Pour sa 7ème édition, le Festival Shadows proposait dans sa section documentaire la diffusion de A Village With Two de Zha Xiaoyuan. Une forme maladroite et amateuriste avec néanmoins une réflexion intéressante sur l’évolution de la société chinoise à travers la vie misérable d’un couple d’handicapés. Par Julien Thialon.
Un homme et sa femme avoisinant tous deux les 80 ans sont les derniers habitants d’un village tombé en ruines dans la région montagneuse de Ningxia, l’une des plus pauvres de la Chine contemporaine. De religion musulmane, le mariage a uni leurs handicaps. L’homme est aveugle tandis que la femme ne peut se servir que de son bras doit. Deux yeux, trois bras, même le chat n’est pas épargné par les cicatrices. Issus de familles de mendiants et ancrés dans la pauvreté depuis plusieurs générations, ils cultivent du millet et des moutons pour survivre. Le travail d’agriculture se fait évidemment à la force des bras. Labourage des terres, ramassage des mauvaises herbes, transport de marchandises sur le dos et consolidation de la maison sont le lot quotidien de ce couple partageant la même tasse.
Ancien ingénieur en télécommunications, dirigeant d’entreprise privée et désormais professeur volontaire, Xiaoyuan Zha décide intentionnellement de filmer uniquement en montrant les faits, sans dramatisation narrative. Aucune intervention et influence du cinéaste dans les propos de l’homme aveugle face à la caméra (la femme étant malade, elle ne se manifestera malheureusement que trop rarement), le handicap et le monologue rapprochant ainsi l’échange avec le spectateur. Il en découle un documentaire réaliste avec une introspection du couple et une analyse contrastée des différents régimes politiques que le couple a traversés durant sa vie.
Dans un premier temps, l’homme témoigne d’anecdotes d’accidents qui auraient pu le voir trépasser dès le plus jeune âge. Il s’interroge par la suite sur sa propre pauvreté, l’acceptant tout simplement comme une destinée même s’il en a honte. C’est également un grand nostalgique, regrettant amèrement l’époque de Mao Tsé-Tung, cette ère où les trains et la nourriture étaient gratuits pour les pauvres. Il reproche à son pays un manque de solidarité communiste envers les plus démunis alors que sa famille accueillait chez elle dans le temps les soldats de l’Armée Rouge. Il prône l’incompréhension envers cette société actuelle hypermoderne qui dépense des millions dans la construction d’autoroutes mais laisse son peuple vivre dans la misère. Ressassant souvent le passé, il survit dans le présent en attendant la mort, synonyme de délivrance.
Julien Thialon.
Verdict : Si le sujet est porteur et confère une liberté totale d’expression, la forme en ternit considérablement l’épanouissement avec une mise en scène presque inexistante. Même si les conditions climatiques sont l’une des causes naturelles des défauts de tournage, A village with two souffre d’un mauvais découpage et montage, sans réels transitions entre les séquences (trop courtes ou trop longues, voire inutiles), amplifiés par l’absence de fil narratif et de connexions.
A village with Two de Xiaoyuan Zha, était visible au Festival Shadow.
Julien Thialon.