Operation Scorpio jouissait déjà d’une petite réputation chez les amateurs de cinéma asiatique puisque HK Vidéo avait déjà édité le film à l’époque de la VHS. C’est donc tout naturellement que l’on voit revenir sur support dvd, tardivement, certes, et cette fois sous la simple bannière Metropolitan. Que reste-t-il du film, quelques années après, maintenant que le cinéma de Hong Kong s’est démocratisé et que le flot de sorties de l’éditeur commence à submerger même le consommateur le plus assidu ? Let’s see… Par Anel Dragic.
Une moisson en or
Ah, qu’elle était bonne l’époque où le cinéma de Hong Kong pouvait nous donner à boire et à manger le temps de quelques bobines, sur une durée n’excédant que très rarement l’heure et demi. A notre époque, où les « films HK » se prennent trop au sérieux, où la longueur et la cohérence engendre l’indifférence, où le réalisme devient synonyme de fadeur et où les films sont formatés pour le marché mainland il est bon de se rappeler qu’à une époque, à Hong Kong, tout était possible: TOUT! Des super-héros voltigeant ? Possible! Des éclairages psychédéliques ? Possible! Un gang de culturistes en slip ? Possible! Operation Scorpio n’est qu’un témoignage de plus de la productivité du cinéma de Hong Kong en 1992. Il s’agit d’un film qui ressemble à la fois au tout venant des productions post-Film Workshop, mais qui témoigne également d’une folie toute personnelle, somme des différents artistes/artisans ayant oeuvré sur le projet. Il s’agit évidemment d’une production Golden Harvest (le budget se fait sentir, les têtes d’affiches sont bien là!), mais également de la Bo Ho Films Co. la boîte à Sammo Hung, d’où la générosité du film!
Voir le nom de David Lai au générique n’étonne finalement qu’assez peu. Artisan capable, le bonhomme s’est montré plus d’une fois doué à l’emballage de films « à la manière de ». Sa filmographie en témoigne, le réalisateur peut passer du film fantastique (Possessed), à l’heroic bloodshed (Tragic Hero), en passant par le wu xia pia fantastico-cablé workshop style (Saviour of the Soul), le film d’action cat III (Women on the Run) ou encore le fourre tout ultime (Mahjong Dragon). Le bonhomme est une sorte de caméleon, ou l’archétype même du réalisateur capable de donner au spectateur tout ce qu’il a envie de voir, de s’adapter au genre en question voire de les mêler pour offrir un cocktail bordélique mais savoureux.
Capable d’imiter Tsui Hark comme John Woo, il faut chercher ici le mélange du côté des productions du barbichu, mais également des sommets des kung fu fantastiques période Encounter of the Spooky Kind. Besoin d’une étiquette ? Allez, disons… comics action live adventure comedy ? Et même dit comme ça, il en reste un petit peu dans l’assiette
Le poing et le pinceau
Parce que même si ce n’est qu’un prétexte, il faut un pitch: A une époque un peu incertaine (bravo la direction artistique!), quelque part en début de siècle, Chin Kar Lok est un jeune étudiant rêveur qui passe son temps à griffonner des bandes dessinées alors que son père (Wu Fung) rêverait d’en faire un futur médecin. Un local puissant (Yuen Shun Yee) et son bras droit (Kim Won Jin) mènent des affaires peu reluisantes et oppressent les braves citoyens. Chin Kar Lok qui tente d’aider la gentille servante May Lo, deviendra bien vite la victime des affreux méchants. Heureusement il trouve de l’aide auprès d’un gang de culturistes menés par Frankie Chin, puis apprendra le kung fu auprès de Lau Kar Leung, ce qui lui permettra de jouer les redresseurs de torts.
Comme tout bon divertissement hongkongais, il faut soit son lot d’action qui déboite, soit une bonne dose de comédie bien grasse. Ici, il s’agit clairement plus d’un film d’action que d’une comédie, même si l’humour parsème allégrement le film. Bien qu’il y ait peu de combats, ceux-ci remplissent le cahier des charges de l’époque. Entre combats câblés digne d’un manga et chorégraphies plus traditionnelles, le film trouve son style avec habileté. Peu étonnant de voir Lau Kar Leung (assurant les chorégraphies plus terre-à-terre), assisté des deux Yuen des petites fortunes (Kwai et Tak) pour s’occuper des acrobaties aériennes. Le film prend d’ailleurs une tournure de kung fu didactique à la Lau Kar Keung, où celui-ci apprend à Chin Kar Lok le kung fu au travers de la cuisine. Le sifu brille par sa présence impériale, malheureusement trop doublée lors des combats.
Bien qu’il soit toujours difficile de savoir à qui décerner la paternité de certaines idées dans la mise en scène d’une séquence d’action, quitte parfois à ce que le réalisateur soit renvoyé par les chorégraphes pour prendre la pause café, on ressent tout de même une volonté de donner un souffle particulier à ces scènes, avec parfois des moments de tensions à la John Woo, au travers des jeux de regards, mais également via l’usage de ralentis.
Verdict :
Mélange d’action, de kung fu, d’humour, de drame, de romance, et même un peu de cooking movie, le tout teinté de manga, Operation Scorpio est un bon cocktail comme le cinéma de Hong Kong avait l’habitude de nous en servir abondamment. Grâce au savoir faire de ses différents artistes et techniciens, le film s’avère être un bon cru qui devrait ravir les amateurs du (des) genre(s). Bref, si vous ne jurez que par des films cérébraux qui se démarquent par une grande cohésion, passez votre chemin.
Anel Dragic.
Opération Scorpio de David Lai, disponible en DVD, édité par Metropolitan, depuis le 01/04/2011.