A l’heure où j’écris ces lignes, le Japon vit la fin du monde, Victor Lopez et Olivier Smach dansent la soca dance à Deauville, et votre humble serviteur continue d’explorer les sorties Metropolitan, pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Malheureusement, aujourd’hui est un jour pire comme nous le prouve ce The Postman Fights Back, aka Le Messager de guerre de Ronny Yu. Par Anel Dragic.
Le facteur contre-attaque
Coupons court à toute idée stupide (ou pas d’ailleurs) : Non, The Postman Fights Back n’est pas la suite du classique de Kevin Costner. Dommage pour ceux qui s’attendaient à un “western post-apo” tonitruant, il va falloir revoir les ambitions à la baisse et se contenter d’un petit film d’aventure teinté de kung fu. Tout le monde n’a pas les moyens de faire un navet à 80 millions de dollars, ce qui va forcer le spectateur à se rabattre sur ce nanar petit budget made in Golden Harvest.
De quoi parle le film alors ? Kevin Costner… Excusez-moi, Leung Kar Yan incarne un messager qui rentre au village. Très vite (enfin pas tant que ça, disons plutôt au bout de 25 minutes de film… sur 1h25!), il se voit confier une mission : assurer la livraison, avec une poignée d’amis, incarnés par Chow Yun Fat, Yuen Yat Chor (un des frères Yuen), Fan Mei Sheng (le gros papa de Fan “Story of Ricky” Siu Wong) et la belle Cherie Chung, de quelques coffres en terrain hostile. C’est que dans la Chine du début du vingtième siècle, le monde n’est finalement pas si différent du western de ce cher Kevin. Le climat hivernal est rude, les méchants se cachent partout, et le Mordor est assez loin. Un sacré périple en perspective, si malheureusement le tout n’était pas gâché par un vide intersidéral faisant passer un épisode d’ Amour, Gloire et Beauté pour un modèle de rythme.
Le film ne datant que de 1982, il marque une tentative originale de moderniser le kung fu en le mêlant à d’autres genres, offrant ainsi des œuvres empruntes du cachet de la Golden Harvest, qui modernisait de manière flagrante le kung fu pian en lui redonnant une certaine fraîcheur pour l’époque. Le tournage, en décors réels, transporte l’équipe en Corée du Sud, donnant une dimension particulièrement froide (comprenez, la neige, tout ça…) au film. Un bien beau contexte donc, pour une belle aventure, ou presque.
Ninja Terminator
Depuis The Bund, Chow Yun Fat ne quitte plus l’écharpe.
Pour un bon film d’action, mieux vaut avoir un bon casting martial. Et sur ce point, tout n’est pas rose. Chow Yun Fat joue les sidekicks maigrichon, fumant déjà la clope avec classe, et combattant avec son écharpe comme s’il s’agissait d’un nunchaku. Le héros, Leung Kar Yan, l’atout martial du film, vit alors les meilleures années de sa carrière mais hélas, ses capacités techniques ne sont pas mises à profit, la faute, non pas au travail de chorégraphe de Brandy Yuen (un autre des frères du clan Yuen), mais d’un sérieux problème de montage, rendant le tout souvent très bordélique, surtout lors des scènes d’intérieures.
Si le film se montre assez long et poussif du haut de sa petite heure vingt cinq minutes, il reste heureusement quelques scènes savoureuses qui ne manqueront pas d’exciter le spectateur rien qu’a l’évocation des péripéties : Imaginez Eddy Ko en ninja, le regard toujours affuté, ne clignant jamais des yeux. C’est déjà bien, mais pas encore assez. Imaginez-le maintenant dans son costume super moulant noir, tout maigre, avec une cagoule le faisant ressembler à un teletubbies. C’est déjà mieux. Et maintenant, imaginez-le déployant toutes les techniques ninjas les plus ahurissantes que n’aurait pas renié Naruto : super sauts, téléportations, techniques de substitutions, usages de shuriken, et même une technique de lance-flammes. Si vous n’êtes pas encore convaincus, nul doute que la scène des souris explosives (comprenez un bâton de dynamite attaché à une souris qu’on envoie en territoire ennemi), ne manquera pas de décrocher un sourire.
On pourrait donc parler d’un film typiquement HK, pour le meilleur et pour le pire. C’est bordélique (certaines storylines viennent le temps d’une scène puis plus rien), parfois filmé à l’arrache, souvent creux, mais il reste certaines séquences folles, qui feront briller les yeux des amateurs à la recherche d’élans que l’on n’a vu jusqu’ici que dans ce cinéma. Et il ne faut pas sous-estimer la réputation que peut se faire un film en n’ayant qu’une seule scène à sauver sur toute sa durée, comme en témoigne le cultissime (grâce à cette seule scène) Fatal Termination où une fillette se fait traîner par les cheveux depuis une voiture lancée à vive allure, tandis que Moon Lee combat un mec sur le capot de ladite voiture.
N’y allons pas par quatre chemins : On ne peut clairement pas dire qu’il s’agisse d’un bon film. Ronny Yu n’était pas encore le formaliste qu’il deviendra par la suite, et l’inconsistance du film peut susciter l’ennui du spectateur à chaque minute entre les trop rares scènes d’action. Bien dommage, puisqu’il y avait quelque chose à faire avec ces histoires de communauté de l’anneau combattant des ninjas sur un lac gelé faisant référence à Alexandre Nevski (ben quoi, on peut rêver non ?). Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur le film, notons la présence d’une interview de Leung Kar Yan de 7 minutes évoquant les anecdotes du tournage. On apprendra ainsi que la bouffe coréenne ne les attirait pas du tout, mais que, la faute aux sandwichs gelés, mieux valait se rabattre sur le kimchi.
Anel Dragic.
Verdict :
Le Messager de guerre de Ronny Yu, édité par Metropolitan Filmexport, disponible le 04/03/2011.