Annecy 2020 – True North de Han Shimizu Eiji

Posté le 22 juin 2020 par

Présenté en avant-première au Festival d’Annecy Online 2020, le long-métrage d’animation True North réalisé par Han Shimizu Eiji a été sélectionné dans la section Contrechamp.

True North prend le sujet de fond très actuel des camps de concentration de prisonniers politiques en Corée du Nord. Nous suivons la famille de Yo-han, un petit garçon de 9 ans dont le père, suspecté de trahison envers le régime, est envoyé en camp de travail. Sa famille est alors décrétée coupable par association et des soldats viennent arrêter Yo-han, sa mère Yu-ri et sa petite sœur Mihi pour les déporter, eux aussi. Nous assistons dès lors à la survie de cette famille confrontée aux travaux forcés, à la malnutrition et aux soldats du régime dans le camp.

Han Shimizu a réalisé True North en se basant sur des témoignages réels d’anciens prisonniers ayant réussi à s’échapper des camps et de Corée du Nord. Le film vise donc à retranscrire une situation tangible et pour ce faire, rien n’est laissé de côté. Nous assistons à la misère, la famine, le viol, la torture et la mort des prisonniers et prisonnières du camp. Les personnages principaux ne sont pas épargnés non plus, ce qui permet à Han Shimizu de faire réaliser aux spectateurs l’horreur de la situation. Toutefois, le réalisateur parvient à éviter la complaisance. Les scènes de torture ou de viol sont suggérées sans être montrées de façon explicite, ce qui permet aux spectateurs sensibles de pouvoir se confronter à la réalité. Avant True North, Han Shimizu avait déjà réalisé un documentaire en prise de vue réelle, Happy, sur la recherche du bonheur. True North est, de fait, son premier projet en dessin animé. Il semble alors qu’opter pour l’animation en basculant sur un sujet plus sombre, aux antipodes des thématiques explorées auparavant, soit un choix du réalisateur, qui pourrait avoir pour objectif d’adoucir l’impact de ce qui est montré.

Néanmoins, si le film True North réussit à informer ainsi qu’à retranscrire une réalité avec respect, l’histoire inventée de Yo-han, Yu-ri et Mihi a parfois du mal à fonctionner. Certaines situations sont ainsi très attendues et manquent parfois de finesse. Nous ne pouvons échapper aux scènes de personnages sur leur lit de mort qui se lancent dans des considérations sur la beauté de la vie avant d’émettre leur dernier souffle. De même, l’évolution du personnage de Yo-han est par moment assez abrupte. Le voir se muer en superviseur du camp dans l’espoir de pouvoir obtenir des conditions de vie plus correctes pour sa famille, puis retrouver le chemin de l’entraide et de la solidarité jusqu’à devenir un héros en seulement quelques scènes, peine à réellement convaincre, même si on comprend l’intention derrière. Quant à la réapparition en fin de film du personnage du père par un hasard miraculeux, elle paraît presque rocambolesque. Le sujet du film aurait peut-être mérité un traitement plus réaliste, notamment sur les réactions des personnages principaux. Les propos que le film tente de dégager sur l’importance de garder espoir sont louables mais pâtissent de la façon dont ils sonnent presque clichés dans le contexte.

Malgré tout, True North demeure un film extrêmement intéressant pour qui ignorerait l’existence de ces camps ou bien qui chercherait à en savoir davantage. Le film fait le tour du sujet et soulève des points parfois méconnus et peu médiatisés des conditions de vie en Corée du Nord, toujours de façon extrêmement didactique. On comprend, en le regardant, que la question importe énormément à Han Shimizu et que le réalisateur a une volonté politique derrière ce projet. Lorsque le film se conclut sur la dissimulation et les désaveux du gouvernement nord-coréen au sujet de l’emprisonnement de son peuple dans des camps de travail puis par un diaporama d’images prises du ciel montrant des bâtiments bien réels, l’impact est extrêmement fort. Le film est certes inégal mais le sujet vaut la peine de se pencher sur True North.

Elie Gardel.

True North de Han Shimizu Eiji. Japon-Indonésie. 2020. Projeté au Festival d’Annecy Online 2020