Les films d’animations japonais sont bien souvent des moyens d’explorer des thèmes matures et dérangeants, contrairement aux films d’animations européens. Kazé le démontre à nouveau en nous offrant Mardock Scramble : The First Compression, premier film d’une trilogie de science-fiction des plus adulte.
Ubukata Tow est un écrivain de science-fiction japonais. Il a entre autres écrit Chaos Legion, adapté en jeu vidéo, et scénarisé le manga Pilgrim Jäger. Une de ses œuvres, Mardock Scramble, s’étend sur plusieurs tomes, écrits entre 2003 et 2010. Cette histoire, ayant pour héroïne Rune Ballot, jeune prostituée assassinée par un tueur en série et ramenée à la vie par une technologie prohibée pour qu’elle puisse faire condamner son meurtrier, a aussi été déclinée en manga et en série animée. À présent, cette intéressante histoire arrive sous forme d’une trilogie de film. Mardock Scramble : The First Compression en est le premier volet, et est réalisé par Kudo Susumu.
L’esthétique interpelle immédiatement le spectateur. Les dessins sont magnifiques et l’animation excellente. De plus, en utilisant des couleurs dominantes différentes selon les moments, le réalisateur accentue l’ambiance qu’il veut instaurer. La ville vue de haut, toute verte, donne une impression maladive dérangeante. À d’autres moments, le bleu est omniprésent, accentuant la froideur d’un lieu, tandis que le jaune et le rouge sont présents dans les moments plus calmes, quand Rune Ballot, ramenée à la vie, redécouvre le monde.
Le procédé est simple mais utilisé à la perfection, de même que la réalisation qui s’adapte aux scènes. Ainsi, dans les moments calmes, la « caméra » évolue lentement dans de longs plans, devenant bien plus énergique quand l’action s’emballe. Ces moments de stress sont aussi les rares instants où la musique, peu présente, s’invite à la fête. De plus, en mêlant souvent de courts flashbacks ou des souvenirs enfouis qui ressurgissent, le réalisateur joue sans cesse avec l’ambiance, plongeant toujours le spectateur dans un grand malaise. Le procès en est le meilleur exemple, Rune répondant calmement aux questions qu’on lui pose, tout en étant assaillie de souvenirs abominables.
Et, si la mise en scène privilégie dans un premier temps le mystère, elle dévoile lentement les tenants et les aboutissants de l’intrigue, refusant le côté abscons sans queue ni tête d’un Gantz, par exemple. Certes, la fin est brutale, mais l’histoire très compréhensible. Le récit, mature, n’hésite pas à aller assez loin dans la violence, et, si l’érotisme est omniprésent, il est toujours sombre et déplaisant. C’est une passionnante histoire de science-fiction que n’aurait pas renié Philippe K. Dick par exemple, et l’heure du film ne dévoile que bien peu d’une intrigue que nous devinons complexe. Les personnages sont loin d’être lisses, et il n’y a pas vraiment de gentils dans cette histoire. L’héroïne, blessée et traumatisée, est au bord de la folie. Folie qui est d’ailleurs le thème principal de cette histoire. Rune la frôle constamment, Shell, le tueur en série, et ses comparses, s’y complaisent. Le scientifique, lui, semble plus s’intéresser au procès qu’à la jeune fille elle-même, car c’est ainsi le seul moyen qu’il a de justifier ses expérimentations scientifiques.
L’histoire est donc passionnante, violente et sanglante, avec des personnages intéressants et, s’il est difficile de deviner tous les tenants et aboutissants, le spectateur perçoit que les ennemis ont des motivations complexes. Une réussite, en tous les cas, qui donne envie de découvrir la fin de cette histoire.
Yannik Vanesse.
Verdict :
Mardock Scramble : The First Compression de Kudo Susumu, disponible en DVD et Blu-Ray, édité par Kazé, depuis le 08/02/2012.