FICA 2015 : Mystery de Lou Ye (Tenir en haleine)

Posté le 7 février 2015 par

Lou Ye revient avec une enquête sur fond de drame social, à redécouvrir au FICA de Vesoul. Mais que raconte-t-il ?

Plus qu’un thriller, Mystery est une sombre histoire sociale plongeant dans les méandres de la Chine d’aujourd’hui. Le rythme est lent, le réalisateur cherchant à hypnotiser son spectateur, l’engluer dans la noirceur de son pays, où les mensonges et le souci des apparences ne peuvent que conduire à l’explosion.

Les premières images sont ainsi tétanisantes. Sous une pluie battante, de jeunes chauffards font les imbéciles sur la route. A rouler ainsi à grande vitesse, ils ne peuvent éviter la jeune femme, titubant au milieu de la route. Le choc est violent, bouleversant, la laissant agonisante sous les trombes d’eau, où se mêlent le sang de ses blessures. Si l’enquête est bâclée, un doute plane, la jeune femme ayant été frappée à coups de pierres avant le choc.

Lou Ye, aussi scénariste, déstructure son récit, pour mêler les événements menant à ce tragique instant, l’enquête rapidement menée par un flic pourri, et ce qui se passera ensuite. Car le réalisateur n’est pas tant intéressé par l’enquête criminelle, que par ses personnages et son pays. Comme nombre de réalisateurs chinois actuels, il veut pointer du doigt les scories de la Chine, en un message pas toujours subtil, mais assez édifiant et bouleversant. Le spectateur découvre dans Mystery un pays gangrené par la corruption où, si un chauffard paye suffisamment, il ne sera pas inquiété. Un pays où ce qui compte sont les apparences, peu importe la souffrance et le mensonge. Le personnage de ce film est ainsi une ravissante jeune femme, qui se lie d’amitié avec la mère d’un camarade de classe de sa fille, avant de découvrir que non seulement cette autre femme est la maîtresse de son mari, mais aussi que le camarade de classe est le demi-frère de sa fille, et que son mari les trompent toutes les deux en fréquentant d’autres femmes.

La caméra s’attache à suivre les atermoiements de ses personnages, montrant dans un style très documentaire les méandres de ces femmes, l’une voulant se venger, par des moyens détournés, l’autre cherchant à n’avoir cet homme que pour elle seule. Nous assistons aux éclairs de violence de ce mari volage, qui n’a aucun problème de conscience, qui viole sa compagne en l’insultant pour se venger de ses exactions. L’horreur, tétanisante, surgit ainsi sous forme d’éclairs choquants, le rythme très lent ne faisant qu’accentuer l’impact de ces moments atroces, qui n’arrivent que derrière des portes closes, à l’abri du regard des autres.

Bien sûr, Mystery n’est pas exempt de défauts. Le plus important étant sa lenteur, son rythme étant tout autant une force qu’une faiblesse, et le film reste terriblement prévisible dans son déroulement. De plus, l’histoire aurait dû explorer un peu plus la vie de ce policier homosexuel et un peu corrompu. Cette partie n’est qu’effleurée, et cela n’apporte finalement pas grand-chose au récit, la corruption n’étant là que pour empêcher la police de se rapprocher trop rapidement du personnage principal. Pourtant, cette thématique aurait pu apporter énormément de choses à cette critique sociale.

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Cependant, Lou Ye ne cherche pas tant à surprendre qu’à montrer la noirceur de son pays. Sous le soleil, les gens sourient, cachent leur souffrance, cherchent comment réagir. Et quand la pluie s’abat, ce n’est que pour annoncer le tragique dénouement de toute cette rancœur refoulée, éclatant sous la forme d’une mort aussi inutile qu’atroce, un point d’orgue effroyable à un récit à la noirceur absolue.

Yannik Vanesse.

À voir au FICA

Samedi 14 février à 22h30 – Majestic 4
Lundi 16 février à 20h30 – Majestic 4

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