VIDEO – La Vallée de Ghassan Salhab : Rencontre du premier type

Posté le 28 mai 2019 par

En 2014 était réalisé le drame libanais La Vallée de Ghassan Salhab. Les spectateurs français ont attendu 2016 pour le découvrir en salles. Et enfin, le film est accessible en DVD, édité par Survivance. Retour sur ce superbe film d’un cinéaste libanais encore trop confidentiel.

Sur une route de montagne au Liban, un homme se relève d’un accident de voiture. Choqué et en sang, il erre jusqu’à un véhicule en panne et aide ses quatre occupants à le réparer. Devenu amnésique, le groupe prend soin de lui et l’emmène dans une ferme barricadée de la vallée de la Bekaa, où l’activité n’est pas uniquement agricole. Qui est cet homme sans passé ? Un espion, un mécanicien, un docteur, une menace, un présage… Entre suspicion et attirance, ils essaieront de lui faire retrouver la mémoire.

Sorti il y a trois ans dans une relative indifférence, le septième long-métrage du Libanais Ghassan Salhab est pourtant une merveille. N’ayant pas peur d’introduire sa fiction par la longue divagation muette, le long d’une route de montagne, d’un homme apparemment amnésique, le cinéaste le fait rencontrer un groupe de jeunes activistes décidés à engager de lourdes actions terroristes. Toute la pertinence de La Vallée tiendra à cette promiscuité délicate, la crainte que retrouvant la mémoire, l’Inconnu ne finisse par déclencher dans la communauté une explosion de violence. On est partagé entre désir d’identification à ce personnage opaque jusqu’au bout, homme sans passé ne bénéficiant pas, comme chez un Kaurismäki, de la garantie de trouver en l’autre un potentiel frère ou sœur d’âme et joie de ne rien savoir anticiper de ses réactions à venir.

Ayant eu le privilège de présenter le film à sa sortie au défunt cinéma La Clef, en compagnie du cinéaste, j’ai souvenir d’un très long (près de trois heures) et très vif débat autour de cette volonté, comme dans le meilleur du cinéma moderne des années 60,  de laisser le spectateur maître de son regard, faire de ce film à la forme très tranchée, incontestablement maîtrisée, le lieu d’une ouverture permanente au hors champ. Plus particulièrement à nos propres questionnements sur ses enjeux. L’attrait manifeste de Salhab pour la profondeur de champ, la perte de vue, donne vie à un cinéma travaillé par la question de l’habitation et la traversée de l’espace en temps réel. D’où que ses plus de deux heures ne soient au final pas intimidantes.

Cette édition DVD, outre l’entretien fleuve avec Ghassan Salhab que nous offre son livret de 36 pages, donne accès à un autre long-métrage non distribué en France, La Montagne (2010). Il n’est pas anodin que ce film antérieur à La Vallée traite lui aussi de la solitude – volontaire – d’un individu, l’attrait pour la fuite, l’accident, la bifurcation dans une ligne de vie peut-être trop bien dessinée. Les deux films cohabitent sans mal. Leur réunion est l’occasion pour ce cinéma, dont la confidentialité s’accorde presque trop bien aux histoires marginales qu’il représente, de trouver un public l’ayant jusqu’ici malencontreusement manqué, n’ayant pas croisé encore sa route à un arrêt, un stationnement près.

Sidy Sakho.

La Vallée de Ghassan Salhab. Liban. 2014. En DVD le 05/02/2019 chez Survivance.

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