Filmosa 2021 – I WeirDO de Liao Ming-yi

Posté le 4 octobre 2021 par

Lors de la 4e édition du Filmosa Festival, il était possible de voir I WeirDO de Liao Ming-yi, une sensationnelle et inhabituelle comédie romantique tournée entièrement à l’iPhone, la première expérience du genre à Taïwan.

Po-ching et Ching ont des TOC. Ils craignent outre-mesure les microbes et se déplacent entièrement vêtus de tenues de protection, entre autres pratiques sanitaires excessives et handicapantes. Leur rencontre fortuite est une révélation : ils sont faits pour être ensemble. Mais si un jour, l’un d’entre eux deux perd ses TOC, qu’adviendra-t-il de leur couple ?

I WeirDO donne le ton dès les premières images. Avec ses couleurs vives et surtout l’allure de ses deux personnages encapuchonnés, le film se révèle d’emblée charmant par le portrait qu’il réalise de ses héros originaux. Leur petite frimousse, jusqu’à leur coupe de cheveux, est faite pour provoquer l’attendrissement des spectateurs. A mi-chemin entre deux grands enfants et deux gentils extraterrestres, cette caractérisation des protagonistes a une visée graphique d’une part – évoquer le mignon et l’innocence – et d’autre part, porte la métaphore de l’inadéquation du cadre de la société face à des personnes handicapées. Le comportement de ces deux protagonistes est en décalage avec les autres individus peuplant le film. Ces derniers sont des éléments de décors dans la première partie, pour mieux faire flamboyer nos deux héros par leur différence. Le focus absolu sur Po-ching et Ching est utilisé pour donner une photographie – certes fantaisiste – de la vie de personnes souffrants de TOC.

I WeirDO est une fable sur la différence, que Liao Ming-yi choisit de traiter par le spectre du couple. La question est la suivante : nos différences à l’égard du monde nous rapprochent-elles ? Le développement de l’intrigue se révèle fort à propos. En alternant introduction à la tonalité comique et élément perturbateur à l’origine d’une portée dramatique douce-amère, I WeirDO navigue intelligemment entre les registres, là où de nombreuses autres comédies se cassent les dents. Le scénario est construit de telle manière que le glissement s’exécute de manière fluide, jusqu’au changement de ratio de l’image – 1.33:1 pour symboliser la rigidité des TOC, puis le ratio classique 1.78:1 comme lentille sur un univers plus large que le quotidien millimétré des deux héros. La bascule du format est aussi celui de l’univers du couple : l’un des deux personnages perdant ses tocs, il devient lui-même une part de ce monde normalisé, jusqu’à sa manière de s’habiller et de se comporter. L’univers du film bascule alors dans l’asymétrie et la fantaisie s’évapore peu à peu pour laisser place à un enjeu romantique plus intense.

Le réalisateur, à la fois scénariste, monteur et directeur de la photographie du film et dont c’est le premier long-métrage, a auparavant occupé divers postes techniques sur tous types de production. Sa maîtrise du cadre est totale et il offre, par le biais de la technologie plutôt puissante du smartphone de la marque à la pomme, une patine quasi-argentique à l’image. Même si l’utilisation de cette technologie semble relever avant tout d’un argument marketing aussi bien pour le film que l’entreprise américaine, d’autant à la vue des clins d’œil à l’intérieur de la narration, il faut reconnaître que la photographie de I WeirDO est à la hauteur des plus grosses productions du genre. Liao Ming-yi s’impose dès lors comme un réalisateur à suivre, autant pour ses intentions plastiques – le travail sur les couleurs vives intensifie le charme des personnages – que son scénario solide de romcom qui évite les pires écueils du genre.

Lorsque l’on parle des écueils des romcoms, il faut toutefois rappeler que Taïwan a su en produire de haute tenue en grande quantité. I WeirDO s’ajoute à cette liste de romances chill, qui nourrissent le cœur aussi bien que l’esprit. La chaleur des sentiments qui s’y dégagent brossent un portrait en nuance mais in fine positif du monde des humains. Et I WeirDO, à ce titre, dresse une fin relativement inédite, pleine d’intelligence et chargée de faire voir au spectateur l’insolubilité de certains problèmes. Un point final audacieux pour une romance de qualité.

Maxime Bauer.

I WeirDO de Liao Ming-yi. Taïwan. 2020. Projeté au Festival Filmosa 2021