American Dreams in China était présenté dans le cadre de la 4e édition du Festival du Cinéma Chinois en France, qui s’est tenu à Paris du 12 mai au 23 juin 2014. Présenté comme un Social Network à la chinoise, American Dreams in China s’inspire d’une histoire vraie : celle de la création, en 1993, de la première école privée chinoise, New Oriental, par un étudiant nommé Yu Minhong.
American Dreams in China a eu un joli succès en 2013 au box office chinois et a engrangé 51 millions de dollars en une dizaine de jours. Il faut dire que le réalisateur, Peter Chan, est devenu une valeur sûre après avoir tourné la comédie romantique Perhaps Love, le film de guerre Les seigneurs de la guerre et le film d’arts martiaux Wu Xia. Pourtant, cette fois, le réalisateur hong-kongais se concentre sur la Chine, celle de Beijing au milieu des années 1980 jusqu’aux années 2000.
Le film suit trois camarades de promo ayant pour rêve de finir leurs études aux Etats-Unis : Chen Dongqing, Wang Yang et Meng Xiaojun. Malheureusement, seul Meng, interprété par Deng Chao (Detective Dee : le mystère de la flamme fantôme) obtient son visa. Les deux autres, joués par Huang Xiaoming (Ip Man 2) et Tong Dawei (Lost in Beijing), sont bloqués en Chine et décident alors de créer une école privée d’anglais. Le troisième ami, alors aux Etats-Unis, revient en Chine pour les aider. L’école New Dream devient peu à peu le plus grand établissement privé en Chine. Mais trop d’argent et des conceptions de gestion différentes vont progressivement semer la discorde entre les trois amis.
Comme le laisse penser le synopsis, American Dreams in China est avant tout une histoire d’amitié entre trois jeunes gens qui, a priori, n’ont pas grand chose en commun. Meng, ambitieux et un poil pédant, sait pertinemment qu’il figurera bientôt à la une du magazine Time ; Wang, de son côté, un peu bohème, vit une histoire d’amour avec une Américaine en échange universitaire en Chine ; et enfin, Chen, idéaliste, débarque de sa campagne et tombe rapidement amoureux de la plus belle fille de la fac. Ces différences de caractère donnent lieu à des situations cocasses, qui permettent au film de garder un rythme fluide et léger. Une passion les réunit cependant : l’envie de faire fortune aux Etats-Unis. Alors que Meng arrive à s’approcher de son rêve, Wang décide de rester en Chine aux côtés de sa petite-amie américaine. Quant à Cheng, il est tout simplement recalé alors que sa dulcinée, elle, a réussi le test au service d’immigration. Alors que Meng fait tant bien que mal sa vie aux USA, Cheng et Wang finissent leurs études et, face à une demande croissante de Chinois désireux de progresser en anglais, fondent leur propre école. Le retour de Meng au bercail provoque au départ joie et espoir pour les deux compères car il revient avec une expérience nécessaire pour faire décoller l’école. Mais évidemment, faire du business avec des amis est synonyme de tension. A la bonne humeur du début du film se succèdent alors scènes de chamailleries, où l’ego de l’un surplombe celui de l’autre, et vice versa. Sans oublier la séquence de beuverie, indispensable à tout film asiatique, où les pleurs se mélangent aux cris pour déboucher sur une belle réconciliation !
Une jolie histoire d’amitié donc, mais qui masque la réalité du propos. American Dreams in China dévoile une certaine image de la Chine des années 80-90. La création de l’école New Dream est en cela très intéressante, en ce qu’elle montre le boom d’une méthode d’enseignement alors interdite. Les élèves sont d’abord reçus au premier KFC ouvert en Chine, pour ensuite étudier dans une usine désaffectée, dormant même sur place pour éviter de trop longs trajets. Ce volontarisme chinois est peut-être un peu trop poussé par Peter Chan mais ce dernier le mérite de vouloir montrer comment la jeunesse chinoise s’est battue pour maîtriser son propre destin. Les personnages, de leur côté, sont également une représentation métaphorique de la Chine. Wang, toujours zen, sorte de moine bouddhiste, fait le tampon entre Meng, volontaire, qui voit la Chine comme un Etat capable de rivaliser avec les Etats-Unis, et Chen, plus traditionnel, qui hésite à se lancer dans cette aventure. Ce choc culturel est amené à son paroxysme lorsque Meng propose que New Dream devienne une société cotée. Chen, toujours aussi frileux, refuse et ne veut pas laisser la porte ouverte à des investissements étrangers. Finalement, après un volte-face, il devient LE patron prêt à tout pour ouvrir sa société au monde occidental. Le retournement de situation n’est pour le moins pas subtil mais il est porteur d’un message lourd de sens : la Chine est une grande puissance apte à rivaliser avec l’empire américain.
Cette prise de conscience s’accompagne de scènes ne pouvant qu’émouvoir le public chinois. Au fur et à mesure du film, le spectateur apprend ce qu’a vraiment vécu Meng aux Etats-Unis : une aventure faite d’humiliations, de rabaissement, de racisme. Quand il rentre à Beijing, il est fauché et ne souhaite que se venger du système américain qu’il idéalisait et qui l’a tant déçu. Les Américains sont montrés de telle façon à ce que le patriotisme chinois n’en devienne que plus grand. L’école New Dream est accusée par une organisation américaine (Educational Testing Service) d’utiliser des tests de langue anglaise non standardisés et non autorisés par les Etats-Unis. De même, les étudiants chinois sont accusés de tricher aux examens. Evidemment, cela émousse les trois représentants de New Dream. Le film se finit alors sur une diatribe ultra-patriotique qui n’a qu’un seul but dans la narration : clouer le bec aux Américains. L’objectif ultime est bien entendu de prouver à tous que la Chine est intègre dans sa puissance.
American Dreams in China n’est pas un chef d’œuvre, loin de là, mais il propose une vision différente de la Chine, que l’on a peu l’habitude de voir. Le système américain est dénoncé de manière peu habile mais forte. Cependant, American Dreams in China utilise les mêmes procédés que les Américains, qui sont pourtant si critiqués : le patriotisme à outrance.
Elvire Rémand.
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