Metropolitan continue sur sa lancée et édite les classiques du catalogue Fortune Star. S’il va falloir une fois de plus surveiller son porte monnaie sous peine de risquer une visite des huissiers (attendez vous à voir débarquer les titres en masses dans les mois à venir), le jeu en vaut la chandelle puisque comme c’est le cas avec ce Righting Wrongs, c’est aussi l’occasion de (re)découvrir des pépites qui ont fait la magie du cinéma de Hong Kong. Par Anel Dragic.
Oublions tout d’abord le titre français (Une flic de choc), titre passe partout mais dénué de saveur reprenant l’édition René Chateau, et espérons qu’à l’avenir metropolitan conserve les titres originaux, car il devient de plus en plus difficile de savoir de quel film il est question entre tous ces Une flic de Choc, Agent Special (My Father is a Hero), The Defender (Bodyguard From Beijing), Le maître intrépide (Knockabout), Top Squad (The Inspectors Wears Skirts) Justice sans sommation (She Shoots Straight), etc… Venons en maintenant au sujet: Righting Wrongs est clairement l’un des meilleurs polars d’action/kung fu des années 80, ce qui n’est pas peu dire si l’on regarde la somme colossale de films du genre produite dans la colonie à cette période.
Pour une poignée de Yuen
Le film est un pur produit du ciné HK des eighties. Il dispose en effet de tous les meilleurs atouts qui ont donné naissance aux perles du genre: un bon studio, un casting et une équipe qui n’ont plus rien à prouver, et surtout le grain de folie totalement décomplexé des productions locales de l’époque. Un tour rapide sur l’équipe donnera une bonne idée du type de production auquel on a affaire.
Produit par le Golden Harvest et la Bo Ho Films Co., la boite de Sammo Hung, il s’agit là d’un pur film du Yuen Clan. Rappel historique: Le Yuen Clan (à ne pas confondre avec l’autre Yuen Clan composé de Yuen Woo-Ping et ses frères) est une troupe ayant appris l’opéra de Pékin sous la tutelle du maître Yu Jim-Yuen. Les plus connus étant les sept petites fortunes (qui étaient beaucoup plus que sept) composées notamment de Jackie Chan, Sammo Hung, Yuen Biao, Yuen Wah, Corey Yuen et Yuen Tak.
Dès les années 60, encore enfants, ils font leurs débuts au cinéma dans des films tels que Seven Little Valiant Fighters. Plus tard, la petite bande perce véritablement en tant que cascadeurs, acteurs et chorégraphes, certains d’entre eux pour la Golden Harvest, d’autres pour la Shaw Brothers. Les plus connus étant Jackie Chan, Sammo Hung et Yuen Biao, et pour cause, le trio s’est très vite retrouvé en tête d’affiche parmi les productions de la Golden Harvest, notamment sur Le marin des mers de Chine ( Jackie Chan, 1983), les premiers opus de la saga Lucky Stars ( Sammo Hung, dès 1983), Wheels on Meals ( Sammo Hung, 1984) ou encore Dragons Forever ( Sammo Hung & Corey Yuen, 1988).
Et pour quelques Yuen de plus
Les différentes réalisations de Sammo Hung et de Jackie Chan auront permis à la comédie d’action de se démocratiser. Désormais, le kung fu n’est plus l’apanage des maîtres de shaolin (ou de wu tang, choisissez !) mais grâce à Sammo Hung, les séquences de combats commencent à prendre pour cadre le Hong Kong moderne et urbain. Ces productions se montrent dans le même ton que leurs films précédents et dosent habilement humour et action. Les productions Bo Ho se montrent dans la même veine, mais Righting Wrongs, qui date de 1986, subit l’influence du gros succès commerciale de Jackie Chan l’année précédente: Police Story. Le film mêlait en effet polar, action et comédie tout en donnant au spectateur des prouesses hallucinantes au niveau des cascades.
Si jusqu’ici Yuen Biao était resté dans l’ombre de ses grands frères (à l’exception du très bon Knockabout de Sammo Hung datant de 1979 où il tient le premier rôle et avant le glaçant On the Run d’ Alfred Cheung en 1988), le voici de retour en tête d’affiche. Réalisé par le metteur en scène mais surtout chorégraphe Corey Yuen (quand on vous dit que le cinéma de Hong Kong est une affaire de famille !), Righting Wrongs nous plonge dans ce que l’on attendait de lui: un polar d’action/kung fu urbain avec sa dose d’humour et de baston. Mais heureusement, ce n’est pas que ça…
Le bon, la brute et le Yuen
Pour faire simple, disons que l’histoire commence sur le procès d’un criminel ( James Tien), assez puissant pour faire disparaître les témoins trop gênants. Le procureur interprété par Yuen Biao, justicier durant son temps libre, aidé par la flic de choc Cynthia Rothrock poursuit l’enquête. Mais bientôt James Tien est abattu par un de ses complices dont nous tairons l’identité et devient la cible de la police mais aussi du fameux traître, bien décidé à faire taire la vérité. On notera par ailleurs que le dvd contient à la fois le montage originale hongkongais mais aussi le français, qui est pour sa part une version épurée de la version mandarine. De légères différences scénaristiques existent alors entre les rôles, comme nous l’expliquent très bien les notes en bonus.
D’une liberté de ton totalement caractéristique du cinéma de Hong Kong des années 80, le film démarre dans la légèreté enchainant les séquences comiques et s’enlise doucement dans un polar de plus en plus nihiliste, pour ne pas dire glacial. Malgré son statut de film ultra commercial, le script se montre plutôt bien torché et présente au travers de sa galerie de personnages une bonne réflexion sur la justice et ses limites. Si Yuen Biao incarne un procureur justicier aux méthodes expéditives, c’est pour mieux s’opposer au personnage de Cynthia Rothrock, flic implacable qui croit fermement en la loi. Confrontant également des policiers corrompus à d’autres limite borderline (un personnage secondaire incarné par Corey Yuen himself est plus proche d’un truand dans ses méthodes mais possède une véritable droiture d’esprit), l’histoire laisse s’entrechoquer ces différents protagonistes mais ne laissera aucun des camps gagner. Et en effet, personne ne sortira indemne de cette aventure! Si le discours n’y va pas avec des pincettes (à grand renfort de monologues et de métaphores bien appuyés sur la justice), il fonctionne malgré tout grâce à une mise en scène maîtrisée.
Il était une fois dans l’Yuen
Qui dit Hong Kong dit action, et qui dit action made in HK dit inévitablement cascades. Sur ce point, Righting Wrongs n’est pas avare. Sans jamais faire retomber le rythme, le film enchaine les séquences de kung fu et les courses-poursuites avec une générosité grosse comme Sammo Hung. Et le parallèle n’est pas anodin, puisque ce dernier dirige les scènes d’action du film, aux côtés de Yuen Biao, Hsu Hsia, réalisateur capable du meilleur ( Lion vs. Lion) comme du pire ( Crystal Hunt) mais aussi Meng Hoi (acteur/cascadeur familier des productions Sammo).
Le casting fait aussi honneur à la génération des kickers eighties: Yuen Biao bien sûr, mais aussi Melvin Wong, Corey Yuen et une bonne partie des cascadeurs maisons de la Hung Ga Ban, la stuntmen team de Sammo. La grosse surprise du métrage étant évidemment Cynthia Rothrock, la plus grande action queen “gweilo” (c’est-à-dire occidentale) du cinéma de Hong Kong à cette période. Celle-ci tenait déjà tête en 1985 à Michelle Yeoh dans Yes, Madam de Corey Yuen, grand classique du polar d’action urbain s’il en est, et revient prêter ses formes au cours de nombreux fights bien pêchus.
D’une brutalité assez étonnante, les scènes d’action en mettent plein la vue et utilisent très habilement l’espace (comme souvent avec le Yuen Clan, me direz vous): outre les combats au corps à corps, on citera en vrac un saut depuis une plate-forme haute perchée, une esquive de bagnoles sautée, une escalade d’un avion en plein vol… juste quelques une des réjouissances que réservent le film. Un programme assez chargé en perspective.
Verdict :
Au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, jetez-vous sur Righting Wrongs ! En plus d’être un divertissement honorable, le film est une succession de scènes d’action particulièrement osées. Si en plus vous êtes fans des productions de Sammo Hung ou des Jackie Chan des eighties, vous tenez là une véritable madeleine de Proust. Et si vous n’êtes pas fan des deux lurons cités précédemment, c’est l’occasion de se laisser tenter et pourquoi pas commencer à apprécier les productions de la Bo Ho Films Co.
Anel Dragic.
Une flic de choc, DVD édité par Metropolitan Filmexport, disponible depuis le 01/12/2010.