Dante Lam se montre de plus en plus prolifique. Alors qu’en début de carrière, son rythme de croisière était raisonnable, voilà que le réalisateur enchaîne les projets de plus en plus cher à une vitesse affolante (le film est comme Beast Stalker produit par la Emperor Multimedia Group et la Sil-Metropole). Même pas le temps de digérer son Fire of Conscience que voilà déjà Stool Pigeon , qui bien entendu est un polar. Par Anel Dragic.
En manque de figure de proue, le polar hongkongais récent peine encore à trouver de véritables génies capables d’enflammer le public, comme ce fût le cas à une époque avec John Woo, Ringo Lam, Kirk Wong pour les plus connus, ou bien Wong Chun Yeung, pour les génies confidentiels. Johnnie To mis à part (et encore, il est implanté dans le système depuis longtemps), il faut se tourner vers quelques réalisateurs comme Dennis Law (beurk!) ou Dante Lam, dans le cas présent, pour retrouver un peu (mais vraiment qu’un petit peu) la saveur des polars d’antan.
Le renouveau du polar à l’ancienne ?
La carrière de Dante Lam prend depuis quelques films un tournant particulier. Le réalisateur avait su tirer son épingle du jeu dès la fin des années 90 en mettant en boîte des polars originaux. En témoigne Beast Cops (1), polar léger et parodique reposant totalement sur l’inactivité d’une galerie de flics tous plus irrécupérables les uns que les autres. Si l’on met de côté ses essais échappant aux films de flics/gangsters habituels (comme la romance Tiramisu ), Dante Lam marquera également une incursion dans la parodie du film de triades avec The Triad Zone , ou encore Runaway, LE film de vacances des triades. Mais depuis quelques films, le réalisateur semble en effet contraint à délaisser l’humour et la légèreté pour des oeuvres qui se prennent beaucoup plus au sérieux.
Coup sur coup, il signe Sniper , sorte de polar écrit comme un manga, assez froid dans l’ensemble. Suit Beast Stalker , son meilleur film de ces dernières années, oeuvre brutale mettant face à face un Nicholas Tse et un Nick Cheung effrayant. Dans la lancée vient Fire of Conscience , polar d’action qui aurait pu redonner du peps au genre s’il n’était finalement pas un gros film chiant et totalement convenu, et enfin Stool Pigeon , vendu sur le fait qu’il reprenait le casting de Beast Stalker.
À la vision de ces derniers films, l’impression d’un retour au polar de séries B/Z qui ont été produits par milliers dans les années 80/90 se fait sentir. À la manière d’un Dennis Law tendant à revenir au polar d’action à mains nues (façon de parler, ils ont aussi des machettes), avec des bons casting old school, Dante Lam semble pour sa part vouloir renouer avec des productions plus rentre dedans à la King of Robbery (pour n’en citer qu’un), mais en beaucoup plus friqué.
L’enfer de Dante
Qu’en est-il de Stool Pigeon alors ? Étonnamment, s’il reste des traces de la rage d’un Beast Stalker , le film s’en éloigne énormément. En effet, nous sommes ici plutôt face à un mélodrame, ancré dans le monde des flics et gangsters, plus que face à un film d’action, ces séquences se montrant finalement assez rares. Mais soulignons que ces dernières sont assez bien menées, notamment grâce à des lieux de tournage bien trouvés et des décors intéressants (le marché lors de la course poursuite ou la salle de classe à la fin). Une spatialisation assez étriquée, qui colle bien au propos du film où les personnages sont pris dans un étau toujours plus serré. Hélas, malgré des influences évidentes (Long Arm of the Law, Heat, lors de la scène de braquage) Dante se montre beaucoup moins inspiré que ses aînés, ou ne serait-ce que de lui même lorsqu’il est en forme.
Nick Cheung commence à être rodé au film d’infiltré. Après avoir joué un flic undercover dans On the Edge d’ Herman Yau, le voilà dans un film laissant la part belle aux indics. Le film repose en effet sur la relation entre un flic (Nick Cheung donc) et son indic’ (Nicholas Tse). Proposant une réflexion sur la nature de leur relation et leurs limites, Dante Lam choisit très vite d’amplifier le rapport des personnages pour donner à son film une dimension tragique. Mais le problème vient peut-être de là. Le monde représenté dans Stool Pigeon est sombre, trop sombre. Les personnages sont des flics brisés, des indics malmenés, des putes, des clodos, des truands. Aucun personnage positif ne ressort et le destin semble s’acharner sur ces pauvres personnages. En ressort un misérabilisme exacerbé qui, à un moment deviendrait presque parodique tant l’accumulation est excessive.
Moins réussi qu’un Beast Stalker toujours inédit chez nous (mais que fait Wild Side ? ), mais plus intéressant que Fire of Conscience finalement très vite oublié, Stool Pigeon, sans être une claque reste un petit polar sympathique, hélas envenimé par un aspect mélodramatique trop appuyé pour être crédible.
Anel Dragic.
Verdict
The Insider (Stool Pigeon) de Dante Lam, disponible en DVD et Blu-Ray chez Wild Side depuis le 27/04/2011.
(1) Pour la critique de Beast Cops, suivez le lien hkcinemagic: ici