DVD – Bondage de Tanaka Noboru

Posté le 6 juin 2015 par

Zootrope poursuit sa réédition de classiques du Pinku Eiga avec cet ode vénéneux au bondage signé Noboru Tanaka.

Peintre, dessinateur et photographe, Seiu Ito se passionne pour le bondage. Ses modèles : ses deux épouses et une prostituée, dont la ressemblance avec sa première femme l’entraîne dans une spirale sadienne.

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Noboru Tanaka avait su montrer l’enchevêtrement dangereux et vénéneux liant le sexe, la douleur et la mort dans des œuvres aussi déroutantes que La véritable histoire d’Abe Sada (1975) et La maison des perversités (1976). Le réalisateur signe son film le plus abouti sur ce thème avec le bien nommé Bondage. Tanaka transpose en image les préceptes de l’artiste japonais Seiu Ito. Celui-ci fut un véritable chantre de la pratique du bondage à laquelle il consacra toutes sortes de disciplines artistiques. D’abord la performance immortalisée par la photographie où il mettait en scène sa propre épouse ligotée dans les poses les plus diverses. Viendra ensuite le rôle de précepteur avec des supports (photos, illustrations, cartes postales) montrant toutes les formes que peut prendre l’art du bondage. Enfin il fit office d’historien de la pratique (lui-même s’étant inspiré des mythes nés des annales judiciaires de l’ère Edo rapportant les punitions faites aux femmes) avec des ouvrages de références dont une Histoire illustrée populaire des crimes et châtiments célèbres au Japon.

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Noboru Tanaka parvient avec brio à retranscrire cet esprit à la fois didactique, pervers et troublant dans Bondage. Sorte de portrait fantasmé de Seiu Ito (ici incarné par Hatsuo Yamaya), le film se fait l’illustration cruelle et passionnée du bondage. La narration nous livre ainsi deux visions. L’’une en flashback où l’on verra Ito expérimenter différentes formes de sévices sur son ancienne épouse consentante. Montrés dans leur crudité et violence sans explications, le sadisme des exactions interpelle et le plaisir ne semble exister que dans le regard concupiscent et fou de l’artiste. Le présent nous montre la rencontre entre Ito et sa nouvelle « disciple », Taé (Junko Miyashita). Là encore c’est la domination et la brutalité qui semblent guider la pratique lors de la première expérience où Ito ligote et possède Taé. Un saisissant renversement s’opère lors de la scène où le choc et la stupeur de Taé se transforment en intense plaisir, la faisant passer en une étreinte fiévreuse de victime à partenaire idéale. Une nouvelle fois, Junko Miyashita se montre d’une sensualité et d’un abandon incandescents (obligé de se calmer avec de la neige tombée à l’extérieur), littéralement transfigurée en une séquence saisissante.

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Dès lors vont défiler les pratiques les plus douloureuses/exaltantes, Seiu Ito tenant alors son rôle d’initiateur à l’écran et en voix-off pour nous les expliquer en détail. On retiendra notamment celle de « la poulie » où Taé est suspendue par les cheveux et dans l’obligation de rester sur la pointe des pieds pour ne pas encourir d’horribles souffrances. Le visage de Taé où se lisent souffrance et plaisir et les expressions inattendues qui s’y révèlent constituent la recherche, le plaisir suprême pour Seiu Ito. Contrairement aux premières séquences ambigües, ce plaisir semble cette fois partagé avec des partenaires se complétant dans leur quête SM. Cette odyssée du plaisir et de la douleur n’a pas de limite, à l’écran comme sur le tournage tant le don de soi de Junko Miyashita interpelle sur certaines scènes. On pense à ce moment où elle est plongée dans un lac gelé et surtout ce plan d’une sidérante beauté la montrant suspendue en kimono dans une lande enneigée sous le regard admiratif et aimant d’Ito. Le regard vide et en pure extase de Taé exprime bien le pur don de soi que constitue ce moment pour la jeune femme qui s’y oublie totalement.

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Si dans La véritable histoire d’Abe Sada, les corps des amants finissaient par les trahir à force d’excès, cette fois ce sera leur esprit. Taé perd ainsi la raison, cette démence semblant se prolonger sur sa santé et lui permettant d’aller encore plus loin dans le plaisir du bondage, jusqu’à la mort en fait. La dernière partie révélera alors tout le romantisme morbide qui unit le couple. Seiu Ito (qui aura toujours demandé l’autorisation à Taé d’aller plus loin) inflige avec un plaisir mêlé de mélancolie les différents outrages qui prennent un tour monotone. Il a bien compris que ce seront les dernières fois et qu’il devra bientôt dire adieu à son amour. La mise en scène de Tanaka sait comme toujours capturer la furie du désir comme le lent et douloureux raffinement du bondage dans une réflexion plus proche de Georges Bataille que du Marquis de Sade. Il parvient réellement à élever la perversité au rang d’œuvre d’art par la beauté formelle du film et à sa compréhension du bondage, à la fois douloureux et joyeux sans être distant ni moqueur. Une approche parfaitement résumée par l’ultime séquence à l’humour noir très particulier. Le dépit de son amante défunte, Seiu Ito l’exprimera par le regret de ne pas avoir expérimenté de nouveaux sévices sur son cadavre. Un pur diamant noir et une des plus belles réussites de Tanaka.

Justin Kwedi

Bondage de Tanaka Noboru. Sorti en DVD chez Zootrope, disponible depuis le 7 avril.

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