Festival Deauville Asia 2012 : Un voyage en eaux calmes

Posté le 24 mars 2012 par

Deux semaines après notre retour du festival du film asiatique de Deauville, il était temps d’y revenir posément, histoire de dresser un bilan de ces quelques jours. Surtout, il était important de livrer nos réflexions sur l’évènement, qui, on le sait, divise le microcosme du cinéma asiatique en France. Par Jérémy Coifman.

Un festival, c’est avant tout une sélection :  donc parlons cinéma. Car en soi, c’est toujours cela qui nous intéresse en premier lieu. Deux catégories : la sélection officielle ainsi que la bien nommée Action Asia, auxquelles s’ajoutent trois films hors compétition et des hommages (les appeler rétrospectives aurait été une insulte aux artistes). Beaucoup de films donc, mais finalement peu de surprises.

Pendant un festival, on veut être surpris. Découvrir LA perle inédite qu’on ne pourrait voir nulle part ailleurs. En ce sens, le FICA de Vesoul nous avait transportés avec son cinéma kazakh. À Deauville, c’est une autre musique. La plupart des films sont des avant-premières  (que ce soit pour une sortie salle ou bien DVD), si bien qu’on se prend parfois à faire l’impasse sur un film en se disant qu’on aura bien le temps de le voir dans deux mois. Il faut se mettre à la place d’une personne qui vient à Deauville pour cela, et il y en a. Avoir la primeur d’un film, c’est un sentiment galvanisant pour certain. Ce n’est donc pas une mauvaise chose pour tout le monde. Pour nous, c’est le sentiment de déception qui l’emporte. On aurait voulu avoir notre « Chute d’Otrar« , notre « Aiguille », ici, à Deauville. Quand le film ne sort pas sur nos écrans ou en DVD, il a déjà fait un ou plusieurs festivals (Himizu, Death Is My Profession, Baby Factory), des bêtes des festivals donc, à la réputation plus ou moins justifiée.

Cette année, le noir était la couleur dominante, avec comme thème récurrent le deuil. On suffoque rapidement, donnant aux éclats de rire provoqués par Saya Zamurai une saveur particulière. Le film a divisé la rédaction, et c’est peut-être, comme le disait certains, à cause de notre mauvaise humeur. Enchaîner des films traitant de sujets si durs peut avoir à force un effet vraiment plombant sur le moral. Suite des hostilités le 9 mai pour la sortie en salle du film de Matsumoto.

Les films des sélections, malgré leur caractère anxiogène (surtout pour la sélection officielle), étaient pour certains très réussis, et le plaisir était au rendez-vous. Pourtant, certains, à chaque fin de film, semblaient soulagés : ce sont évidemment les éminents membres des jurys. On avait quitté le jury Action Asia sur la scène du CID remettant le prix à Wu Xia de Peter Chan à coup de private jokes (Isabelle Nanty, hilare, qui raconte des blagues aux autres membres et non au public), mais on les retrouvait aussi à l’hôtel Normandy, sirotant leur café, prévoyant des soirées. Deauville, surtout avec ce soleil, c’est agréable. Pourquoi refuser un tel séjour ? Les membres du jury Action Asia n’étaient pas connus pour leurs affinités avec le cinéma asiatique (quand ils étaient connus tout court) et c’est avec beaucoup de circonspection qu’on les voyait sur cette scène, fiers de leur « travail ». Un des membres d’ailleurs n’était pas resté jusqu’au bout, parce que bon, faut pas pousser quand même. Pour le Jury de la sélection officielle, c’est plus cohérent, plus classe aussi il faut le dire. Elia Suleiman est un président du jury qui a de la gueule et qui en plus est très drôle pendant son discours. Jean-Pierre Limosin nous a accordé un très intéressant entretien et nous a marqué par sa gentillesse et sa disponibilité.

Plus que les personnes en elles-mêmes, ce sont les choix des lauréats qui nous ont semblés complètement à côté de la plaque. Récompenser Baby Factory nous semble presque une hérésie tandis que la victoire de Wu Xia dans l’autre catégorie relève plus de l’incompréhension totale tant le sacre de The Raid paraissait à tout le monde inévitable. Comment ne pas récompenser le film d’action le plus audacieux depuis bien longtemps ? Là encore, c’est une belle inconnue.

Finalement, ce festival Deauville Asia 2012 est un peu mi-figue mi-raisin. On est touché par beaucoup de films, on vibre à l’unisson devant un film d’action de folie, pourtant la croisière est tranquille, sans vague, comme d’habitude. L’ambiance est un peu froide, les interviews ne laissent que peu de marge de manœuvre, tout ça manque de la chaleur et de la passion de Vesoul, du rayonnement d’Udine. Deauville, sous ses airs de grand festival, est souvent et presque exclusivement en mode mineur.

Pourtant, on reviendra l’année prochaine, parce qu’on espère un plus grand rayonnement. Parce que l’on sait qu’il en a les moyens. Deauville, c’est un peu le festival que l’on aime détester, mais pour lequel on a une petite tendresse quand même. Alors à l’année prochaine Deauville, tes jolies rues, ton joli CID (merci d’avoir diffusé les films de la sélection Action Asia dans la grande salle), ta plage superbe, tes habitués un peu coincés, tes habitués un peu (beaucoup) excentriques (private joke inside, Isabelle Nanty n’en a pas le monopole !). Puis, on retourne la politesse : un petit signe de tête poli à Guillaume (et même, soyons fou) Epikt, avec qui le courant n’est pas vraiment passé, mais que nous avons brièvement croisé avec plaisir. Comme quoi Deauville a quelque chose de magique !

Jérémy Coifman.

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5 commentaires pour “Festival Deauville Asia 2012 : Un voyage en eaux calmes”

  1. 😀

  2. Pas un mot du ridicule « hommage » à Kurosawa suivi d’un film qui n’est même pas de lui ?
    Un autre truc chiant avec Deauville, c’est sa dimension politicienne. Courbettes, discours du secrétaire d’état machin,… (sans même parler du spectacle des invités venant présenter leur film selon un pompeux rituel figé depuis des années, personnellement j’ai de la peine pour eux)

  3. Yannik évoquait déjà le choix du Kore-eda après l’hommage à Kurosawa ici : http://eastasia.fr/dossiers/carnet-de-deauville-jour-5-himizu-war-of-the-arrows-bilan/

  4. pas un mot sur Mami Crêpes?
    On remarquera la volume d’interview qu’a généré le festival, assurément un pôle médiatique précieux et soucieux de promouvoir les films qu’il gère.

  5. RIP Mamy Crêpes :'(
    (dans une rue parallèle y en a un qui propose à peu près la même bouffe pour à peu près le même prix, me souviens plus du nom, ça fait l’affaire – le seul problème c’est qu’il ferme tôt)

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