UN VENT D’ASIE – LE CHIEN JAUNE DE MONGOLIE DE BYAMBASUREN DAVAA

Posté le 7 mars 2020 par

L’association Un Vent d’Asie a lancé son cycle autour de l’enfance de la plus douce des manières. Avec une grande tendresse, Le Chien jaune de Mongolie, réalisé par Byamasuran Davaa, mêle immersion documentaire et conte enfantin dans les sublimes paysages des steppes mongoles.

A l’origine documentariste, Byambasuren Davaa réalise, avec Le Chien jaune de Mongolie, son premier long-métrage de fiction. On suit Nasal, six ans et l’aînée d’une famille nomade du nord de la Mongolie. Un jour, elle trouve un chien dans une grotte et le ramène chez elle. Elle veut le garder mais son père s’y oppose, craignant qu’il leur porte malheur et décime son troupeau. Déterminée, la petite fille s’entête alors qu’approche la saison de la transhumance.

Pour interpréter cette histoire toute simple, la cinéaste a choisi de mettre en scène une authentique famille mongole plutôt que d’en constituer une de toutes pièces avec des comédiens professionnels. C’est autour de cette famille profondément attachante que se construit un film dont le cadre narratif sera tout aussi important que la spontanéité des réactions de chacun de ses protagonistes. Byambasuren Davaa met à profit sa sensibilité et son savoir-faire documentaire au service de cet environnement, ajustant son regard avec respect et intelligence. A l’instar de la culture qu’elle donne à voir, elle utilise pleinement tous les éléments à sa disposition et transforme ainsi des moments a priori anodins (un père habillant sa fille, une mère donnant du lait à son bébé, des enfants chahutant dans un lit) en sommets de tendresse et de drôlerie.

En dépit d’une forme plutôt documentaire, le film trouve son ampleur dans un jeu habile des échelles et des perceptions. Se plaçant essentiellement à hauteur d’enfant, Le Chien jaune de Mongolie retranscrit avec malice la pure innocence de l’enfance, la courte période d’enchantement constant où chaque chose constitue une aventure, une opportunité ou une découverte. Ainsi, le quotidien resserré sur une succession de tâches très pragmatiques semblent amener à l’ouverture d’incroyables horizons et d’infinies possibilités (les bouses pouvant alternativement servir de prétexte à une promenade, à alimenter le feu ou à faire des jeux de construction). Inversement, le resserrement sur ce microcosme familial et la facilité des interactions humaines donnent une impression de proximité dans cette immense nature foisonnante et menaçante. Il y a un peu de merveilleux égrainé tout du long qui donne au film des airs de conte initiatique dont chacun sortira grandi.

Le Chien jaune de Mongolie parvient ainsi à capter de manière saisissante un moment de transition. Celui d’une enfant qui fait l’expérience des premiers vrais obstacles de sa jeune vie d’une part. Et d’autre part, plus largement, celui d’une famille qui souhaite perpétuer un mode de vie inévitablement rattrapé par la réalité économique, sociale et environnementale, du monde moderne. Ceci est présent tout au long du film, notamment à travers le personnage du père s’absentant régulièrement pour vendre des peaux de moutons à la ville ou la reprise prochaine de l’école par Nasal, et évoqué par des petites touches montrant bien la désertion de la vie nomade et de ses traditions. Portée par son propre engagement pour la préservation de la culture mongole, autant que par la bienveillance de ses personnages, la réalisatrice préfère néanmoins se concentrer sur la transmission plutôt que la disparition. Le monde extérieur se manifeste bien sûr, mais par le biais d’objets provoquant curiosité et amusement. Sa cruauté et ses compromis n’ont pas encore atteint l’entrée de la yourte ou restent en tout cas fermement en dehors (le contexte politique n’est évoqué que dans un court échange vite balayé par les parents puis dans un bulletin radio éphémère). A la rudesse de l’environnement se superpose alors la douceur des rapports, et aux dangers qui rôdent se substituent une protection féroce.

Bien qu’elle ne le surligne en aucune manière, Byambusaren Davaa imprègne son œuvre d’une spiritualité omniprésente – dans les objets de la yourte, les rituels, les légendes. C’est peut-être ceci qui donne à son film une force d’espoir si tenace. Autant un élément perturbateur qu’un ange gardien, la signification de ce mystérieux chien est laissée à l’interprétation du spectateur, comme le chien jaune de la légende n’est pas forcément ce que l’on croit. Réincarnation d’un humain ou compagnon fidèle, il est le symbole d’un humanisme, peut-être trop naïf, peut-être trop optimiste, qui prône la nécessité d’une harmonie entre tous les êtres, une confiance dans les liens créés et un équilibre entre la terre et les cieux. Dans la simplicité de ce qu’il dit, Le Chien jaune de Mongolie fait un bien fou.

Claire Lalaut

Le Chien jaune de Mongolie de Byamburasen Davaa. Mongolie/ Allemagne. 2005. Projeté par l’association Un Vent d’Asie.

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