NETFLIX – The Night Comes For Us de Timo Tjahjanto : boucherie à l’indonésienne

Posté le 27 octobre 2018 par

Après avoir fait un détour par l’horreur avec May The Devil Take You, inventaire fainéant et sans surprise de ce que le fantastique a pu offrir en dix ans sur un écran, Timo Tjahjanto retrouve Iko Uwais, qu’il avait déjà dirigé dans Headshot, pour un nouveau long-métrage rempli de sang, de coups et de furie, avec des (tout) petits morceaux d’émotion. Si le résultat est loin d’être déshonorant, ce n’est pas avec The Night Comes For Us que le cinéma d’action indonésien va réussir à se renouveler.

De par son scénario, on sent déjà que l’on va avoir à faire à du réchauffé, et pas qu’une fois. On suit donc Ito, assassin au service de mafieux qui va épargner la petite fille d’une famille qu’il vient de massacrer, et ce sursaut d’humanité va lui attirer un nombre assez conséquent d’ennemis, à commencer par la triade qui lui avait confié cette mission. Aucun des clichés inhérents au genre ne manque à l’appel. Le trauma du héros, les amis brutasses au grand cœur, le chef de la triade intraitable et fourbe, sans oublier les lieutenants vicelards qui servent de boss de fin de niveau dès que l’intrigue commence à piétiner. De ce côté là, le film va se contenter du minimum syndical, sans jamais chercher à offrir au spectateur autre chose que de la baston, une pseudo tentative de rédemption du héros qui veut se racheter après avoir quand même occis un village entier, et des hectolitres de sang. Le spectateur est venu chercher de la castagne, Tjahjanto va lui en offrir. Malheureusement, même à ce niveau, c’est la défaite. En effet, lorsque The Raid est sorti, la surprise était totale, car au delà du fait que le film assumait pleinement son scénario très orienté beat ’em all, il ne s’arrêtait jamais et était porté par son interprète principal Iko Uwais au point d’en en devenir jouissif. Dans The Night Comes For Us, les scènes de baston sont particulièrement mal ficelées, et tombent comme un cheveu sur la soupe, entre deux scènes de dialogue introspectif sur la condition de tueur, le repenti, le remord, la vie, tout ça… Et pour le film de Tjahjanto, ces scènes qu’on appellera « remplies d’émotion » s’accompagnent très souvent d’un jeu approximatif de la part des comédiens. On constatera donc que Iko Uwais est beaucoup plus à l’aise avec ses poings qu’avec des dialogues de plus de cinq lignes, et qu’il est parfois difficile de jouer comme il faut en français dans une production indonésienne aux dialogues faisandés.

Formellement, si on est quand même à des kilomètres de productions bas de plafond du rayon action indonésienne, Tjahjanto assure le strict minimum derrière la caméra, mais est incapable de diriger ses comédiens (et donc de retranscrire une quelconque émotion) et a systématiquement recours au coup de latte dès qu’une scène dramatique s’éternise ou ne mène nulle part. Iko Uwais, d’habitude plutôt charismatique chez Gareth Evans ou dans le récent 22 Miles, est ici cantonné à un rôle assez flou, celui de « méchant devenu gentil mais bon c’est pas sûr », et arrive à sauver la mise lors d’un fight final ultra-gore. A ce sujet, le film se montre sacrément corsé niveau violence et effusions sanglantes. Pour rester dans la comparaison, là où dans des films comme les deux volets de The Raid, certains des coups portés étaient parfois très gores mais demeuraient en retrait, venant souvent au détour d’une empoignade filmée avec talent par Evans, ici, c’est tout l’inverse, les combats sont filmés assez mécaniquement (plan large, champs, contre-champs, plan large pour le finish move et basta) et chaque coup porté, à main nue ou avec objet contondant, se finit par un geyser de sang ou une mâchoire arrachée. Il en résulte une sensation permanente de violence over the top, jamais crédible, et qui touche son point de non retour lors d’une baston finale où les deux protagonistes sont à deux coups de cutter de se mettre les tripes à l’air. Le mauvais goût est aussi parfois frôlé lors de scènes où hommes, femmes, et enfants participent au massacre.

On pourrait développer encore plus longuement sur le nombre de clichés véhiculés par The Night Comes For Us. Le résultat final ne fait que conforter le spectateur dans l’idée que si le cinéma d’action indonésien en a encore sous le capot et dispose de réels moyens financiers et techniques, il devient clairement nécessaire de trouver des scénarios à la hauteur et des réalisateurs ayant des ambitions un peu plus élevées que filmer des coups de pied retournés, sous peine de devoir subir encore et toujours des produits comme ce film.

Romain Leclercq.

The Night Comes For Us de Timo Tjahjanto. Indonésie. 2018. Disponible depuis le 19/10/2018 sur Netflix.

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