Le dernier royaume de Daniel Lee (DVD)

Posté le 28 août 2012 par

Bien installé dans le registre depuis quelques films, Daniel Lee revient au wu xia pian avec White Vengeance (Le dernier royaume chez nous), fresque guerrière calibrée par un réalisateur qui n’essaie désormais même plus de s’élever au dessus de son statut de yes-man. Par Anel Dragic

Autant le dire franchement, on a cru en Daniel Lee. Assez longtemps pour que le brave artisan ne se révèle être qu’un yes-man en mode pilote automatique. Si l’homme a su susciter notre intérêt avec ses premiers essais (What Price Survival, Black Mask ou encore Till Death Do Us Part), l’amateur de ciné HK n’a pu que déchanter ses dernières années en voyant des réalisations aussi médiocres que Star Runner et Dragon Squad. Et cela n’a fait qu’empirer en constatant que le réalisateur s’est fait avaler tout entier par le système de production mainland. Désormais, le voilà faiseur de wu xia pian. A priori, cela aurait pu être une bonne opportunité pour l’homme, peintre à ses heures et amateur de cinéma japonais, de livrer de beaux tableaux animés. Hélas, il n’en est rien, les impératifs du cinéma mainland et le manque de maîtrise ne donnent naissance qu’à un soufflé dégonflé de plus.

Le Festin de Hongmen

Alors que le projet devait à l’origine être tourné par Lu Chuan (City of Life and Death), c’est finalement Daniel Lee qui s’attaque à dépeindre le Festin de Hongmen, fameux évènement racontant la rivalité entre Liu Bang (futur empereur Gaozu, fondateur de la dynastie Han) et Xiang Yu lors de la chute de la dynastie Qin. Récit historique et épique, ce festin avait tous les mets susceptibles de régaler le spectateur : amitié, trahison, vengeance, action. Néanmoins, un beau menu ne vaut rien sans un bon cuistot aux fourneaux.

Le récit a, de prime abord, de bonnes raisons de plaire au régime. Jugez du peu : Liu Bang (Leon Lai, insipide comme à l’accoutumée), membre de la rébellion issu de la classe populaire, participe aux révoltes contre le pouvoir en place afin d’établir un nouvel ordre. Dans son combat, il rencontre Xiang Yu (Zhang Han Yu) qui deviendra son frère d’armes. Mais très vite, les deux hommes vont se disputer le royaume.

Si au départ, Liu Bang apparaît comme désintéressé voire limite vertueux, Xiang Yu semble pour sa part méchant, mais vraiment, jusqu’au plus profond de son être. Au cours du festin, les deux rivaux vont se lancer dans une partie de go qui fera basculer le récit et au cours de laquelle leur identité profonde va se révéler. Une séquence plutôt réussie (l’une des rares) qui renvoie aux films de gambling qui ont fait les beaux jours de Hong Kong au début des années 90, ici mixé à L’art de la guerre. Dès lors, un retournement s’opère et les différents personnages vont se montrer en proie au doute, transformant Liu Bang en personnage lâche et avide.

Avec ses intrigues de cour à la dramaturgie shakespearienne et ses personnages tiraillés, le film se montre très bavard (et donc avare en action). Comme en plus il s’agit d’un wu xia pian mainland, le tout s’avère très (non, trop) sérieux, impassible et exagérément mélodramatique. Il était donc préférable d’avoir un casting à la hauteur de la tâche, afin de faire vivre le récit. Sauf que là, le bât blesse. Comme à son habitude, Leon Lai est monolithique au possible (il ne cligne jamais des yeux ; aurait-il pris des cours avec Eddy Ko ?), confirmant que son seul bon rôle était celui de Ming dans Les anges déchus de Wong Kar Wai – probablement parce qu’il ne parle qu’en voix off. Même un vétéran comme Anthony Wong est ici en totale roue libre, et se montre ridicule dans le rôle d’un vieux conseiller aveugle. Difficile dès lors d’avoir de l’empathie pour ses personnages, surtout lorsqu’à l’instar de Crystal Liu, ils ne font office que de faire-valoir.

Peinture martiale

Au beau milieu de ce récit dont Daniel Lee semble n’avoir que faire, que reste-t-il ? Citons ce qui reste le point fort : la photographie de Tony Cheung. Léchée, elle donne à voir de beaux paysages et décors, aux teintes très picturales. Il est donc dommage que la mise en scène ne se montre jamais à la hauteur de la beauté visuelle. En cause, un manque d’inspiration et des effets vieillots depuis une bonne dizaine d’années (comme les effets d’accéléré façon Le pacte des loups).

En termes d’action, le film pèche considérablement. Tony Leung Siu Hung, chorégraphe des combats, ne montre aucune créativité, aucune flamme. Les cadrages sont pour leur part beaucoup trop serrés. Les affrontements sont brouillons, ne dépeignent aucun mouvement d’ensemble, ne dégagent aucune perspective. Il suffit de voir l’arrivée d’Andy On, frappant sans conviction, ou encore un combat avec Jordan Chan ne donnant que des coups hors champs. On ne peut cependant pas dire que cela le mette autant en valeur qu’un Bruce Lee lorsque Lo Wei faisait de même à une autre époque. Le triste constat est qu’au terme d’une dizaine d’années de wu xia pian mainland, la seule œuvre véritablement à sauver reste le Red cliff de John Woo (et peut-être The warlords de Peter Chan).

Sans inspiration, White Vengeance est une œuvre médiocre, portée par une équipe faisant le minimum. Peu importe, puisqu’avec son casting et sa campagne marketing, le film a cartonné en Chine, nous assurant que Daniel Lee fasse encore parler de lui pour quelques wu xia de plus dans les années à venir.

Le Dernier Royaume, en DVD chez Seven 7 depuis le 6 juillet.

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