Project Get-Up and Go était LA comédie de ce Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), et l’un des meilleurs films de la sélection. Une vraie bouffée d’air frais au milieu d’une sélection intéressante mais rarement légère.
On a beau adorer le cinéma coréen, il ne faut pas se leurrer et il faut reconnaître que le pays, et particulièrement ce qu’on en voit chez nous, a du mal à se renouveler. Malgré tout l’amour que l’on a pour le Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), il faut avouer qu’au cinquième polar hard boiled, on commence un peu à se lasser. C’est donc toujours avec hâte que l’on accourt vers les films différents, les deux ou trois œuvres « autres » présentes chaque année au FFCP. Avec hâte, mais aussi avec une certaine forme d’appréhension, car différent ne veut pas forcément dire bon. Certains vétérans traumatisés se rappellent encore de l’interminable purge Scary House projetée l’année dernière. Proj. Get-Up And Go, dont on préférera le titre coréen moins bourratif Project Paeki, était de plus la seule comédie présentée au festival (à moins que l’on ne considère Asura: The City of Madness comme telle, mais c’est méchant).
Monté sous la forme de making of d’un documentaire racontant les aventures d’un musicien sans talent, la première partie de Project Paeki amuse gentiment, enchaînant satire sur l’industrie musicale coréenne et humour gentillet sur la prétention du personnage filmé (« Mes influences? Pas besoin, je suis ma propre influence »). C’est au bout d’une vingtaine de minutes que le mockumentaire démarre vraiment.
Car le cœur du film, son intérêt principal, son alpha et son omega, c’est le personnage de Dominguez Nam. Musicien trouvé dans un bar-cabaret miteux par le personnage principal et son documentariste, ce chanteur coréen à la fausse moustache et à la voix « accordée au son des baleines à bosse des Caraïbes » va alors prendre notre héros sous son aile et par la même occasion, saisir le film pour ne plus jamais le relâcher.
Dominguez est un mec sympa et accepte même de coacher notre musicien sans talent, lui dont la voix et les chansons aux titres fleuris comme « J’éjacule sur toi ce soir » font s’évanouir la ménagère de plus de cinquante ans. Se crée alors une dynamique entre les deux héros. Notre has been, à l’origine réticent et un peu humilié à l’idée d’être coaché, se retrouve galvanisé par son délirant sensei. Se noue alors une véritable bromance comme on n’en fait plus, entre homosexualité à peine cryptée et cool attitude la plus totale.
Project Paeki n’est pas une comédie de personnages, c’est une comédie d’un personnage. Il vit et meurt par les facéties du drôle de chanteur, Dominguez chante, Dominguez rit, Dominguez mange des pieds de poulet épicés en se lissant la moustache, et le pire, c’est que ça marche. C’est drôle. Le personnage et l’interprétation de Lee Ji-Hoon sont si absurdes et si réussis que le film parvient à se mettre en place sur une base aussi succincte. Chacune de ses apparitions est une crise de rire, chaque gag est plus absurde que le précédent dans une joyeuse course à l’hystérie exponentielle.
On est donc un peu déçus quand dans son dernier acte, le film prend un virage plus sérieux. Les personnages sont mangés par cette société coréenne si peu fantaisiste qui les oblige à se ranger. D’un point de vue théorique, cette dernière demi-heure n’est pas inintéressante. On y voit ce petit groupe marginal se faire piéger par la réalité, comme si une telle absurdité, un tel personnage, n’avait pas sa place, aussi bien dans l’industrie musicale que dans le monde. Le film nous avait seulement habitués à l’hilarité générale une heure durant, aussi bien dans la salle qu’à l’écran, que ce soudain retour au drame arrive comme un cheveu sur la soupe. Quand le film tente un retour à la comédie dans ses dernières minutes, on est même un peu gênés par cette séquence semblant hors de propos après cette dernière partie plus dramatique.
D’un point de vue technique, le réalisateur Lee Keun-woo ne s’était jusqu’ici illustré que dans le reportage « people », son premier long-métrage, 577 Project narrait en effet l’aventure de l’acteur Ha Jung-Woo (Tunnel) engagé par un pari à rejoindre Haenam à pied depuis Séoul. Il parvient donc avec aise à reprendre les codes du genre et à en livrer une parodie certes hyperbolique mais pas dénuée de justesse. La réalisation devient alors sujet comique à part entière. Les cuts absurdes s’enchaînent et la musique amplifie à l’excès chaque action, aussi ridicule soit-elle, faite à l’écran.
Alors oui, on est d’accord, faire un mockumentaire en 2016, c’est assez facile et franchement pas très original. Les films de Sacha Baron Cohen sont passés par là, et les œuvres satiriques basées sur un personnage décalé, on commence à connaître. Mais Project Paeki, s’il ne va pas plus loin, adapte le concept à la culture coréenne avec brio et réussit son coup. S’il n’est pas exempt de maladresses, notamment dans sa dernière partie, il reste un très bon feel good movie. Dans un cinéma coréen qui, vu de France, paraît si sombre, Project Paeki est une sacrée éclaircie qui fait beaucoup de bien.
Elias Campos.
Proj. Get-Up And Go de Lee Keun-woo, présenté au Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) 2016