VIDEO – Manhunt de John Woo : Un retour aux sources tant attendu

Posté le 2 mars 2019 par

John Woo est un réalisateur éclectique. S’il a commencé chez la Shaw Brothers, il est surtout connu pour ses polars hongkongais. Ils ont en effet marqué toute une génération de cinéphiles par la maestria du réalisateur à mettre en scène des polars violents et outranciers (les Syndicats du crime, Une Balle dans la tête, A Toute épreuve ou encore The Killer). Après une longue carrière aux Etats-Unis, pour le meilleur (The Windtalkers, Volte-Face) ou le pire (Broken Arrow), et un retour en Chine (Les Trois royaumes), le voilà qui revient au polar hongkongais. Manhunt, qui avait tout pour faire frémir le fan de ses œuvres, sort directement en DVD et en Blu-Ray grâce à Metropolitan. L’occasion de revenir longuement sur un film alléchant sur le papier.

A l’origine, Manhunt est un roman écrit par Nishimura Juko, qui fut adapté en 1976 par le réalisateur Sato Jun’ya, avec l’acteur Takakura Ken (mort en 2014). John Woo, grand admirateur de l’acteur, qui a influencé son œuvre entière, décide de lui rendre hommage en réalisant une nouvelle version de Manhunt. Remake ou seconde adaptation du livre, le film de John Woo possède tous les ingrédients pour marquer le grand retour du réalisateur au polar. Ce dernier étant actuellement en pleine réalisation d’un remake de The Killer, son chef d’oeuvre, Manhunt aurait pu, en cas de réussite, prouver la légitimité de la démarche et donner envie d’attendre le prochain film de John Woo.

Manhunt s’intéresse à Du Qiu (incarné par Hanyu Zhang, vu entre-autre dans La Grande Muraille et dans La Bataille de la montagne du tigre), avocat d’affaire lié à une grosse société pharmaceutique. Après la soirée durant laquelle le patron de la dite société passe les rênes à son fils, Du Qiu rentre chez lui et se réveille à côté d’une jeune femme morte. Il contacte la police, mais l’officier chargé de l’enquête, corrompu, veut le tuer et mettre en scène une tentative d’évasion. Du Qiu s’enfuit, poursuivi par les forces de police de la ville, dont Yamura (joué par Masaharu Fukuyama), seul policier soupçonnant son innocence. Alors que les cadavres s’enchaînent (des tueurs à gage se joignant à la partie), Du Qiu cherche à prouver son innocence et comprendre qui, et pourquoi, l’a piégé.

Le film débute comme un remake du Fugitif, basculant en plein milieu dans un délire à base de drogues et de combat faisant penser au final de Ong Bak. Manhunt contient cependant de nombreux éléments propres au cinéma de John Woo. Les colombes, symbole omniprésent dans sa filmographie, ainsi que les nombreuses fusillades, dont une glissade sur le dos dans des escaliers, rappellent les heures glorieuses du réalisateur. Sans oublier une course-poursuite en bateau rappelant le final de Volte-Face. Manhunt apparaît ainsi comme une sorte de condensé du cinéma de John Woo. Hélas, les ficelles sont grossières, la maestria absente, la folie désertée du film, et le spectateur a l’impression d’assister à une parodie totalement involontaire du cinéma du maître. C’est d’abord embarrassé que nous regardons le réalisateur s’embourber dans un scénario inepte frôlant parfois le ridicule, dans lequel des personnages, tous plus stupides les uns que les autres, pondent des plans ridicules. C’est embarrassés que nous découvrons John Woo utiliser les passages obligés de sa filmographie mécaniquement, comme endormi. L’apparition des colombes est ridicule, le combat à l’intérieur de la maison, rappelant le Syndicat du crime 2, est presque ennuyeuse, la glissade dans les escaliers totalement ratée, les fusillades manquant d’entrain. Difficile pour un fan du cinéma policier de l’auteur, de ne pas ressentir de la colère, face à un tel naufrage, qui donne l’impression que le réalisateur est absent, ou ne fait que diriger de loin.

Rien ne fonctionne dans Manhunt et, s’il est difficile d’oublier la vision de ce film, ce n’est pas pour les bonnes raisons, et il est dur de ne pas attendre avec crainte le remake de The Killer, à présent. Manhunt aurait dû être le retour au polar hongkongais de John Woo, attendu fébrilement depuis l’inoubliable A Toute épreuve (1992). Au lieu de cela, il se révèle une pale copie de ce qui a fait le succès de son brillant auteur, le tout nanti d’un humour aussi involontaire que dérangeant.

Yannik Vanesse.

Manhunt de John Woo. Hong Kong. 2017.Disponible en vidéo chez Metropolitan le 08/02/2019.