Blockbuster de l’été en Chine, Shanghai Fortress mise sur son aspect science-fiction et la présence des superstars Shu Qi et Lu Han dans sa communication. À l’instar de The Wandering Earth, une autre superproduction chinoise de 2019, le film de Teng Huatao finit sur le catalogue mondial de Netflix. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’œuvre n’a pas eu de bons retours…
Dans le futur, un vaisseau extraterrestre approche de la Terre et réduit à néant des villes entières. Shanghai devient l’un des derniers bastions de l’humanité. Le QG militaire de la zone s’intitule la Forteresse de Shanghai et fait intervenir de jeunes pilotes de drones pour contrer les robots tueurs de l’envahisseur. La section est dirigée par Lin Lan (Shu Qi) et comprend un pilote prometteur, Jiang Yang (Lu Han). Ce dernier est par ailleurs très amoureux de Lin Lan et n’ose pas lui avouer ses sentiments. Le danger imminent lui permettra-t-il de déclarer sa flamme ?
Shanghai Fortress échoue à presque tous les niveaux d’appréciation d’un film. Tout d’abord, ce qui frappe aux yeux, ce sont les CGI catastrophiques. L’action n’a aucune notion d’impact ou de pesanteur à l’écran, et l’animation de synthèse est un peu saccadée, ce qui est improbable en 2019. Les séquences d’action en CGI représentent environ 40% du film, le reste consiste en des dialogues banals, dans la vie de tous les jours ou dans les bureaux du QG militaire. L’environnement et l’univers graphique du film sont très pauvres. Le scénario essaie d’articuler une romance sur fond de catastrophe de science-fiction mais ne parvient jamais, ni à rendre l’un intéressant par rapport à l’autre, ni à faire s’échapper la romance de la banalité la plus totale. Le film n’explique pas (assez) comment se côtoient ces personnages et donc comment Jiang Yang est tombé amoureux de Lin Lan. L’amour est présenté comme à sens unique, et le personnage de Shu Qi reste impassible face aux émois de celui de Lu Han. Il y a de quoi interroger le spectateur : il n’est pas nécessaire de faire absolument tomber amoureuse Lin Lan de Jiang Yang (ce serait régressif), mais dans Shanghai Fortress, cette romance ne semble mener à rien, ni en termes d’enjeux, ni en termes de propos. Nous sommes juste en présence d’un personnage transi face à une belle supérieure, dans un contexte de danger qui n’est jamais ressenti intensément à cause de la simplicité du scénario et de la mise en scène. Le générique et les séquences post-crédits essaient d’expliciter ce manque dans l’intrigue, mais les morceaux d’explication arrivent tellement frontalement que cela ne peut être pris avec sérieux. On a l’impression que le scénario et la romance ne sont qu’à l’état d’ébauche et que quelque chose dans le processus de préproduction n’a pas pu aller jusqu’au bout.
On touche là du doigt l’origine du problème du film : il ne dit pas grand chose, que ce soit dans son scénario (script et intrigue basiques), dans sa narration (aucune séquence n’est amenée assez fortement pour prendre aux tripes), ou dans sa mise en scène (on sort rarement des décors de bureaux et lorsqu’on le fait, ce sont pour des séquences d’action paresseuses et bas de gamme). La production a duré 6 ans, il est à parier que le film a connu beaucoup de difficultés pour se mettre en route. Sans doute plusieurs éléments n’ont pu aboutir, ce qui explique pour le film ne raconte « rien ». La catastrophe est telle, que le réalisateur et l’auteur du livre original ont du s’excuser sur le réseau social Weibo.
S’il faut trouver un élément nourrissant dans le métrage, il est contextuel. En imaginant un pitch identique dans un blockbuster occidental, on se doute que l’intrigue comportera des passages gris, où des membres de l’équipe des héros se révèlent faillibles, voire traîtres. On le voit dans Armageddon, La Guerre des mondes, etc. Ici, les héros avancent tous vers le même but et se sacrifient sans hésitation pour la collectivité. C’est intéressant pour saisir le modèle chinois, mais dans le même temps, cela n’arrange pas le problème de simplicité de l’intrigue, car rien ne vient se mettre dans la route de cette idée. Sans discordance, le film ne fait que progresser à vitesse de croisière dans son rythme, entre autres problèmes. À noter qu’il ne s’agit pas d’une critique du cinéma chinois en ce sens, d’autres blockbusters chinois gardent cette idée tout en se révélant mieux rythmés (The Wandering Earth par exemple).
Les romances de science-fiction sont plutôt rares et pourtant, c’est un concept plaisant. Il y a de quoi créer un univers romantique, voire gothique, en imaginant les dangers du futur qui viennent entamer les sentiments de deux êtres. Malheureusement, Shanghai Fortress ne parvient pas à créer une telle émulation.
Maxime Bauer.
Shanghai Fortress de Teng Huatao. Chine. 2019. Disponible sur Netflix le 13/09/2019.