Carnet de festival : Cycle Séoul hypnotique au Forum des Images – Partie 1

Posté le 10 octobre 2015 par

Depuis la mi-septembre, la France et la Corée du Sud fêtent leurs 130 ans d’échanges diplomatiques, et ce, pendant une année entière. L’occasion de mettre en lumière la culture coréenne, et plus particulièrement leur cinéma, qui depuis bientôt 20 ans fait le bonheur de tous les cinéphiles amateurs de films asiatiques. Le Forum des Images, lieu culturel de la Mairie de Paris, a mis en œuvre une rétrospective pour le moins exhaustive autour de la thématique de la ville de Séoul, capitale de la Corée du Sud. Sur pas moins de 80 films, le cycle Séoul hypnotique explore les différentes facettes de cette cinéphilie, allant des prototypes du mélodrame coréen de la fin des années 50 en passant par les films émergeant de la Nouvelle Vague apparue au milieu des années 90, et nous offre in fine un panorama du cinéma contemporain qui démontre la vitalité et la diversité de ses films, provenant aussi bien du circuit des indépendants que des grosses compagnies.

Les spectateurs parisiens ont pu découvrir la richesse de ce cinéma, et juger de la qualité de ses mélodrames, genre dominant dont le public local est tant friand, ses thrillers qui connaissent un immense succès hors des frontières sud-coréennes sous différentes déclinaisons et qui ont révélé d’immenses cinéastes, ses comédies souvent truculentes, son cinéma social sans concession, ainsi que la beauté de ses films d’animation. L’occasion aussi de revenir sur  des cinéastes fondateurs comme Lee Man-hee (Holiday) ou Shin Sang-ok (Les Fleurs de l’enfer), (re)découvrir des œuvres rares d’auteurs confirmés comme Im Sang-soo (Girls night out et Tears) ou le sulfureux Jang Sun-woo (The Road to Race Track ; Timeless Bottomless Bad Movie). Le public eut le plaisir d’assister en nombre  à une masterclass de Jang Jin, cinéaste méconnu en France et ô combien populaire chez lui, et a pu voir une sélection de ses films les plus marquants dont Man on High Heels, projeté en avant première à l’ouverture du cycle. D’autres invités prestigieux vont venir présenter leurs travaux : nous attendons entre autres Leesong Hee-il, réalisateur militant qui a réalisé trois films sur le thèmes de l’homosexualité masculine, Ye Ji-won, actrice fétiche de Hong Sang-soo, et enfin une carte blanche dédiée à Lee Yong-kwan, président du Festival de Busan. Pour compléter la programmation, le Forum des Images organise chaque semaine une conférence sur une thématique ou un cinéaste majeur coréen, afin de mieux comprendre les codes de cette culture et de son art cinématographique. Quelques bémols tout de même dans ce cycle Séoul hypnotique : on déplore quelques absents, dont Kim Ki-young cinéaste classique coréen essentiel, un thème parfois restrictif qui empêche de traiter certains aspects importants de l’histoire du pays (notamment les films en costume et ceux traitant de la guerre et ses relations houleuses avec le voisin du nord). On remarque aussi qu’une place disproportionnée est accordée au réalisateur Hong Sang-soo : sept films et deux conférences, c’est beaucoup pour un cinéaste si peu innovant, pourtant très visible en France, et dont la filmographie est disponible sur support DVD. A cela s’ajoute la qualité toute relative de certaines copies numériques, les séances qui se chevauchent et bien sûr la dernière semaine qui fait doublon avec l’autre événement culturel parisien consacré au cinéma coréen : le FFCP (Festival du Film Coréen à Paris) qui fête cette année ses 10 ans et nous promet une sélection de films de qualité. En attendant la grande rétrospective consacrée au cinéaste Im Kwon-Taek à la Cinémathèque Française, le Forum des Images est le lieu  idéal où se plonger afin de découvrir la culture et l’histoire du pays du matin calme.

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The Barefooted Young de Kim Kee-duk (1964)

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Bien que cela ne soit mentionné nulle part, The Barefooted Young est une adaptation officieuse du roman de Shinji Fujiwara, L’inno­cence outra­gée (泥だらけの純情 doro­da­rake no junjô). On y suit Du-Su, un jeune gangster qui sauve au cours d’une rixe Yohanna, fille de diplomate, et son amie aux prises avec un souteneur mal attentionné. De cet incident naîtra une histoire d’amour entre les deux jeunes tourtereaux, qui devront affronter préjugés et clivages sociaux. Le charme de ce mélodrame tient essentiellement au dynamisme du couple de jeunes acteurs et à la description des conditions de vie de la jeunesse séoulienne dans les années 60. Le film souffre cependant de la comparaison avec la très réussie adaptation japonaise réalisée un an plus tôt par Nakahira Kô, spécialiste des films dits de la génération du soleil et précurseur de la Nouvelle Vague japonaise pour la Nikkatsu. La version nippone s’avère plus rythmée et crédible dans le traitement des personnages que la coréenne. The Barefooted Young manque d’élan et de fougue, s’avère parfois trop caricatural et se vautre malheureusement dans un acte final dans lequel tous les événements semblent s’enchaîner sans aucune cohérence dramatique et psychologique.

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Les Fleurs de l’enfer de Shin San-ok (1958)

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Sixième réalisation de Shi San-ok (contrairement à ce qui est mentionné dans le programme du FDI), Les Fleurs de l’enfer suit le destin d’un jeune homme assez naïf, s’installant en ville pour ramener chez lui son grand frère, qui mène une vie dissolue entre larcins et mauvaises fréquentations. Les Fleurs de l’enfer a pour cadre la vie autour d’une base militaire américaine en Corée, et décrit avec un certain réalisme documentaire le fonctionnement du marché noir et les réseaux de prostitution.

Formé durant l’occupation japonaise comme assistant par des réalisateurs confirmés, Shin San-ok fait preuve d’une réelle maîtrise de la mise en scène, d’un sens du cadre et de la construction dramatique que l’on peine à trouver chez ses confrères de l’époque. Si le film a du mal à démarrer, la faute à son traitement réaliste et intimiste, il décolle enfin dans une dernière partie assez mouvementée avec une longue scène d’action quasiment sans dialogue, rappelant les influences d’un cinéaste empruntant au western et au film noir américain.

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Take Care Of My Cat de Jeong Jae-eun (2001)

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Femme cinéaste et figure majeure de la Nouvelle vague coréenne, Jeong Jae-eun dépeint dans ce premier long métrage le parcours de cinq jeunes femmes qui entrent dans la vie active après avoir quitté le lycée. Sous un air de film léger sur l’amitié féminine se cache en fait un portrait assez cru de la société coréenne, décrivant les rouages et la pression qu’elle exerce sur les jeunes, les poussant à se trouver un travail rapidement et se conformer à ses règles strictes sous peine de se retrouver marginalisés. Écrit avec justesse, Take care of my cat met en relief le malaise social, parle des plus démunis sans misérabilisme et aborde la dimension dramatique de son récit avec subtilité sans verser dans le mélodrame larmoyant. Porté par un groupe de jeunes actrices talentueuses avec en tête une jeune Bae Doona (A girl at my door) alors débutante, le film séduit par son approche réaliste et son envie de ne pas céder à tout sentiment pessimiste.

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Guns and Talks de Jang Jin (2001)   

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Unique film de Jang Jin distribué en France par feu Kubik, Guns and Talks narre la quotidien de quatre amis dont les talents divers et le professionnalisme leur a valu une réputation fort flatteuse dans leurs secteurs d’activités. Ce groupe de jeunes hommes biens sous tout rapport, accrocs aux nouvelles matinales et sa très belle présentatrice télé, exerce le métier de tueurs à gage. Recrutés pour un gros contrat, ils vont devoir composer entre problèmes éthiques, une jeune cliente un peu collante et un flic retors et obstiné. Comme toujours chez Jang Jin, le genre de la comédie d’action policière n’est qu’un apparat, le cinéaste semble plus intéressé par le fait de développer des intrigues autour de son quatuor de jeunes célibataires. Il use des ressorts comiques sur le sentiment de camaraderie et joue avec malice de la relation ambiguë entre l’inspecteur de police et le chef du groupe de tueurs. Drôle, rythmé, enthousiasmant, Guns and Talks jouit de cet équilibre ténu entre ses divers emprunts au cinéma de genre et parvient à rendre un divertissement parfaitement digeste.

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Wild Flowers de Park Suk-young (2014)

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Trois jeunes fugueuses kidnappées par des proxénètes vont tenter de s’échapper et de survivre dans les bas fonds de Séoul, rêvant d’indépendance et de jours meilleurs. Chronique sociale racontant le quotidien de ces adolescentes livrées à elle même face à une société patriarcale dominante et violente, le film se veut un portrait d’une jeunesse désabusée mais échoue lamentablement dans son traitement. Caméra tremblotante, images montées en dépit du bon sens…, le film fait illusion dans un  premier tiers anxiogène et brutal, et tente de tenir le spectateur en éveil pendant les 1h30 restantes.

Il reste tout de même quelques images fortes, notamment dans la description des bidonvilles en bordure de Séoul, refuges des laissés-pour-compte dont les territoires cèdent inexorablement la place à des habitations et des bureaux en construction, marque inquiétante d’un capitalisme impitoyable qui écrase les classes sociales les plus pauvres.

Breathless de Yank In-june (2009)

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Véritable film coup de poing, Breathless raconte le parcourt de Sang-hoon, voyou louant ses talents de cogneur à une société de recouvrement de dettes tenue par son ami d’enfance. Sa rencontre avec Yeon-hee, une lycéenne forte tête va bouleverser leurs destins. Yank In-june signe un premier long percutant, filmé caméra à l’épaule. Il colle aux basques de cet homme qui n’est capable de s’exprimer qu’au travers de la violence et décrit une société coréenne malade, constamment sous une pression consumériste, endettée et incapable de relever son niveau de vie dont le quotidien est jonché d’humiliations et de coups. Si le film parvient à éviter le sentiment d’overdose d’une surenchère de scènes brutales, de violences conjugales, de vocabulaire ordurier et de misère sociale, c’est grâce aux nuances qu’il apporte à son personnage principal. Victime devenue bourreau, Sang-hoon cherche à s’affranchir de cette rage qui le consume, et trouvera son salut en  mettant à l’abri  les personnes qu’il aime sans pour autant enrayer ce cercle vicieux.

Âpre, réaliste, furieux et émouvant, Breathless laisse le spectateur KO, le souffle coupé, impressionné par une telle maîtrise de mise en scène et la prestation viscérale de son acteur réalisateur Yank In-june.

Lire également ici.

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Tears de Im Sang-soo (2000)

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Deuxième long-métrage de Im Sang-soo, Tears raconte les errements de quatre adolescents, Han, un jeune fugueur, Jang, voyou à la petite semaine, Ran, une prostitué amoureuse et Sa-Ri, sniffeuse de colle rebelle, dont les destins vont se télescoper dans le quartier de Garibong-Dong. Plus ou moins inspiré des expériences de jeunesse du cinéaste, le film aborde de manière frontale et avec une certaine crudité les problèmes de drogues, prostitution et de l’exploitation des jeunes issus de foyers parentaux violents. Épris de liberté, ils tentent d’échapper aux pièges d’une société patriarcale qui exploite financièrement leur innocence afin de satisfaire les plaisirs des adultes. Le film dresse un constat amer sur une jeunesse désabusée en perte de repères, qui répète inconsciemment les blessures infligées par leurs aïeuls. Interprétés par des acteurs débutants, ils font preuve d’un jeu d’un naturel déconcertant, avec en tête la jeune Park Ip-sun dont c’est malheureusement l’unique apparition sur grand écran. Im Sang-soo assume pleinement ses influences (Kids de Larry ClarkContes cruels de la jeunesse d’Ôshima Nagisa) et livre une œuvre nerveuse, turbulente, électrique et pourtant optimiste sur cette génération émergente, un peu à l’image de ce nouveau courant cinématographique qui allait élever la Corée comme l’un des pays essentiels du cinéma contemporain.

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Le Cocher de Kang Dae-jin (1961)

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Un cocher veuf tente de subvenir aux besoins de sa famille malgré l’obsolescence de sa profession. Le film de Kang Dae-jin est un prototype de mélodrame social coréen. Chacun des enfants du protagoniste répondant lui-même à un archétype du genre : le cadet rebelle qui vit de petits délits, le grand frère studieux qui repasse son concours pour devenir avocat, la jeune sœur qui renie l’héritage paternel et cherche un mari de bonne famille, et l’aînée, aveugle, battue et trompée par un mari violent. Sans oublier la riche patronne, insensible au sort de son pauvre employé. Et pourtant, Le Cocher parvient à tirer son épingle du jeu grâce à un scénario bien construit et des personnages bien plus subtils qu’ils n’en ont l’air. Le film traite du sort des petites gens avec un regard compassionnel et décrit leur quotidien avec un réalisme soigné qui évite tout débordement lacrymal.

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Good Morning President de Jang Jin (2009)

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Autre film du touche-à-tout Jang Jin, Good Morning President s’attaque cette fois ci aux coulisses de trois présidents successifs de la République de Corée : un ancien activiste en fin de mandat, son jeune poulain issu d’une grande université et une femme militante à la Maison Bleue. Le cinéaste s’amuse à décrire les mandats présidentiels de ces hommes et femme politiques qui se trouvent face à des dilemmes moraux et personnels et la façon dont ils doivent gérer leurs crises intimes avec de telles responsabilités. Souvent confus, le film peine à démarrer faute d’enjeux bien définis et pâtit d’une construction dramatique faiblarde constituée d’une succession de sketchs. Mais il se révèle par moments fort réjouissant, Jang Jin faisant preuve de beaucoup d’habileté pour tirer le meilleur parti du comique de situation. On déplore cependant une satire bien naïve qui vieillit mal surtout dans le contexte politique actuel en Corée.

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The Road to Race Track de Jang Sun-woo (1991) 

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Cinéaste précurseur de la Nouvelle Vague coréenne, Jang Sun-woo est un auteur qui aime le souffre et le parfum de scandale, comme il prouvera par la suite dans son film Fantasmes. The road to race track suit le retour au pays de R, diplômé d’un doctorat dans une université parisienne, il tente de renouer avec J, une belle étudiante avec qui il a eu une longue aventure durant son séjour en France.  Le film est une suite de trèèèès longues scènes de dialogues entre un intellectuel égoïste et arrogant qui veut tirer son coup et une ravissante idiote qui joue les indécises. Ces pénibles joutes verbales ont lieu essentiellement dans des cafés ou des voitures, et semblent distendues jusqu’au point de rupture. Le film use et abuse de son concept et s’enferme dès son premier tiers dans une (im)posture intellectuelle hermétique. Des dialogues crus qui sonnent comme des provocations petits bourgeois, doublés d’une lutte des classes et des sexes qui s’essouffle aussi vite qu’un éjaculateur précoce… Le film tient du pur supplice masochiste pour le spectateur. Qui a envie de se retrouver enfermé avec un couple de cons pendant 2h30 de film ?

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Une femme libre de Hyang Myung-mo (1956)

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Madame Ho, épouse d’un professeur d’université réputé, se voit confier la gérance d’une boutique de luxe qui vend des produits occidentaux. Une expérience professionnelle qui va lui ouvrir les portes d’un monde de distractions et d’aventures, dans lequel cette femme modèle va se retrouver courtisée par de nombreux prétendants. Va t-elle céder à leurs avances ? Présenté en 2012 au FFCP sous son titre international Madame Freedom (lire ici), Une femme libre est signé par Han Hyeong-mo, réalisateur dit de la 1ère génération. Le film est l’adaptation d’un célèbre roman feuilleton qui narre l’émancipation d’une femme au foyer, et choqua le public de l’époque à cause d’une étreinte et d’un baiser adultère. Si dans un premier temps Une femme libre peut sembler être un plaidoyer pour les droits de la femme, son désir de jouir de son indépendance et de son droit d’aimer, la morale du film demeure très réactionnaire, vieux jeu et paternaliste.

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Girls Night Out de Im Sang-soo

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Premier long métrage de Im Sang-Soo, auteur et réalisateur phare de la Nouvelle Vague coréenne, Girls Night Out est aussi l’un des premiers films contemporains du pays du matin calme a avoir eu le droit à une distribution salles en France, et demeure avec Tears la pièce manquante sur support numérique dans la filmographie du cinéaste. Portrait réaliste et truculent de trois jeunes femmes modernes coréennes, le film évoque leurs amours, leurs amants, leurs désirs et aspirations. Il surprend  pour son incroyable liberté de ton, ses dialogues crus sur le sexe et pourtant jamais vulgaires, ses scènes érotiques, troublantes, évocatrices et toujours dans le fil de la narration. Im Sang- soo épouse le point de vue de ses héroïnes, partage avec beaucoup de sensibilité et humour cette quête du plaisir féminin, avec en contrepoint cette image masculine figée dans sa posture virile et dominatrice, bien à l’image de la société paternaliste et très moralisatrice de Corée du Sud. 1997, Girls Night Out libère la femme coréenne au cinéma avec beaucoup de classe et de talent.

 

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 The Day He Arrives de Hong Sang- soo (2011)

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Un ex-cinéaste exilé en province est de retour pour quelques jours à Séoul, venu rendre visite à un ami. Ses errements dans son ancien quartier va le mener de chez son ex-maîtresse à d’autres rencontres du fait du hasard. Rien ne ressemble plus à un film de Hong Sang-soo qu’un autre film de Hong Sang-soo ! Marivaudages entre cinéastes et belles étudiantes, philosophie éthylique au coin d’une table, sentiment de mélancolie, jeux de répétition, caméra fixe et zooms maladroits : le cinéaste applique sa formule sans jamais se réinventer. Le film, comme à son habitude, ravira les adeptes du cinéaste, les autres, comme moi, ne parviendront pas à sortir de leur torpeur mis à part lors d’une ou deux saynètes amusantes.

Pour lire un avis d’adepte du cinéma de Hong Sang-soo, c’est par ici ! 

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A Hot Roof  de Lee Min-yong (1995)

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À l’aube de la nouvelle vague Coréenne, se dessine un jeune cinéma d’auteur capable de mêler habilement des thèmes de société graves et des ambitions d’un cinéma populaire plus grand public. A Hot Roof  raconte durant un été caniculaire le siège tenu par un groupe de femmes réfugiées sur le toit d’un immeuble après être venues rendre secours à une voisine victime des coups d’un mari violent. Elles luttent contre les accusations de meurtre proférées par la police suite à la mort de l’agresseur. Premier scénario de Jang Jin pour le cinéma, le film brosse un portrait de la femme coréenne au travers de son groupe de résistantes dont chacune des membres représente un de ses archétypes. Le film aborde avec justesse les problèmes des violences domestiques (il est cité dans le film que pas moins de 61% des femmes coréennes reconnaissent avoir subi des coups de la part de leur conjoint) et, à l’image de ce groupe de femmes dont le combat prend une envergure national, A Hot Roof, sous ses airs de comédie inoffensive, s’avère être un magnifique plaidoyer en faveur de la femme coréenne qui doit faire face au quotidien au machisme des hommes et à un modèle de société paternaliste daté. Brillamment écrit, passant avec une aisance déconcertante de la comédie au drame sans perdre de vue son sujet, et ne cédant jamais à la caricature grossière, A Hot Roof porte déjà tous les stigmates du cinéma de Jang Jin et tient dans cet équilibre des genres la recette des nombreux succès à venir du cinéma coréen. Une des très belles surprises de ce cycle Séoul hypnotique !

 

Crying Fist de Ryu Seung-wan (2005)

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Véritable champion du box-office coréen, Ryu Seung-wan filme les destins croisés de deux marginaux : un jeune voyou qui atterrit en prison pour agression et une ancienne gloire de la boxe qui survit en louant ses talents comme punching ball humain. Les deux hommes vont trouver, dans le noble art, rédemption et espoir et peut-être même un peu de dignité humaine qui leur fait cruellement défaut. Comme dans tout bon film de boxe, le match en lui-même n’a peu d’importance, l’enjeu principal réside dans le chemin que doivent parcourir les personnages pour y parvenir. Ryu Seung-wan révèle une facette plus subtile que son seul statut de faiseur de films d’action ne laissait présager et réalise un drame social aussi poignant que percutant. Si Crying Fist parvient aussi bien à nous émouvoir, il le doit non seulement aux talents d’écriture et de mise en scène de son auteur et cinéaste mais aussi à la performance de ses deux comédiens aussi doués dans le jeu physique qu’intime.

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Pascha de Ahn Seon-kyoung (2013)

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Pascha raconte le quotidien d’un couple de condition modeste, uni malgré leur grande différence d’âge. Lui vient de quitter le lycée et vit de petits boulots, elle, bientôt quarantenaire, travaille en espérant terminer son scénario et intégrer le milieu du cinéma. Mise en scène posée, plans fixes : Ahn Seon-kyoung construit ses scènes dans la durée, laisse l’émotion s’installer et son couple comédien prendre forme. Porté par un duo d’acteurs formidables dont l’excellente Kim So-hee, Pascha dévoile subtilement les travers d’une société engoncée dans des règles morales strictes qui empêche l’épanouissement de cette union considérée comme illégale. On peut reprocher au film de ne pas éviter pas certains clichés typiques du jeune cinéma d’auteur coréen. On regrette de voir cette jeune et talentueuse cinéaste céder un peu facilement à certains artifices de mise en scène pour choquer le spectateur plutôt que de faire confiance à son récit et de jouer du pouvoir de suggestion.

 Une Balle perdue

 

Une balle perdue de Yu Hyun-mok (1961)

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Balle perdue, est une expression qui désigne un raté, un moins que rien, quelqu’un d’inutile à la société. Au retour de la guerre, Chul-ho modeste employé, trime pour subvenir aux besoins de sa famille, guère aidé par un frère vétéran sans travail qui s’apitoie sur son sort et ne rêve que d’argent facile. Le film de Yu Hyun-mok, est passionnant pour l’époque qu’il décrit, cette Corée tout juste sortie de la guerre avec le Nord et qui peine à remonter la pente. Entre les ruines, ses bidonvilles en périphérie et un centre-ville clinquant avec ses boutiques de luxes, le film met en relief le fossé qui sépare les classes sociales et les inégalités créées par ces années de conflit. Une Balle perdue souffre lui-même de ces inégalités, celle d’un récit parsemé de sous-intrigues, certaines brillamment écrites et faisant preuve d’audaces formelles, et d’idées de mise en scène bien inspirées. De l’autre se profile un mélodrame trop convenu et guère subtil dans son dénouement.

Martin Debat

Séoul Hypnotique. Cycle du Forum des Images à Paris du 15 septembre au 1er novembre. Plus d’informations ici. 

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