Like Someone in Love d’Abbas Kiarostami (en salles le 10/10/2012)

Posté le 10 octobre 2012 par

Après Copie Conforme tourné en Italie, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami réalise avec Like Someone in Love son deuxième film tourné à l’étranger, ici à Tokyo, au Japon. Présenté au dernier Festival de Cannes, le film traite de la vie d’un improbable trio amoureux pendant 24 heures : Akiko, jeune étudiante qui se prostitue pour raisons alimentaires ; Noriaki, son compagnon maladivement jaloux ; et Takashi, un professeur de sociologie à la retraite. Un film minimaliste et envoûtant, comme en a l’habitude Abbas Kiarostami. Par Marc L’Helgoualc’h.

Like Someone in Love débute par un long plan-séquence dans un bar à hôtesses. Une jeune fille hors-champ parle au téléphone à un homme qui se fait insistant. Où est-elle ? Avec qui ? Est-elle libre ce soir ? Combien y a t-il de carreaux de carrelage dans les toilettes du bar ? Lasse mais extrêmement conciliante, la jeune fille répond en mentant du mieux qu’elle peut. La jeune fille, qu’on aperçoit finalement, est Akiko (interprétée par Takanashi Rin, vue dans plusieurs séries TV nippones), une jeune étudiante qui se prostitue en secret. Ce soir, elle ne veut pas travailler, elle doit rejoindre sa grand-mère spécialement venue à Tokyo pour quelques heures. Son souteneur (interprété par Denden, récemment vu en tueur en série dans Cold Fish de Sono Sion) la presse pourtant à se rendre chez un client, Takashi, un vieux professeur d’université qui pourrait être son grand-père (Okuno Tadashi, jusqu’ici figurant dans de nombreux films). La nuit passe sans que l’on sache si l’acte a été consommé. Libre au spectateur de l’imaginer. Le lendemain matin, alors que leur chemin aurait dû les séparer, Akiko et Takashi vont passer la journée ensemble… avec Noriaki (Kase Ryo, vu dernièrement dans Outrage de Kitano Takeshi), l’amant jaloux de l’étudiante, obsédé par le mariage. Like Someone in Love vire alors en vaudeville plutôt paisible mais où la violence risque d’exploser à tout moment. Car Noriaki est troisième dan de karaté !

L’envie d’Abbas Kiarostami de tourner au Japon est ancienne. L’idée de ce film est née dans son esprit il y a dix-huit ans, à Tokyo précisément, comme il le raconte : « Je me trouvais dans le quartier des affaires. J’aperçois une jeune fille en robe de mariée. On m’explique que c’est une sorte d’uniforme pour étudiante qui se prostitue ». Le réalisateur va alors travailler son scénario pour l’épurer le plus possible. Les amateurs de l’Iranien ne seront pas dépaysés : Like Someone in Love est du Kiarostami pur jus, avec de longs plans-séquences en voiture, des dialogues existentiels ou futiles et des longs silences, le tout dans un rythme lancinant qui peut soit endormir soit envoûter le spectateur.

Takashi (Okuno Tadashi) et Akiko (Takanashi Rin). L’heure de (se) coucher.

Le producteur Horikoshi Kenzô revient sur le tournage du film et les procédures d’Abbas Kiarostami qui « ne permettaient pas aux acteurs de lire tout le script. Chaque jour, le détail de la scène qui allait être tournée le lendemain était dévoilé aux acteurs. Ils ne connaissaient ni leur rôle dans le scénario ni la fin du film. Connaître la fin de l’histoire et le sort réservé aux personnages pourraient provoquer une contre-performance des acteurs, une soi-disant performance à l’effet rétrogradé ». Kiarostami laissait même les acteurs improviser les dialogues. Un processus pour le moins atypique. Le montage de Like Someone in Love est lui aussi singulier : le début et la fin du film ne sont ni un début ni une fin dans l’acception habituelle, avec un déroulement : point de départ, intrigue, péripéties et dénouement. Like Someone in Love donne à voir une tranche de vie, prise au hasard du temps. D’où les sentiments d’inachevé et de futilité pour le spectateur. D’aucuns trouveront donc ce film inutile et plat, quand d’autres se laisseront charmer par ces « choses de la vie », pour citer Claude Sautet. Le film n’a pas été récompensé lors du Festival de Cannes mais Gilles Jacob, président du festival, l’a récemment défendu sur son compte Twitter : « la toute jeune fille en visite chez le vieux monsieur : une des plus belles scènes de Kiarostami ».

Noriaki (Kase Ryo), le jeune homme jaloux qui refuse de connaître vraiment Akiko.

Verdict : avec Like Someone in Love, Abbas Kiarostami revient sur le thème universel et jamais éculé qu’est l’amour, avec ses étrangetés et les sentiments contradictoires qu’il suscite : jalousie, fascination, bonté, obstination ou doute. Le film, d’une simplicité stupéfiante, est porté par un trio d’acteurs plus que convaincants.

Marc L’Helgoualc’h.

Verdict :

Like Someone in Love d’Abbas Kiarostami (en salles le 10/10/2012). 

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