Le nouveau film documentaire de Wang Bing, Ta’ang, un peuple en exil entre Chine et Birmanie, est présenté au Black Movie de Genève.
La dernière fois que Wang Bing avait franchi le cap des salles obscures françaises l’année dernière, il avait réalisé le plus beau film de l’année : A la folie, une plongée magnifique dans les arcanes de la folie et de l’oubli.
De folie et d’oubli, il en est encore question ici avec Ta’ang, un peuple en exil entre Chine et Birmanie, qui suit l’exil de toute une ethnie, condamnée à errer, prise au piège par un conflit armé entre deux pays qui ne veulent pas d’eux.
La folie arrive bien vite, dès le premier plan. Un militaire force une mère de famille à partir de manière plus que violente. Il finit par mettre un coup de pied à l’enfant en bas âge qu’elle tient dans les bras. Cette incursion des forces armées n’est qu’un détail dans Ta’ang, mais cette entrée en matière demeure une introduction parfaite : ces gens-là sont violemment mis à l’écart.
Comme l’équipe hospitalière dans A la folie, les militaires sont des fantômes, une force qui menace dans l’ombre, l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête de ces familles que Wang Bing va suivre, dont il va illustrer les peurs et les interrogations.
La problématique de ces réfugiés, enfermés dans des camps de fortunes, reste cristalline : comment survivre, comment même exister, quand le monde extérieur les pousse vers l’oubli ? Wang Bing les filme essayer de répondre aux besoins les plus primaires, manger convenablement, appeler de la famille. Il capte les regards inquiets, emplis de désespoir, les rares moments de répits. Les familles sont dispersées, brisées et pendant ce temps, le monde continue d’évoluer, de tourner rond.
Wang Bing film l’errance, l’angoisse, la séparation. Ce dernier point est illustré de manière très émouvante et simple. Un regard, un coup de téléphone ou la communication s’établit de manière erratique. La beauté de ce cinéma réside dans ces petits moments qui ont évidemment une plus grand portée, politique notamment, que leur simplicité peut indiquer.
Le regard de Wang Bing peut paraître clinique. Pourtant la plongée se fait si longue, l’observation si près des corps et des sentiments, que la force du combat du cinéaste saute au visage, prend à la gorge. Le style est minimaliste, mais la nécessité du combat gigantesque.
Le cinéaste lutte contre l’oubli, il filme simplement, sans jugement, la vie de ces personnes pour laisser une trace d’eux que l’Histoire tente d’effacer. A l’heure où les questions des réfugiés divisent la France et plus largement l’Europe, Ta’ang devient bien un film qu’il est urgent de découvrir.
Jérémy Coifman.
Ta’ang, un peuple en exil entre Chine et Birmanie.Chine. 2015.
Présenté au Black Movie 2017 de Genève.