Assassination de Choi Dong-hoon : la résistance féminine (FFCP 2015)

Posté le 19 novembre 2015 par

Choi Dong-hoon fait partie de cette génération de réalisateurs coréens qui a commencé à éclore au début des années 2000. Avec quatre films à son actif, dont Les Braqueurs, Choi Dong-hoon est venu présenter son cinquième film au Festival du Film Coréen de Paris : Assassination. Plus de 2h d’action, sans aucun temps mort, qui a réuni quasiment 13 millions de spectateurs en Corée !

Assassination se déroule en 1933, alors que la Corée vit sous l’occupation japonaise. Le gouvernement provisoire coréen demande à Yeom Seok-jin, personnalité de la résistance, de recruter trois mercenaires qui auront pour objectif d’éliminer deux figures importantes de l’Occupation. Yeom fait sortir de prison Soksapo et Hwang Deok-sam, à qui il joint An Ok-yoon, jolie jeune femme redoutable lorsqu’elle a un fusil en main. Mais Yeom est loin d’être totalement honnête et engage, en même temps, Hawaï Pistol, tueur à gages, pour supprimer les trois assassins avant qu’ils n’accomplissent leur mission.

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Afin de mettre ses protagonistes en place, Choi Dong-hoon revient un peu en arrière dans l’histoire et fait débuter son film en 1911, dans les premières années de l’occupation japonaise. La première scène donne le ton : un notable coréen, un peu trop proche de l’ennemi japonais, essuie une tentative d’attentat dans un hôtel. Sans que le spectateur ne s’en rende compte, tous les tenants et aboutissants du film sont présentés lors de cette scène d’ouverture : les personnages principaux sont exposés, la trame dramatique est dévoilée et surtout, on sait clairement à quoi s’attendre : ça va saigner !

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Et c’est parti pour 2h20 sans pause ! Il est même incroyable que Choi Dong-hoon ait réussi à dynamiser son film sur une aussi longue durée. Il ne se passe pas 15 minutes sans qu’une scène d’action n’intervienne. Les scènes de fusillade sont impressionnantes, notamment le gunfight final où An Ok-yun, interprétée par Gianna Jun, superbement parée d’une robe de mariée, ouvre le feu sur des invités tous aussi bien armés qu’elle. Choi Dong-hoon n’oublie pas pour autant de diversifier les scènes d’action, en plaçant çà et là une course poursuite en voiture (d’époque) et quelques corps à corps. Comme tout bon film d’action, les personnages sont immortels et ne meurent qu’après avoir reçu une bonne dizaine de balles. Yeom Seok-jin, le traître, interprété par Lee Jung-jae, en est un exemple. Il se permet même, lors de son procès final, de montrer à l’audience le nombre de balles qui a traversé son corps au cours de sa vie. Les « héros » immortels font face à ceux qui manient le pistolet comme personne tel que Hawaï Pistol, tueur à gage, qui a le luxe de tirer avec un flingue dans chaque main. Difficile de ne pas penser à John Woo et à son film The Killer ! Évidemment, ce débordement d’action a été rendu possible par un budget très confortable (16 millions de dollars). Et on peut dire que le réalisateur en a bien profité. Le tournage a été effectué en partie à Shanghai et à Séoul mais surtout en studio où tout a été reconstitué. Les décors sont tout bonnement impressionnants et rendent l’immersion complète.

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Expliqué de cette façon, Assassination paraît n’être qu’un film d’action un peu bête et méchant. Sans dire que le cinéaste propose une relecture de l’occupation japonaise – on en est loin – il prend le parti d’installer son récit dans le temps et l’espace et c’est pour cela que le spectacle fonctionne. L’histoire débute en 1911, passe par 1949 pour être véritablement développée en 1933 et se finit en 1949, de nouveau. Assassination suit donc toute la colonisation japonaise et en devient quasiment une fresque historique. Cette période de la colonisation japonaise semble d’ailleurs devenir la nouvelle manne du cinéma coréen. En 2016, la Corée verra débarquer de nombreux films se déroulant sous l’occupation japonaise : Fingersmith, The Tiger, Secret Agent et certainement d’autres. En outre, l’espace est étiré : Shanghai (ville où est installé le gouvernement provisoire coréen en exil), Mandchourie (région d’exil des résistants coréens) et, bien sûr, Séoul. Si ces lieux n’ont aucune représentation pour nous, Occidentaux, ils ont une signification forte pour les Coréens. Mais pour une fois, le récit est facilement transposable pour un public européen. Contrairement à Roaring Currents, projeté en 2014 par le FFCP, qui s’attarde sur un illustre personnage historique coréen qu’aucun Européen ne connaît, Assassination porte une symbolique universelle, celle de la résistance. Choi Dong-hoon cite dans ses influences Jean-Pierre Melville et notamment L’Armée des ombres et on peut comprendre pourquoi, même si les deux films sont extrêmement différents. Devant Assassination, tout spectateur français aura forcément un petit sourire en coin en lisant « Hôtel Mirabeau » ou encore en entendant des chansons françaises des années 1930. Même l’attentat contre le méchant collabo Kang In-gook peut déclencher un lointain souvenir de cours d’histoire chez les petits Européens : l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, qui est attaqué alors qu’il se déplace en voiture (ce qui déclenchera la Première Guerre mondiale).

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Et surtout, Choi Dong-hoon prend le temps de développer ses personnages. Certes, pas tous : les Japonais sont vus comme de vrais méchants, sans motivation si ce n’est la corruption et le meurtre. On n’évite pas les clichés… Par contre, la petite troupe de résistants, et notamment An Ok-yun, est attachante. Soksapo et Hwang Duk-moon sont le duo comique – car il en faut un dans tout film coréen. An Ok-yun, quant à elle, est la véritable héroïne du film. On la voit de la première scène (en tant que bébé) à la dernière. Personnage séparé de sa sœur jumelle dès sa naissance et exilée en Mandchourie, An Ok-yun est d’ailleurs recrutée par Yeom pour sa bravoure et son courage. Elle démontre, tout au long du film, sa soif de vivre et de vengeance contre l’ennemi japonais et les traîtres coréens. An Ok-yun a tout d’une héroïne : belle (elle en fait même craquer Hawaï Pistol), rusée, humaine et sensible quand elle découvre sa sœur jumelle, violente devant l’ennemi et pugnace. C’est elle qui attend Yeom en 1949, soit 16 ans après avoir été recrutée par lui, pour enfin en découdre avec lui. Et Yeom, l’ennemi immortel, criblé de balles, succombe, enfin. Le dernier plan met encore plus en exergue cette héroïne puisqu’il est figé sur son visage.

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Bien sûr, Assassination ne révolutionne pas le cinéma coréen. Il reste avant tout un blockbuster mais un très bon ! Alors, certes, le film est rempli de clichés et la fibre patriotique coréenne est un peu brossée dans le sens du poil (mais on a vu bien pire). Mais Assassination est un spectacle puissant et, après tout, c’est tout ce qu’on lui demande !

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Lire notre entretien avec Choi Dong-hoon ici ! 

Elvire Rémand.

Assassination de Choi Dong-hoon, présenté en avant-première au Festival du Film Coréen de Paris.

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