Critique du Secret de l’eau de Hu Jia (Cycle Shadows)

Posté le 1 mai 2013 par

Projeté en avant-première lors du Cycle Shadows, consacré au cinéma indépendant chinois, Le secret de l’eau (水知道答案) est le deuxième long métrage de Hu Jia (胡笳). Il s’agit d’un mélange entre un documentaire et une fiction : le chef d’une petite entreprise a demandé à Hu Jia de filmer la vie de ses employés pour souder son équipe et améliorer leurs performances. Une démarche étonnante ! Par Marc L’Helgoualc’h.

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Synopsis : Yang Xiaodong, un chef d’entreprise qui a ouvert un studio de photographie à Hangzhou demande à Hu Jia de filmer la vie de ses sept employés. Ce projet commence alors que Yang Xioadong vient de lire Les messages cachés de l’eau de Masaru Emoto. Selon ce livre, vendu à des millions d’exemplaires, l’eau réagit aux pensées humaines. Par extension, Masaru Emoto estime que la pensée permet d’agir sur la matière. Bouleversé par ce livre, Yang Xiaodong décide d’en parler à ses employés pour leur faire découvrir ce qu’est le bonheur. Tout y passe : la fameuse expérience avec vases remplis d’eau auxquels on dit des mots d’amour et de haine, des séances de défoulements crypto-évangélistes (avec des danses, des autocritiques de style maoïste et des pleurs collectifs) et des beuveries sympathiques. Cette recherche du bonheur est contrebalancée par un visage de la société chinoise actuelle : l’augmentation de la pauvreté, la hausse des prix des loyers rendant difficile le choix d’un logement décent et une surcharge de travail pesante pour une vie privée épanouissante. Hu Jia filme tout cela, en mêlant les scènes improvisées à des scènes méthodiquement mises en scène.



Né en 1975, Hu Jia a vécu en France entre 2003 et 2008, séjour pendant lequel il a étudié le cinéma à l’EICAR (École Internationale de Création Audiovisuelle et de Réalisation) et à l’Université Paris 8 (lire cet article pour plus d’éléments biographiques). Il a réalisé en 2008 un premier long métrage documentaire (Le temple Chenghuang). En 2011, il réalise Le secret de l’eau, qui dépasse le formalisme du documentaire classique et le ciné-vérité. Ce film est un vrai film de commande qui vire au faux docu-vérité. Hu Jia filme les salariés du studio de photographie de Yang Xiaodong dans leur intimité (leurs appartements – ou leurs taudis -, dans leurs séances de thérapies collectives, avec leur famille, avec leurs amis). Un procédé intelligent mais parfois confus (difficile de distinguer qui est qui) tant le réalisateur veut en montrer toujours plus de la vie de ses personnages – jusqu’à la surdose.

Moins grave que This Happy Life de Jiang Yue , précédemment projeté lors du même Cycle Shadows, Le secret de l’eau parle du même sujet : les effets du changement économique rapide de la Chine sur la population et les relations humaines. Même si ici la situation des personnages est moins désespérée (malgré le problème essentiel du logement et les longues journées de travail), on trouve des points communs : la vie de famille compliquée, l’esclavage par la dette et surtout, la perte du sens. Une crise du sens due à l’évolution économique et politique de la Chine, devenue le parangon du capitalisme effréné.

Hu Jia monte en ce moment son troisième long métrage, sur une bande de skaters à Shanghai. On devrait donc entendre parler de lui dans les prochains mois.

Marc L’Helgoualc’h

Verdict :

 Le secret de l’eau est un film original et attachant par moments mais Hu Jia ne sait pas quand s’arrêter. La dernière demi-heure du film traîne en longueur et finit par lasser.

Mouais copier

Le Secret de l’eau de Hu Jia, visible lors du Cycle Shadows.