Certains films sont des morceaux d’Histoire, et parfois ils s’invitent dans des festivals. C’est précisément ce qui est arrive avec Coups de feu dans la plaine des jarres (Siengpeun Chank Thonghai), film historique relatant les événements de la révolution lao, présenté au FICA de Vesoul.
Come together
Sa présence au festival est déjà en soit un petit miracle. D’une part car il s’agit de la dernière copie au monde (retrouvée au Laos et projetée ici dans une copie vidéo certes dégradée mais suffisante pour témoigner de son existance) et d’autre part car aucune projection publique du film n’avait eu lieu depuis bientôt 30 ans. Cerise sur le gâteau, le film se voit finalement présenté par Somchit Phonsena, co-réalisateur du film avec Pham Ky Nam, retrouvé seulement deux semaines auparavant alors qu’il menait une vie discrète en France.
Produit pour les dix ans de la révolution lao par le ministère de l’information national en collaboration avec celui du Vietnam, Coups de feu dans la plaine des jarres est le premier film de fiction lao réalisé depuis 1975. Hélas, cela ne marquera pas un nouveau départ pour l’industrie qui ne produira qu’un seul autre métrage lors de la décennie 80 avec Le Lotus rouge (également présenté à Vesoul cette année). Afin de célébrer l’événement, les grands moyens sont employés : véritables costumes d’époque, renforts militaires pour donner au film un sentiment d’authenticité et un tournage étalé sur trois ans dans la région de Xieng Khouang. Hélas, le film fait aussi état d’un faible structure cinématographique au Laos à l’époque. Aidé par le Vietnam qui prêtera des ateliers de montage et leur permettra de commander de la pellicule en Allemagne de l’Est, le film ne peut dissimuler l’absence de techniciens et acteurs expérimentés dans le pays durant cette période.
You say you want a revolution, well you know
Adapté du livre Kong Pham Thi Song (Deuxième bataillon) de Souvanthonc, le film évoque les événements de la révolution, particulièrement les pourparlers qui mèneront à l’organisation des camps qui s’opposeront: le Pathet Lao (parti révolutionnaire populaire lao) et l’armée royaliste. La structure narrative prend la forme d’une intrigue fragmentée, se focalisant tour à tour sur de multiples personnages dépeints de manière assez caricaturale. Heureusement pour les vraies personnalités, les noms ont été changés. Le personnage du commandant Konlakan, œuvrant pour les royalistes, est le parfait exemple du manque de nuance qui caractérise les personnages : rustre, alcoolique et irresponsable.
Le nœud du film repose sur son statut. Film de propagande ? Film éducatif ? Il est en tout cas difficile de nier que l’oeuvre semble prendre un point de vue unilatéral en faveur du Pathet Lao.
Anel Dragic
Coups de feu dans la plaine des jarres (Siengpeun Chank Thonghai) de Somchit Phonsena et Pham Ky Nam. Présenté au FICA de Vesoul 2015.