au budget. C’est dommage car l’étalonnage et un choix de pellicule différente auraient donné une toute autre ampleur au métrage. On passe toutefois de suite un bon moment. L’humour est présent, certains personnages offrent une respiration bienvenue au souffle épique (le fils de 6 ans, le chien fou de l’équipe) et certaines scènes de l’entame mettent immédiatement le spectateur en garde : il en aura pour son argent. L’incroyable survol des montagnes, la panne de moteur ou une scène WTF où un hélicoptère fonce sur un camion emporté par un torrent n’en sont que quelques exemples. Un régal pour les mirettes. On soulignera par ailleurs (et c’est ce qui fait regretter certains choix de réalisation) d’autres trouvailles pertinentes comme le sauvetage (lors de la séquence précitée) filmée en « GoPro-like » ou les démonstrations de puissance lors des répétitions en entraînement. Une séquence définitivement cool. Alors donc que la première bobine touche à sa fin, on regarde malgré tout sa montre en se disant qu’il reste plus d’une heure et que le principe est entendu. Le cinéma est évidemment plus qu’une suite de scènes d’action mises bout à bout.

Heureusement, et de manière inattendue, le métrage trouve un second souffle à mi-parcours. On assiste alors un second film dans le film (il y en a même un troisième d’après le making-of), où le happy-end semble s’éloigner pas à pas pour rendre enfin un hommage plus crédible au sacerdoce de ces héros du quotidien. Les doutes, les drames, l’abandon, la peur… On éprouve alors de véritables moments de tension, d’émotion et le score (jusqu’ici pompier, d’Elliot Leung) livre enfin une partition qui fait dresser quelques poils. Pour celles et ceux qui (comme l’auteur de ces lignes) ne trouveront aucun intérêt artistique au début de métrage, n’arrêtez pas le visionnage et soyez persuadés que la seconde partie monte en puissance. Une exposition empathique et une direction artistique plus travaillée auraient in fine fait énormément de bien a à cette nouvelle vitrine du cinéma chinois (malgré l’apport avoué des techniciens US).

Illustrant son propos par de multiples choix thématiques cohérents, le film est certes convenu et parfois décevant. Des enjeux universels mille fois exploités (la camaraderie, la ténacité, le sacrifice) qui ne vont jamais au bout de leurs propos laissent ainsi un goût d’inachevé dans la bouche. Le film n’est en effet que plus pertinent quant il évoque de manière frontale les problématiques d’une telle vocation. L’abandon de sa famille naturelle pour celle que l’on a choisi, la décision de sauver une vie plutôt qu’une autre, le courage de devoir reconnaître que l’on ne peut sauver tout le monde, pas même ceux que l’on aime le plus…. On peste donc parfois devant ces problématiques à peine effleurées qui auraient à coup sûr apporté beaucoup de profondeur au discours. Le clou est enfoncé devant certains choix artistiques parfois incompréhensifs… Le logo du film en feu, une esthétique proche d’une série allemande comme Alerte Cobra sont ainsi des évidences parmi des dizaines. Que dire du manque d’exposition des personnages ? Pourquoi Dante Lam alterne-t-il des morceaux de bravoure (l’entraînement aquatique, la simulation en réalité virtuelle) et des choix de mise en scène ratés en multipliant les zoom à 300 à l’heure, les caméras qui virevoltent inutilement ou les plans subjectifs citant Panic Room… Tout ceci dessert malheureusement le récit et ce côté « clipesque » handicape son auteur. Le gros hic du film est donc à n’en point douter d’avoir privilégié sa forme en multipliant les erreurs scénaristiques. En 2021, les enfants à sauver, les mannequins pilotes d’hélicoptères en lunettes de soleil qui marchent au ralenti font que The Rescue ressemble parfois au spot de l’Armée française pour s’engager dans la Marine. N’est pas Top Gun qui veut… Un constat rageant au regard de la qualité de la dernière heure et le traitement à réserver à ces héros. Une vision proche d’un film comme En pleine tempête et surtout le chef d’œuvre Sea Fog eut été plus judicieux. Alternant les coquilles stylistiques (les hallucinations, les aurores boréales ou les fonds vers criants) et les séquences pertinentes de beauté (le segment sur le paquebot est superbe), on reste donc un peu frustré devant un film inégal mais parfois réjouissant.

Tour de force technique (la dernière demi-heure, l’amerrissage), The Rescue (qui cite autant Cliffhanger que Tunnel ou Pandora) a le cul entre deux chaises. Parfois gênant par la naïveté de discours héroïques embarrassants (le soutien financier et technique du ministère n’y est probablement pas étranger) et ses choix artistiques (la photographie de Peter Pau ne fait jamais rêver, vous l’avez ?), le film ressemble parfois à un caprice de réalisateur profitant de son récent succès. Un manque de profondeur et d’écriture qui ne doit cependant pas faire oublier quelques moments de tension très efficaces et une seconde partie passionnante. On a connu bien pire pour 90 millions de dollars (malgré son flop au box office et ses 69 millions récoltés), le soin et l’implication ne souffrant ici aucun débat.

BONUS

Making-of (36 mn) : malgré un montage too much et un discours promo une nouvelle fois bien rodé (Lam qualifie l’une des séquences comme la plus complexe de toute l’histoire du cinéma chinois, rien que ça), impossible de nier le sérieux et l’ampleur du travail accompli. Le réalisateur confie d’ailleurs préparer le projet depuis 5 ans et fait oublier l’hypothèse d’un caprice de l’ex machine à cash. On appréciera enfin de découvrir qu’en réalité, le choix d’associer les effets spéciaux réels et numériques fut bien effectif et à la préparation inattaquable. On citera par exemple des cascades dangereuses, ces incroyables bassins créés au Mexique au studio Baja (pour le tournage de Titanic), 400 techniciens de toutes nationalités et une séquence folle de submersion… de plateau de tournage ?! Un document instructif sur la manière de collaborer sur de gros projets internationaux.

Jonthan Deladerriere

The Rescue de Dante Lam. Chine. 2020. En DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Films le 06/01/2022

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