Bilan du Festival du Cinéma Chinois en France 2015

Posté le 27 juin 2015 par

Le Festival du Cinéma Chinois en France (FCCF) a fêté sa 5e édition cette année. Il s’est déroulé du 11 mai eu 2 juin à Paris puis s’est envolé pour les grandes villes de province jusqu’au 30 juin. Le festival, sponsorisé par les gouvernements chinois et français, a l’avantage de projeter des films inconnus en France, qui ont pourtant cartonné au box-office chinois. Une occasion pour les spectateurs de découvrir une autre filmographie.

Le FCCF a projeté cette année, en avant-première, un film très attendu par les fans, même en France : La Bataille de la Montagne du Tigre de Tsui Hark. Il faut avouer que ce choix était plus judicieux que celui de l’année dernière (Monkey King). Pour ceux qui craignent que Tsui Hark ait perdu sa verve, qu’ils se rassurent ! Le réalisateur est toujours passionné et livre un film épique et un minimum patriotique, pour ne pas choquer la censure chinoise.

La bataille de la Montagne du tigre

DE L’ACTION…

La production chinoise en 2014 a apparemment privilégié les films d’action et le festival en a sélectionné plusieurs. Certains ont connu un certain succès au box-office chinois comme As The Light Goes Out réalisé par Derek Kwok, assez peu connu chez nous mais qui a réuni un casting impressionnant pour ce film bourré de testostérones sur fond d’incendie en plein centre de Hong Kong : Nicholas Tse (Bodyguards and Assassins), Shawn Yue (Infernal Affairs) et Simon Yam (Election) ! De l’action, il y en a également dans Police Story 2013 de Ding Sheng. Jackie Chan est toujours fidèle au poste dans son rôle de super-flic. Bon, par contre, on est loin de la qualité des premiers films de la saga… Police Story 2013 suit un officier de police, interprété par Jackie Chan, qui, suite à un rendez-vous avec sa fille dans un night club, devient témoin d’une mystérieuse affaire. Rien de bien nouveau sous le soleil mais on s’en doutait. Malheureusement, Ding Sheng essaie de combler le vide par des séquences interminables de flashback. Le résultat n’est donc pas concluant du tout !

brotherhood of blades

Avec le réalisateur Lu Yang et son film Brotherhood of Blades, on retrouve de l’action chinoise typique : le wu xia. Et chez East Asia, on aime beaucoup le wu xia ! Brotherhood of Blades est loin d’être le meilleur film du genre que l’on ait pu voir mais il s’avère être un bon divertissement, avec des scènes de combat efficaces et des acteurs solides, Chang Chen (Les Trois Royaumes) et Liu Shishi (Badges of Fury) notamment. On pourra cependant regretter un scénario assez alambiqué, qui ne rend pas la compréhension du film très claire. En même temps, ce n’est pas le but du film !

Enfin, le thriller The Great Hypnotist, même s’il n’est pas un pur film d’action, a plongé les spectateurs dans les mystères de l’hypnose. Réalisé par Leste Chen (Eternal Summer), The Great Hypnotist a le mérite de représenter un genre que l’on connaît assez peu dans le cinéma chinois, mêlant surnaturel et twists à foison. Le film suit un psychiatre spécialisé dans l’hypnose thérapeutique. Il reçoit un jour la visite d’une patiente qui, abandonnée par ses parents, prétend voir des fantômes. Évidemment, le psychiatre n’y croit pas et décide alors de soumettre sa patiente à une séance d’hypnose. Pour les curieux, le film est intéressant car il permet de se rendre compte que les influences cinématographiques américaines ont traversé le monde entier. Si Le Sixième Sens est votre film de chevet, pourquoi pas. Sinon, passez votre chemin !

DES RIRES ET DES LARMES…

Après l’action made in China, on passe à la romance, à la comédie, bref, à tout ce qui peut vous permettre de séduire l’élu(e) de votre cœur ! Et, apparemment, en Chine, on adore ce qui dégouline de bons sentiments. Attention, nos comédies romantiques passent à côté pour des films de brutes !

somewhere-only-we-know-movie

On commence par le pire : Somewhere Only We Know de l’actrice et réalisatrice Xu Jinglei (on l’a notamment vu dans Les Seigneurs de la guerre). Sortie pour la Saint-Valentin, cette comédie romantique a été entièrement filmée à Prague et c’est certainement son seul intérêt. Afin de convaincre un public encore plus large, Xi Jinglei a adopté la mode du moment : une histoire d’amour entre deux jeunes Chinois étudiant à Prague, une remontée dans le temps pour suivre l’histoire d’amour de la grand-mère de l’héroïne, beaucoup de pleurs et trop de musique ! Pour le casting, la réalisatrice a également tapé fort puisqu’elle a réussi à entraîner Kris Wu, plus connu pour être une star de Kpop. Un seul mot, un peu dur, certes… : poubelle !

La musique, on la retrouve encore, cette fois dans 20 Once Again de Leste Chen, qui n’est autre que le remake de la comédie coréenne Miss Granny. Shen Meng Jun, une grand-mère très envahissante et particulièrement acariâtre, se fait littéralement virée de chez son fils car sa belle-fille est malade et a besoin de calme. Un peu déprimée, elle entre chez un photographe. Le plus incroyable se produit alors : elle rajeunit et retrouve le visage de ses 17 ans. Les 10 premières minutes du film sont légères et même drôles puisque cette grand-mère est finalement universelle, avec tous ses défauts mais aussi ses qualités. Pourtant, rapidement, le film vire vers une mièvrerie quasi-insupportable où la musique, pop chinoise, est omniprésente.

Fleet-of-Time

Fleet of Time, réalisé par Zhang Yibai, rattrape un peu les catastrophes précédentes. Dans la même veine qu’American Dreams in China, projeté en 2014 au FCCF, Zhang Yibai reprend un thème qui lui est cher : l’évolution de la jeunesse chinoise des années 1990 à nos jours. Si American Dreams in China évitait l’écueil du romantisme guimauve, en se basant sur l’histoire de jeunes étudiants créant une société de cours d’anglais, Fleet of Time, lui, se plonge dans des histoires d’amour interminables. C’est vraiment dommage car la première partie du film met en place un second degré très appréciable très vite gâchée par de bons sentiments qui dégoulinent un peu trop.

ET DE LA POÉSIE

Heureusement, le cinéma chinois, c’est aussi de beaux moments de sensibilité et de poésie. Et, bizarrement, ce sont les films que nous connaissons le plus en France qui méritent d’être vus. Cette année, le FCCF a sélectionné deux films d’auteur : Blind Massage de Lou Ye et Le Ferry de Shi Wei. Lou Ye est connu chez nous pour avoir réalisé Suzhou River et Nuits d’ivresse printanière. Dans Blind Massage, le spectateur suit des employés, aveugles, d’un salon de massage. La réalisation est maîtrisée à merveille, à la fois sensible et sensuelle. Les aveugles possèdent bien d’autres sens, que Lou Ye essaie de transmettre. Et il y parvient, sans tomber dans le pathos. Une belle leçon de cinéma.

The Ferry

Le Ferry, quant à lui, n’est pas sorti en Chine. Primé à Montréal et à Vesoul, le film met en scène Tian Huai’en, qui passe la plus grande partie de sa vie sur son bateau, afin de faire traverser la rivière à qui souhaite rejoindre l’autre rive. Pour ce travail, il n’accepte aucune rémunération. Personne ne le comprend, si ce n’est son fils, parti travailler en ville. Le Ferry interroge intelligemment le développement économique de la Chine et la culture traditionnelle. Cette dichotomie est mise en scène par la relation entre le père, resté à la campagne, et le fils, citadin averti. La beauté naturelle du décor suffit à elle-même et l’on est bercé par le flot, lent, de la rivière. Certains jugeront ce film trop introspectif et trop silencieux mais il fait sacrément du bien après avoir vu tant de films bavards et superficiels !

Conclusion : le cinéma chinois se porte bien au box-office mais la créativité et l’innovation sont loin, très loin ! Heureusement, certains films, qualifiés de films d’auteur, nous permettent de ne pas perdre espoir.

Elvire Rémand.