NETFLIX – Persona de Lee Kyoung-mi, Yim Pil-sung, Jeon Go-woon, Kim Jong-kwan avec IU

Posté le 20 avril 2019 par

Le projet Persona est le fruit de la conjonction de plusieurs personnalités. Le film est composé de 4 court-métrages réalisés par des cinéastes différents, et mettent en scène la chanteuse-actrice IU (Lee Ji-eun) dans autant de rôles. Acquis par Netflix en exclusivité, les courts-métrages sont finalement disponibles sur la plateforme américaine dans un format série, un épisode étant l’un des courts.

Un set sans concession de Lee Kyoung-mi (réalisatrice de The Truth Beneath)

Sur un court de tennis, une jeune femme, IU, affronte sa future potentielle belle-mère, Doo-na (Bae Doo-na), pour gagner l’affection du père. À travers un effort physique intense, les deux femmes vont se transcender et se respecter.

Ce premier épisode voit s’inscrire au casting Bae Doo-na, immense guest-star et habituée des projets Netflix. L’entrée en matière est puissante et donne un avant-goût de l’angle artistique du projet : un style légèrement décalé et un « focus » artistique. Dans Un set sans concession, le style est décalé par le choix de Lee Kyoung-mi de limiter l’imagerie cinématographique au court de tennis ; ainsi fait, les quelques couleurs de l’image (brun-orange pour la terre battue, blanc pour les tenues de sport, jaune pour la balle, vert foncé pour les parois) offrent un aspect très graphique au court-métrage. Le focus réside quant à lui dans cet effort physique, issu d’un duel peu contextualisé (pourquoi IU n’apprécie pas Doo-na ? Aucune réponse)  et s’autosuffisant en matière de proposition cinématographique.

Cette intrigue de match pour l’affection d’un homme est propice à un ton apparenté au burlesque, qui permet aux actrices de se donner la réplique non sans une certaine prestance. Le match en lui même est mis en scène à travers un montage énergique et coupé, qui s’attarde sur le corps des joueuses, sur l’effort qu’elles fournissent pour parvenir à leur but. Le dénouement est fort bien choisi, et l’on comprend alors que Persona sert à manifester un ressenti humain, une émotion ; ici, le respect d’un adversaire, un esprit sport donc.

Collectionneuse de Yim Pil-sung (réalisateur de Hansel & Gretel)

Beak (Park Hea-soo) sort avec Eun (IU). Enfin, il le croit. Elle a disparu pendant plusieurs jours et lui apprend qu’elle est partie en vacances avec d’autres hommes. Ils passent quelques temps à discuter dans divers café, mais Eun semble ne manifester qu’un intérêt modéré à leur relation.

Dans cet épisode, la noirceur est de mise. Yim Pil-sung, cinéaste de films de genre, et notamment d’horreur, part d’un postulat nébuleux – une jeune femme pleine de secrets et un homme qui essaie de pénétrer dans son intimité – pour aboutir à un climax retentissant. Simple et efficace, Collectionneuse est le court de la portée graphique du projet Persona, de par le suspense qu’il installe peu à peu. Il symbolise le désir d’Eun : le sien et celui qu’elle suscite.

Est-ce un crime de s’embrasser ? de Jeon Go-woon (réalisatrice de Microhabitat)

Han-na (IU) veut voir sa meilleure amie Hye-bok (Shim Dal-gi), mais le père de cette dernière l’en empêche et la retient chez eux. Une fois celui-ci parti, Han-na en profite pour retrouver son amie. Elle observe des suçons sur son corps et la questionne : Hye-bok lui apprend qu’elle est sortie avec un garçon hier soir sur la plage.

Sur un ton plutôt léger, Jeon Go-woon parvient à la fois à décrire l’émerveillement de deux copines face aux découvertes de la vie dans un cadre champêtre, et en même temps, à instiller quelques éléments sur le conservatisme de la société coréenne, à travers le personnage du père de Hye-bok : un homme bourru, vivant dans une maison pleine d’outils, ne permettant pas à sa fille de sortir à sa guise et de la laisser voir qui elle veut. Jeon go-woon était l’invitée de la section portrait du FFCP 2018, avec à l’honneur, son premier long-métrage Microhabitat. Ce film décrit les petits plaisirs d’une jeune femme et ce qu’elle sacrifie socialement pour continuer à y accéder. En un sens, on discerne les mêmes formes d’intention dans Est-ce un crime de s’embrasser ?, puisque les héroïnes savourent leur amitié et la découverte de leur sexualité pour l’une d’entre-elle – des plaisirs de la vie donc – face à un homme, représentant de l’autorité et du patriarcat. Est-ce un crime de s’embrasser ? est le court du tranche-de-vie : le quotidien d’une vie tantôt dure, tantôt agréable.

Promenade nocturne de Kim Jong-kwan (réalisateur de Worst Woman)

Dans son rêve en noir et blanc, K (Jung Joon-won) rencontre sa compagne décédée, Ji-eun (IU). Ensemble, ils errent dans un décor de cafés et de ruelles qu’ils ont jadis fréquentés, évoquent le passé et leur relation.

Ce court est d’une grande beauté tragique. Les choix artistiques sont judicieux : le noir et blanc accentue la douleur de la perte de l’être aimé, le sentiment de regret du personnage de K. Le décor de rue, un cadre pourtant très quotidien, est magnifié par la mise en scène et ce que raconte l’intrigue, le souvenir d’un amour sincère. Au sortir de Promenade nocturne, un sentiment d’éternité subsiste en nous, malgré la fin du sommeil de K. Ce dernier épisode est celui de l’amour dans sa finalité et sa maturité.

4 courts-métrages, 4 nuances artistiques au service du beau. Les réalisateurs ont tous accouché de films qui correspondent à leurs propres obsessions tout en étant en soi des effets de style d’une grande fraîcheur. Et malgré les différences de tons et d’intention, la présence de IU offre un fil pour faire de Persona un objet cohérent.

Maxime Bauer.

Persona de Lee Kyoung-mi, Yim Pil-sung, Jeon Go-woon, Jong-kwan avec IU. Corée. 2019. Disponible sur NETFLIX.

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