DVD – La Femme aux cheveux rouges de Kumashiro Tatsumi

Posté le 30 mai 2015 par

Depuis le 5 mai, Zootrope poursuit sa réédition de pinku eiga indispensables avec cet hymne féministe déroutant.

Kozo et Takao, deux ouvriers, s’amusent à violer la fille de leur patron. Leur vie va se transformer au contact d’une « femme aux cheveux rouges », qu’ils recueillent au bord de la route un jour de pluie. Elle s’installe chez Kozo, fasciné par son franc-parler et son étrange personnalité. Ils se mettent en ménage mais elle reste muette sur son passé.

vlcsnap-2015-05-21-15h54m37s922Kumashiro Tatsumi signe à nouveau un pinku eiga captivant placé sous le signe de l’insoumission et du féminisme. L’approche est ici plus ténue et subtile que son Sayuri, stripteaseuse (seul autre de ses films disponible en France) où le propos était plus explicite dans la défiance de cette artiste envers les autorités dans ses prestations provocatrices. Cette fois il s’agira de rompre le machisme le plus brutal tapi dans les mœurs de la société japonaise par les sentiments. Kozo et Takao sont deux ouvriers rustres qui ont pris l’habitude de partager leurs conquêtes féminines, consentantes ou non, comme le montre une cruelle scène d’ouverture où ils abusent de la fille de leur patron. Une nouvelle victime semble s’offrir à eux quand ils prendront en stop une mystérieuse femme aux cheveux rouges (Junko Miyashita) qui va s’installer chez Kozo.

vlcsnap-2015-05-21-16h08m58s846Dès la première étreinte le rapport paraît déjà s’inverser. La libido débordante de la femme dépasse le malheureux Kozo, tant par son désir pressant que par la position récurrente qu’elle lui impose. La dimension dominant/dominé établi dans le viol de la scène d’ouverture est brisée, la femme imposant le tempo de son désir à l’homme et surtout l’assurance signifiant son expérience des hommes quand la première victime était vierge. Junko Miyashita excelle à incarner des figures féminines lascives et dominatrices dans leur libido (notamment le fameux La Véritable histoire d’Abe Sada) et s’émancipant par le sexe. C’est ce qui se déroulera insidieusement ici, l’actrice délivrant une prestation subtile où son ascendant ne se ressent que progressivement dans le reflet que renvoie Kozo. La brute aperçue au début du récit s’adoucit, devient un amant prévenant et même jaloux du passé mystérieux de la femme (tout juste devine-t-on qu’elle est peut-être mariée, a eu des enfants ou a été junkie) dont l’expression du désir lui évoque ses amants passés invisibles. D’ailleurs l’ensemble des rapports de couple du film témoigne de cette inversion, certains de manière plus classique et risquée comme Takao devant prendre en charge sa petite amie enceinte, torturée avec les junkies voisins du dessus et toujours par le sexe avec les amis commerçant de Kozo où l’épouse gironde mène véritablement le jeu en dépit des infidélités du mari.

vlcsnap-2015-05-21-16h04m39s401La remise en question devra donc venir de l’homme,Kozo devant choisir entre l’allégeance au code machiste où il ne se reconnait plus (Takao désirant comme à leur habitude partager avec lui son amante aux cheveux rouges) ou s’épanouir dans une relation de couple plus incarnée à travers cette amante si entreprenante. Des questionnements passionnants que Kumashiro Tatsumi amène par une imagerie détonante. Loin de la stylisation chichiteuse coutumière du pinku eiga, Kumashiro offre une forme brute et sur le vif, ce ne sont pas les mouvements de caméra qui font grimper artificiellement la sensualitémais la capture sans fard du désir des protagonistes. Les films de Kumashiro sentent la sueur des pièces closes où les amants s’abandonnent longuement, le réalisateur étant d’ailleurs réputé pour tourner sans se soucier des restrictions de la censure japonaise comme l’interdiction de montrer les poils pubiens. Lorsque celle-ci s’applique à ses films, il utilise en guise de rébellion des caches noirs grossiers altérant l’image (quand les caches habituels dissimulaient juste les zones tabous). Une œuvre captivante se terminant évidemment dans un ultime instant de frénésie érotique.

Justin Kwedi.

La Femme aux cheveux rouges de Kumashiro Tatsumi. Sorti en DVD chez Zootrope, disponible depuis le 7 avril.

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