FICA 2014 – Visages des Cinémas d’Asie Contemporains – Qissa d’Anup Singh : Poème Indien

Posté le 18 février 2014 par

Qissa de l’Indien Anup Singh est un merveilleux conte, cruel et beau à tomber.

Quand on écoute parler Anup Singh de son film (lire notre entretien ici), il transparaît immédiatement un grand intérêt pour les petits détails de la vie, mais aussi pour le monde dans toute sa globalité, ses splendeurs autant que ses atrocités. Il a cette façon de parler, posément, en prenant son temps entre chaque mot, chaque idée qui fascine immédiatement. On se laisse bercer par sa voix. Il pourrait nous raconter n’importe quoi que ce serait quand même fascinant. Il nous a raconté ses origines, la genèse de son film.

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Qissa prend racine dans une histoire ancestrale, qu’on raconte de génération en génération. Le genre de récit qui subjugue, qui change au gré des années. Mais le film se révèle aussi être une évocation de la vie de Singh, de sa vision de certains membres de sa famille. Il évoquera un grand père meurtri et aigri par son expérience de la vie et une mère protectrice, intelligente et courageuse.

Le long métrage d’Anup Singh est à l’image de l’homme qui s’est trouvé devant nous en entretien, saisissant avec soin sa théière et se versant délicatement un peu de thé, nous parlant de nuit sur les mers d’Afrique et de la musicalité chez les acteurs. Qissa prend son temps pour dérouler son récit, dévoiler ses personnages. Cette histoire d’un homme qui voulait tellement un garçon qu’il a élevé sa dernière fille comme tel est en soi très forte, mais ce qui nous saisit d’emblée, est l’infinie beauté de chaque plan, le rythme hypnotique qui s’installe dès le magnifique générique. Singh capte l’ambiance de la province du Penjab, tant et si bien qu’on y sentirait presque les parfums capiteux des fleurs et la petite brise qui souffle par une belle nuit de pleine lune. Plus qu’un conte, Qissa est un poème, où chaque plan rime avec le précédent, où le Penjabi, langue utilisée pour le film, raisonne comme une douce musique à nos oreilles. Au-delà de son pouvoir de fascination, les personnages du long métrage vivent un drame auquel il est difficile de rester insensible. Anup Singh fait évoluer les protagonistes, petit à petit. Rien n’est figé dans Qissa et tout le monde a sa part d’ombre. Comment réagir face au conditionnement et à une soudaine prise de conscience ? Est-il possible d’avoir une vie normale ? Singh met tous les personnages et un pays face à leurs démons.

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Le récit se situe en 1947 au moment de la partition de l’Inde et du Pakistan. Kanwar, le personnage principal tiraillé entre féminité et masculinité, pourrait aussi être une métaphore d’un pays meurtri, en perte d’identité. Cette séparation qui s’opère dans l’esprit de cette femme est ce qui intéresse Singh. Sans jamais vraiment montrer les effets de cette scission pour le pays, il va faire de l’esprit de Kanwar, un champ de bataille métaphorique, un espace conflictuel entraînant la mort et la désolation.

Quand le conditionnement sera plus facile que le changement, Qissa prendra définitivement un aspect fantastique et métaphorique. Dans une scène d’une beauté et d’une force foudroyante, Kanwar réalisera le rêve de son père. La boucle est bouclée, l’héritage en question et un futur plus qu’incertain.

Le film se referme pourtant sur un clair de lune paisible sur un lac, Qissa retrouve sa quiétude hypnotique et garde sa beauté enchanteresse. Les lumières se rallument, retour à la réalité. Notre cœur, lui, est toujours en Inde.

Jérémy Coifman

Qissa, d’Anup Singh est diffusé au FICA de Vesoul 2014.

Voir notre entretien avec Anup Singh ici.

LE FICA de Vesoul 2014 sur East Asia :

Édito preview : d’un festival à l’autre

Édito bilan : Quick Change ?

Podcast : spécial FICA

News : la programmation

Entretien : Martine Thérouanne, directrice du festival

Entretien : Brillante Mendoza pour Sapi

Cinéma philippin : rencontre avec Eugene Domingo (actrice) et Joji Alonson (productrice)

Critique : Qissa d’Anup Singh (Visages des Cinémas d’Asie Contemporains)

Entretien : Anup Singh, réalisateur de Quissa

Critique : Leçons d’harmonie d’Emir Baigazin (Avoir 20 ans)

FICA 2014 : Le palmarès

Entretien : Atiq Rahimi réalisateur de Syngué Sabour (Carte Blanche de nos 20 ans)

Entretien : Phan Dang Di et Ngyuen Ha Phong, réalisateurs de Bi, n’aie pas peur (Francophonies d’Asie, le Vietnam)

Critique : Vertiges de Bùi Thac Chuyên (Francophonies d’Asie, le Vietnam)

Critique : L’Hirondelle d’or de King Hu (La Carte blanche de nos 20 ans)

Critique : Thy Womb de Brillante Ma. Mendoza (Regard sur le cinéma philippin)

Critique : Like Someone In Love d’Abbas Kiarostami (La carte blanche de nos 20 ans)

Critique : Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi (Avoir 20 ans)

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