Deauville se termine sous la pluie avec les projections des nouveaux espoirs du cinéma coréen ( Journals of Musan, qui a enthousiasmé Victor Lopez), et indien ( Maudite pluie !, qui a laissé Olivier Smach plutôt sceptique). Fort heureusement, la pluie de sang que nous a offert Sono Sion avec Cold Fish a mis tout le monde d’accord ! Par Victor Lopez et Olivier Smach.
Dimanche 13 mars 2011.
Le film du jour : Cold Fish de Sono Sion (Compétition)
Co-produit par le fameux studio de production, la Nikkatsu (célèbre entre autres pour ses Romans porno) et Sushi Typhoon, label trash et loufoque à qui l’on doit par exemple Mutant Girls Squad ou encore Helldriver, Cold Fish de Sono Shion constitue un drame familial horrifique comme on aimerait en voir bien plus souvent. Inspiré d’un fait réel qui s’est déroulé en 1993 autour de l’un des plus grands serial killer japonais ayant jamais existé, le réalisateur du très bon Suicide Club s’éloigne pourtant de l’histoire originelle pour n’emprunter au drame que certains détails tels que la manière de « rendre invisible les cadavres ».
Le pitch relate l’histoire de Shamoto Nobuyuki, père de famille au caractère introverti et propriétaire d’une petite boutique de poissons tropicaux dont la vie s’avère être un véritable fiasco. Son épouse Taeko le rejette en force, sa fille Mitsuko le méprise et se dirige inéluctablement vers la voie de la délinquance. Un jour, il croise le chemin du richissime Murata, bon vivant extrêmement sympathique qui exerce la même profession que lui mais à grande échelle, et à qui tout semble sourire dans la vie. Tel un parrain de la mafia, dans un élan de bonté, ce dernier décide alors de prendre la petite famille Shamoto sous son aile…
Dans cette joyeuse boucherie, le réalisateur dépeint l’histoire d’une famille à la dérive en ajoutant à son drame une touche d’humour noir très incisive. Sous ses airs de série B avec ses muses aux formes généreuses, et ses scènes d’un gore grandiloquent à foison, ce film maîtrisé de bout en bout s’apprécie d’autant plus par la qualité de sa mise en scène, la justesse de l’interprétation des acteurs… Sans aller aussi loin dans la déviance, certains passages font même parfois penser à du Miike Takeshi période Visitor Q, soit avant qu’il ne se mette à faire que des œuvres de commandes.
Prix du Lotus Air France (la critique internationale) à Deauville 2011, Cold Fish justifie pleinement sa récompense : le film est un petit bijou appuyé par un scénario original, un rythme sans répit soit un divertissement résolument très fun à savourer avec de la sauce au soja sans modération !
Olivier Smach
Maudite Pluie ! de Satish Manwar (Panorama)
Belle initiative de la part du Festival de Deauville que de proposer Maudite Pluie ! qui, tout comme Udaan (présenté dans le compte rendu East Asia du jour 2), marque l’émergence d’un cinéma indépendant indien à mille lieues de la grosse machine Bollywoodienne.
Dans un village de la région de Maharashtra, le film nous plonge dans le quotidien d’une famille de fermier qui survit de l’exploitation agricole. Dépendante d’une pluie qui tarde à venir, celle-ci se retrouve donc dans l’incapacité de cultiver ses terres…
Premier essai de Satish Manwar , Maudite Pluie ! est le premier véritable film de la décennie passée à aborder la thématique du suicide au sein de la communauté paysanne indienne. Le cinéaste insuffle beaucoup de justesse et de délicatesse à sa fable moderne. Le métrage a la particularité de nous offrir une double portée didactique : il se concentre d’une part sur les différentes émotions par lesquelles peut passer l’exploitant en réaction aux conséquences directes de son activité (entre espoir, joie, colère, frustration, tristesse…). Ensuite, il nous permet de suivre le déroulement des différentes étapes post mortem telles que la cérémonie funéraire, le soutien mutuel entre villageois, ou encore les différentes démarches administratives à respecter…
Malheureusement, la belle intention du film est quelque peu assombrie par un traitement des plus classiques, sans aucune véritable idée de mise en scène, et donne dans sa globalité une impression de rendu assez creux. Et ce n’est pas l’insertion de quelques chansons qui viennent ponctuer le récit pour faire avancer la narration (et pour nous rappeler aussi que nous sommes bien dans un film indien), qui va changer la donne.
Primé dans de nombreux festivals, le film reste un joli drame social ponctué de petites touches d’humour, qui devrait vraisemblablement trouver son public.
Olivier Smach
The Journals of Musan de Park Jungbum (Compétition)
La découverte de The Journals of Musan à Deauville n’a pas fait mentir l’excellente réputation que lui a valu son prix au festival de cinéma de Marrakech. Son réalisateur, Park Jungbum repart d’ailleurs cette année encore avec une récompense, un prix du jury fort mérité, qui laisse espérer qu’il trouve enfin un distributeur en France. Si le film est produit par la société de Lee Changdong et que l’on peut y trouver une sensibilité assez proche dans la description ultra-réaliste d’une Corée peu montrée au cinéma, il porte entièrement la marque et la patte du réalisateur, aussi acteur et producteur de son premier long métrage. Relatant le quotidien d’un mutique Nord-Coréen installé en Corée du Sud, le film dresse un portrait social sobre, tendu et sans concessions de la Corée des marges.
Le premier long métrage de Park Jungbum prouve encore une fois que les œuvres les plus intéressantes présentées à Deauville cette année étaient les premiers films, et on ressort surtout du festival avec trois nouveaux noms à suivre : Park Junbum, Sivaroj Konsakul ( Eternity) et Hashimoto Naoki ( Birth Right). S’il ya une chose à retenir de Deauville 2011, c’est donc que la relève est assurée !
Victor Lopez.
A lire également :
Compte rendu de la première journée.
Compte rendu de la seconde journée.
Le 10/08/23 par Stephen Sarrazin