L’Etrange Festival 2021 nous a offert en avant-première la diffusion de Raging Fire, le dernier film du réalisateur hongkongais Benny Chan, malheureusement décédé en août 2020, au cours de la post-production. A l’occasion de cette sortie exclusive, le festival a convié l’acteur principal du film et interprète culte de la saga des Ip Man, Donnie Yen, pour présenter le film.
Le chant du cygne de Benny Chan raconte l’histoire de Cheung Sung-bong (Donnie Yen), un officier de la police criminelle, dont l’un des protégés, Yau Kong-ngo (Nicholas Tse) a été arrêté suite au meurtre d’un suspect lors d’une interpellation musclée. Une fois sorti de prison, Yau Kong-ngo rejoint la plèbe de Hong-Kong et tente de se venger de ses anciens supérieurs qui ont refusé de le défendre lors de son procès. S’engage alors un jeu du chat et de la souris entre les deux hommes qui, après avoir été collègues et amis, se retrouvent désormais dans des camps opposés et tentent tous les deux d’atteindre l’autre.
Le scénario de Raging Fire est somme toute assez classique pour un film d’action policière et nous retrouvons des thématiques chères de la trahison et de la vengeance qui ont animé ce type de production depuis des décennies et plus particulièrement dans la filmographie de Benny Chan. Si l’originalité de l’intrigue n’est donc pas l’argument premier de Raging Fire, l’équilibre entre un contenu aux rebondissements multiples et une efficacité narrative qui permet de suivre très facilement les enjeux du film est parfaitement maîtrisé. On ne s’ennuie pas une seule seconde devant Raging Fire, même lorsque certains points de scénario sont attendus. En prime d’un rythme soutenu et très adroitement agencé, le film brille par ses scènes d’action millimétrées et terriblement jouissives. La longue course poursuite située au milieu du film, suivie de l’affrontement entre Cheung Sung-bong et Yau Kong-ngo, où ce dernier se bat depuis sa moto est un chef d’œuvre de chorégraphie et de montage. Benny Chan, tout en recherchant le spectaculaire, ne se détache pas d’un certain réalisme, notamment en ce qui concerne les coups donnés et reçus, ce qui amène une implication émotionnelle encore décuplée chez le spectateur. Cette maîtrise virtuose de l’action se réinvente tout au long du film tandis que Chan varie les armements et les types d’affrontement, pour notre plus grand plaisir. Même lorsqu’il conclue Raging Fire par un « simple » combat au couteau entre ses deux protagonistes, la scène est intense, imposante et extrêmement bien maniée. Chan contribue avec brio à rendre ses lettres de noblesse au cinéma d’attraction en offrant tout le contenu jubilatoire que l’on attend d’un tel film.
Le film n’est toutefois pas qu’une simple succession de scènes d’action bien réalisées et les performances des deux interprètes principaux sont également une des grandes forces de Raging Fire. Donnie Yen est excellent dans le rôle du policier désabusé qui arrive à un point de rupture dans sa carrière. Il mobilise un jeu tout en subtilités qui ajoute de la profondeur et surtout de l’ambiguïté à son personnage. Comme le souligne Yau Kong-ngo lors d’une discussion avec son nouvel ennemi juré, Cheung Sung-bong, si les circonstances ont fait de Ngo l’antagoniste, la situation aurait tout aussi bien pu être inversée et mener Cheung Sung-bong en prison à sa place. Chan pousse même le vice en montrant à plusieurs reprises Cheung Sung-bong, de son propre chef, braver les règles de conduite de la police mais se faire soutenir de façon infaillible par son équipe et ses supérieurs, là où ses propres protégés ont été sacrifiés ou envoyés en prison pour avoir exécuté des ordres. Benny Chan écrit donc un personnage principal bien moins « bon flic » qu’il n’y paraît initialement et la force d’interprétation de Yen contribue à éclairer les propos en filigrane du réalisateur. Nicholas Tse offre une contrepartie beaucoup plus émotionnelle à ce duo de protagonistes mais sa performance se hisse au niveau de celle de son aîné, allant même, par moments, à lui voler la vedette. Tse campe un homme déchu reconverti dans le crime, très intriguant et surtout charismatique, ce qui, là encore, ne fait qu’ajouter à l’intérêt de la relation entre les deux hommes ainsi qu’à leur personnage.
Raging Fire est donc une franche réussite qui fait regretter qu’il s’agisse du dernier long-métrage de Benny Chan mais qui conclut sa filmographie avec panache. Les amateurs du réalisateur, des acteurs mais également de l’action en général ne devraient pas passer à côté de cette proposition très généreuse, qui captive autant qu’elle divertit.
Elie Gardel.
Raging Fire de Benny Chan. Hong-Kong. 2021. Projeté à l’Etrange Festival 2021.