Le cinéma coréen a toujours été fortement représenté au Brussels International Fantastic Film Festival, en particulier dans la sélection thriller. Durant cette 35ème édition du BIFFF, le spectateur pouvait découvrir Missing You en compétition internationale.
Mo Hong-jin livre, avec Missing You, son premier film. Il souhaite, grâce à cette œuvre ambitieuse, raconter une histoire de vengeance extrêmement méthodique, mais dénuée de toute froideur et pleine d’empathie et de questionnements. Un tueur en série, ayant fait plusieurs victimes, est arrêté. Parmi les morts qu’on lui reproche, il y a celle du père de l’héroïne, un policier enquêtant sur les autres meurtres. Son collègue le trouve chez lui, baignant dans son sang, sa fille de sept ans lui tenant la main. Des erreurs judiciaires empêchent le criminel de prendre plus de quinze ans, puisqu’il n’est condamné que pour un meurtre, les proches des autres victimes ne pouvant obtenir justice.
Quinze ans plus tard, la petite Hee-joo a bien grandi. Elle est la protégée de tout le commissariat où travaillait son père (elle y fait des petits boulots), et en particulier, elle est la protégée de l’ancien collègue de son père, le détective Dae-young, qui ne s’est jamais pardonné de ne pas avoir pu condamner le criminel à la perpétuité. Ce dernier, quand le tueur est relâché, entend bien le surveiller, et espère le remettre en prison. Hae-joo, elle, cache un traumatisme et une soif de justice maladive derrière sa candeur.
L’héroïne est incarnée par Shim Eun-kyung (que l’on retrouve au casting voix de Seoul Station, et qui a été récompensée pour son rôle dans Miss Granny), dont le visage d’ange instaure une candeur et une simplicité dans son personnage. Elle paraît toujours paisible, calme et douce. Pourtant, le réalisateur instaure très rapidement une ambivalence dans le personnage. Le spectateur la découvre mettant un post-it sur un mur déjà rempli de petits papiers jaunes. Dessus est annoté un mantra et, tandis que la caméra recule, c’est toute la pièce recouverte de post-it que le spectateur découvre. En un plan très simple, Mo Hong-jin pose l’obsession de son protagoniste principal : la justice et non la vengeance. Ce sera le moteur qui fera avancer Hee-joo qui, pendant 15 ans, aura étudié l’affaire, n’aura vécu que pour la libération du tueur. Elle cherche à faire justice, mais sans tomber dans la vengeance, car elle tient à être quelqu’un de bien. Les thématiques posées, le réalisateur ne dévie pas de sa route, et Shim Eun-kyung porte littéralement le film sur ses épaules.
En face, Ki-bum, le meurtrier, est incarné par Kim Sung-oh (découvert entre-autre dans A Bittersweet Life), et là où l’héroïne déploie une fraîcheur à toute épreuve (même quand elle fait preuve de violence), Kim Sung-ho met en place un charisme glacial et malsain même dans les séquences les plus simples. Les deux personnages se retrouvent être les deux faces d’une même pièce, et le réalisateur en joue à tout instant, avant même que le criminel n’entende parler de Hee-joo.
Missing You pose son ambiance, mais n’est pas pour autant exempt de surprises, ni de trait de violence sauvage, comme les polars coréens savent en déployer. Cependant, c’est surtout à travers ses thématiques que le réalisateur veut faire briller son film et, pour ce faire, il ne perd jamais de vue le questionnement de l’héroïne, qui est prête à aller très loin (comme le prouve la conclusion de Missing You) pour mettre en place sa vision de la justice. Mo Hong-jin arrive à saisir l’essence d’une quinzaine d’années d’obsession liée à un traumatisme intense pour livrer un personnage complexe et attachant, mais le cinéaste n’occulte pourtant pas les autres intervenants du film. Il emmène le spectateur relativement loin dans le questionnement, même si quelques séquences de pathos auraient pu être gérées de manière un peu plus légère.
Missing You se pose en thriller solide qui cherche à livrer plus qu’une enquête policière ou une histoire de vengeance, et le spectateur ne pouvait que remercier le Brussels International Fantastic Film Festival pour lui permettre ce genre de découverte.
Yannik Vanesse.
Missing You, de Mo Hong-jin (2016). Diffusé lors de la 35ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival