Le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) est enfin de retour ! Cette année, on pourra retrouver en compétition le long-métrage The Sadness réalisé par Rob Jabbaz, jeune cinéaste canadien ayant posé sa caméra à Taïwan pour réaliser l’une des pires émanations du genre des films d’infectés/zombies.
Un étrange virus transforme la population de l’île de Formose en psychopathe débridé. C’est l’argument, ou plutôt l’excuse de Rob Jabbaz pour nous offrir un spectacle faussement nihiliste et réellement puéril. The Sadness n’est pas vraiment la tristesse mais l’absence d’émotions que l’on ressent à l’aune de l’expérience qu’est le bricolage idiot du jeune cinéaste. On pourrait croire que cette proposition comblerait un besoin cathartique après plus d’un an et demi de pandémie, mais le cinéaste ne traite pas vraiment de cela. D’ailleurs, il ne traite pas vraiment grand-chose puisque tout ne semble être qu’une sorte de défouloir gore qui ne sert aucun sujet, si ce n’est la jouissance tautologique que produiraient certaines séquences. Le problème est que le dispositif scénique du cinéaste est inexistant, tout fonctionne comme un ensemble de petits clips qui voudrait clamer avec une verve adolescente que « l’enfer, c’est les autres » en ricanant. C’est une œuvre qui semble ricaner de tout sans une réelle once de radicalité qui accompagnerait un tel geste. On ne retrouve ni les innovations ou les expériences plastiques du Splatter, ni la dynamique folle des œuvres qui s’inscrivent dans le courant qu’a ouvert Danny Boyle il y a 20 ans. Et dans le paysage cinématographique contemporain, il y a rarement plus cyniques œuvres qui cachent leur médiocrité par leur complaisance et une sorte de bêtise constante, consciente et assumée.
Les genres de l’horreur et de la pornographie ont souvent évolué étroitement, au même rythme. La grammaire des deux genres sont presque les deux versants d’une même pièce qui renverrait les corps à leur état de chair morbide en mouvement, et paradoxalement érotique. La grande virtuosité de Rob Jabbaz est de parvenir à accumuler les pires tares des deux genres dans une seule œuvre. On assiste donc à la fois à une œuvre mal écrite et bancale par certains aspects techniques comme on peut le retrouver dans une bonne partie du genre pornographie contemporain, mais également une violence gratuite qui est souvent doublée verbalement par des sous-entendus ou des menaces, voire des images, de viols. Dans l’héritage important et souvent fortement symbolique voire politique du film de zombies/infectés, le seul moteur narratif que nous offre The Sadness est la menace constante que l’héroïne se fera violer. Et dans le désert esthétique qu’est l’œuvre, une telle structure narrative se révèle être aussi pitoyable (comme aveu d’échec sur la réelle proposition cinématographique de l’œuvre qui est inexistante) que vaine (car elle ne provoque à la longue que de l’indifférence). La tristesse est donc celle que l’on ressent quand on prend finalement conscience à la fin de l’œuvre que l’on vient d’assister à un ratage complet… de toute beauté. Ce serait presque plaisant comme expérience, si The Sadness n’était pas aussi laid.
Kephren Montoute
The Sadness de Rob Jabbaz. Taïwan. 2021. Projeté au PIFFF 2021