Cinéma du réel 2020 – Signal 8 de Simon Liu

Posté le 25 mars 2020 par

La 42ème édition du festival Cinéma du réel n’a malheureusement pas pu se dérouler physiquement. Toutefois, une partie de la sélection se trouve sur la toile, et notamment, le court-métrage Signal 8 de Simon Liu. Ce film de 14min, se déroulant à Hong Kong, est difficilement résumable, tant il s’expérimente, plus qu’il ne se décrit.

En voici pourtant la présentation : alors que les existences suivent leurs cours, des images de travaux de maintenance urbaine se métamorphosent en lieux de souvenirs. Les ornements imitant la nature se révèlent parfois défaillants, transformant le spectacle en avertissement.

Tourné en 16mm, le documentaire de Simon Liu nous embarque dans un voyage expérimental à travers un Hong Kong hors du temps. Le film présente une ville hybride, qui semble saturée en permanence : de sons, de lumières, d’habitants. Il se construit par une affluence sonore et visuelle : tantôt bleue, verte ou jaune comme un Happy Together ou un Chungking Express, tantôt empli de bruits du quotidien : arrosoirs automatiques, transports, travaux. La ville déborde de sons qui façonnent la vie de ses habitants.

 

On pense notamment au fameux Different Trains de Steve Reich qui jouait lui aussi sur des pulsations, des rythmes ordinaires, dont l’assemblage et l’accumulation constituent la particularité de l’œuvre. La ressemblance se retrouve également avec les enregistrements sonores présents dans Signal 8, des bribes d’anglais comme un vestige d’un passé colonial.

Ce Hong Kong est protéiforme, anxiogène. Il ne nous laisse jamais respirer. On y distingue peu les visages, seulement les silhouettes parmi la foule. Aux bureaux se succèdent les boîtes de nuit, puis les centres commerciaux. La nature n’existe que peu. Lorsqu’on la voit, les bruits qui y sont associés deviennent vite inquiétants, eux aussi. Simon Liu nous présente une ville au bord de l’implosion, écho d’une actualité politique.

Signal 8 est une sorte de rêverie angoissante dans un Hong Kong aliénant. L’alternance entre la beauté de certains plans et l’agression sonore constante entraîne une alerte permanente chez le spectateur. Ce procédé de montage peut paraître artificiel lors des premières minutes, mais se révèle être un parti pris bien plus politique qu’il n’y paraît. On sort du film de Simon Liu comme d’un rêve, et c’est un sentiment bien plus que des souvenirs précis qui subsiste. En cela, il réussit à nous faire ressentir l’ambiance d’un lieu, et avec lui ses enjeux politiques et historiques.

Marie Culadet

Signal 8 de Simon Liu. Hong Kong/ États-Unis/ Royaume-Uni. 2019. Disponible sur la plateforme Tënk.