Kinotayo 2010 : The Last Ronin de Sugita Shigemichi (Preview)

Posté le 24 novembre 2010 par

Présenté en ouverture de Kinotayo en exclusivité en même temps que sa sortie au Japon, The Last Ronin déçoit par son traitement mollasson et vieillot du mythe des 47 Rônins. Sugita Shigemichi est moins moderne en 2010 que Mizoguchi en 1941… Par Victor Lopez.

L’histoire : 16 ans après l’assaut des 47 Rônins et la vendetta d’Akô de 1702, un seul des 47 samouraïs est encore en vie. Il est chargé de raconter la véritable histoire de ses compagnons, qui se sont fait Seppuku suite à la vengeance de leur chef. Ayant rendu visites à toutes les familles, il se déplace à Kyoto pour assister à la cérémonie funéraire de ses amis, maintenant considérés comme des héros nationaux et des exemples de rigueur et d’honneur japonais. Mais il aperçoit là Magozaemon, qui avait déserté avant l’assaut final alors qu’il avait juré fidélité à son chef. L’homme, qui vit modestement caché avec une jeune femme, a pourtant certainement des raisons d’avoir agit ainsi et dissimule un lourd secret.

La vengeance des 47 Rônins, 16 ans après…

Malgré ses allures de Blockbuster nippon, The Last Ronin n’a rien d’un chambara plein de bruit et de fureur, de chorégraphies martiales et de batailles épiques. Sugita expédie en une scène de cinq minutes la vendetta d’Akô et évite soigneusement duel et combat (la seule confrontation du film prend d’ailleurs des allures de fuite un peu ridicule…). Le cinéaste transforme le drame historique pour signer un mélodrame assumé, ce qui pourrait être intéressant si l’utilisation de ses codes donnait une vision neuve de l’histoire. Las, le film s’embourbe dans les pires clichés formels du genre, en appuyant chaque scène d’une musique omniprésente doublant l’émotion. Nombres de plans témoignent aussi d’une insistance lassante sur les yeux bien humides de ses personnages, qui ont tous une tendance lacrymale assez prononcée, et qui se voudrait contagieuse. Si le propos de l’ouvrage de Ikemiya Shoichiko (auteur du roman à la base du film et scénariste de son adaptation), présentant un personnage qui sacrifie sa vie pour un attachement à certaines valeurs et revenant comme le Dumas de 20 ans après sur la création d’un mythe avec des personnages vieillissants, pouvait avoir une certaine subtilité, le traitement est tellement grossier et caricatural qu’il perd toute finesse.

The Last Ronin

 

Trop occupé à toucher de force le spectateur, Sugita laisse aussi de côté toute originalité dans sa mise en scène, d’une pauvreté télévisuelle qui rend son ancrage historique paradoxalement très peu crédible. Plombé par des tics académiques, le film n’arrive pas à faire vivre ses beaux costumes et décors, qui semblent tout juste sorti des mains des couturiers de la Kadokawa et n’avoir jamais servis. Le kimono de Magozaemon arrive ainsi à rester immaculé après avoir été battu, trainé dans la boue et mangé de la poussière. Les détails sont soignés, mais la propreté générale enlève tout réalisme à l’ensemble. L’utilisation du numérique est assez problématique dans ce rapport au passé, et implique de le filmer comme si c’était le présent le plus immédiat pour lui donner vie. Le Michael Mann de Public Ennemies ou le Kechiche de Vénus noire l’ont parfaitement compris. Le téléaste Sugita s’attarde au contraire sur la qualité de ses costumes et fige son film dans une représentation guindée de l’histoire.

The Last Ronin

 

Ces partis pris formels ne sont malheureusement pas anodins, et sont d’autant plus troublants et inquiétants qu’ils sous-tendent une idéologie passéiste et à la limite du réactionnaire dans sa vision de l’histoire. Loin d’une remise en question des thématiques abordées (la notion d’honneur, de sacrifice), l’histoire des 47 Rônins sert une lecture au premier dégrée du mythe, héroïsé à titre d’exemple à suivre. Vu de 2010, cette glorification du sacrifice pour des valeurs qui semblent bien datées et ce nationalisme sans recul semble à la fois assez anachronique (que nous dit le film sur notre époque, sur le Japon d’aujourd’hui ? Pas grand chose, si ce n’est que les héros du passé était grands !) et d’un passéisme fort douteux. On le sait depuis Kurosawa et Mizoguchi, l’histoire du japon est traversé de violence et d’injustice, et ses mythes (comme tous les mythes depuis la légende de Ford dans L’Homme qui tua Liberty Valence), cachent bien souvent les plus affreuses justifications et arrangements avec la vérité. Un tel retour en arrière dans le traitement de l’histoire est au mieux naïf, au pire réactionnaire, et en tout cas assez inadmissible, surtout quand ce discours est baigné dans un tel ennui formel.

Puisque le film glorifie le seppuku, finissons par lui faire honneur via notre verdict…

Verdict :

Sayonara

 

Victor Lopez.