BIFFF – Believer, de Lee Hae-young : les joies du remake

Posté le 11 mai 2019 par

Drug War, de Johnnie To, n’était pas son meilleur film. Cela ne l’a pas empêché d’être choisi par Lee Hae-young, qui a décidé d’en faire un remake, Believer. Sa sélection, au sein de la compétition thriller de la 37ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival, était l’occasion de découvrir de quel bois il était fait, et s’il disposait de son identité propre.

Avec Drug War, Johnnie To emmenait les spectateurs sur les routes chinoises, dans un jeu de chat et de souris entre la police et un cartel de drogue, jouant sur les faux-semblants et déployant des thématiques centrées sur la lâcheté. Il livrait au passage quelques belles fusillades, privilégiant un style cru et brutal, le plus gros problème de son film étant finalement le côté lisse et propret de ses policiers – une condition sans doute nécessaire pour pouvoir filmer en Chine. Drug War, rien que dans le titre, annonçait les intentions de son réalisateur.

Le remake coréen, Believer, se dirige, comme son titre l’indique lui aussi, vers une toute autre direction : la foi. Et à sa vision, le remake est tout autant fidèle au matériau original – le spectateur connaissant Drug War ne sera pas perdu – que livrant une vraie relecture du film de Johnnie To, pour un résultat des plus solide.

Le point de départ est le même : un policier traque depuis des années un baron de la drogue – monsieur Lee – que personne, pas même les hommes travaillant pour lui, ne connaît. Cependant, dès le départ, en instaurant un sentiment de culpabilité chez le héros – responsable de la mort de l’indic qu’il envoie à la poursuite de monsieur Lee, une mineure de surcroît – il offre une dimension moins lisse et moins propre aux policiers coréens par rapport à leurs pendants chinois. De même, l’allié improbable du policier n’est plus animé par la simple survie, mais au contraire, par un sentiment de justice, monsieur Lee étant responsable de la mort de sa mère.

Believer prend une tournure bien différente de Drug War, même s’il conserve quelques passages obligés, comme le changement d’identité du héros qui, en jouant sur les déguisements, crée un double rendez-vous, pour tromper et un homme de main de monsieur Lee, et un criminel chinois, seul à même de faire sortir Lee de sa cachette. Mais, même là, la personnalité des protagonistes se révélant bien différente de l’original, Believer quitte l’ombre de Drug War pour voler de ses propres ailes.

Des ailes motivées par la foi, thématique qui s’étend sur tout le film, tous les personnages étant des croyants. Le plus évident se révèle être Brian, un dangereux criminel environné de sa foi (il demande même à d’autres protagonistes de prier avec lui, comme si cela le lavait de la violence dont il fait étalage), mais les autres ne sont pas exempts de croyances. Le policier s’accroche à sa foi en lui, persuadé qu’il parviendra à arrêter monsieur Lee. Les autres membres de l’équipe ont tellement placé leur foi dans leur patron que, même quand il semble faire de mauvais choix, ils ne peuvent s’empêcher de le suivre, lui seul semblant capable d’arrêter le diable que représente l’insaisissable criminel. Et Rak, l’allier providentiel, membre de l’organisation de Lee mais aidant la police (incarné de belle manière par Ryu Jun-yeol), annonce plusieurs fois sa confiance en ce flic intraitable. Mais bien entendu, cette foi dissimule certaines choses… Car Lee Hae-young, ayant si bien brouillé les cartes, va plus loin que Johnnie To dans son jeu sur les apparences et les faux-semblants.

La réalisation, léchée, déploie un récit sombre et, par moments, sanglant et brillamment malsain, jusqu’à une conclusion certes prévisible mais complètement différente de l’originale, Believer se permettant même un final incertain teinté d’amertume.

Au final, cette oeuvre existe de manière indépendante de Drug War et se révèle tout autant un solide thriller coréen, dans la plus belle tradition du genre, qu’un remake réussi et, par bien des côtés, supérieur à son original. Le Brussels International Film Festival, toujours là pour faire découvrir des films fascinants (et à ce titre, la sélection thriller de cette année se révèle particulièrement solide), offrit à ses spectateurs un bon moment de polar et de thriller, et il ne reste plus qu’à espérer que le film ait droit à une sortie vidéo ou cinéma, tant il le mérite.

Yannik Vanesse.

Believer, de Lee Hae-young. Corée. 2018. Projeté lors de la 37ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival.

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