Compte rendu de la performance d’Umeda Hiroaki, jeune chorégraphe japonais contemporain et reconnu, qui a enflammé la Maison de la Culture du Japon avec ses œuvres 1. Centrifugal et Haptic les 12 et 13 novembre derniers ! Par Olivier Smach.
Passionné de danses en tout genre, c’est avec un enthousiasme certain que je me suis rendu à la Maison de la Culture du Japon voir la prestation d’Umeda Hiroaki, petit prodige japonais dans le milieu de la danse contemporaine. Et sa performance fut plus qu’à la hauteur de mes attentes !
Umeda Hiroaki
Quand je dis prodige, je ne mâche pas mes mots. Car rien ne prédisposait l’artiste à devenir la figure qu’il est devenu : joueur de football à la base (et oui héhé), après des études en photographie à Tôkyô, Umeda décide de se lancer dans la danse de manière autodidacte à l’âge tardif de 20 ans ! Et à 33 ans, il incarne désormais une figure mondialement reconnue de la danse contemporaine japonaise… No comment !
Né en 1977, Umeda est un artiste pluridisciplinaire, il est à la fois chorégraphe, interprète, vidéaste et photographe. Il nous livre au sein d’un univers graphique et sonore insolite ses compositions qui s’expriment par une danse épurée, à la fois fluide et hachée pour suggérer son interprétation du corps, des émotions et de l’homme. Très influencé par le Hip Hop et le Classique, l’homme aux multiples talents fonde sa compagnie de danse S20 en 2001. Repéré dans un premier temps à l’occasion des rencontres chorégraphiques de Seine Saint Denis en 2002, il trouve la reconnaissance publique et professionnelle durant son passage au Théâtre National de Chaillot en 2007.
Ce brillant artiste est venu nous présenter en exclusivité deux de ses œuvres, qui ont ébloui le public de la très jolie scène du complexe culturel japonais : 1. Centrifugal et Haptic.
1. Centrifugal
Avec 1. Centrifugal, il développe un ambitieux projet chorégraphique de 10 ans explorant l’impact des forces de la nature sur le corps humain et leurs effets dans la danse. Pour ce premier volet, il choisi la force centrifuge pour y mettre en scène 3 danseuses, disposées chacune aux extrémités d’un triangle.
Ce spectacle est une sorte de trip visuel en noir et blanc aux mouvements répétitifs et saccadés, un peu comme si le chorégraphe cherchait à reproduire les pulsations intérieurs du corps, tel que celui d’un battement de cœur.
Lorsqu’il a pensé le spectacle, le chorégraphe a développé une réflexion sur la manière dont le corps s’exprime, depuis la façon de marcher jusqu’à se tenir debout. Et de cette réflexion sur le principe du mouvement va découler des pas de danses puis une chorégraphie.
Sa méthode est à l’inverse de l’enseignement classique, puisqu’ Umeda apprend à ses danseuses à décontracter tous leurs muscles, pour trouver par la suite un équilibre entre fluidité et tension tout en prenant en compte la force centrifuge.
D’ailleurs, le mouvement principal développé pour cette première approche s’effectue de la manière suivante : il oblige ses danseuses à prendre une position rectiligne en cherchant l’antéversion du bassin, puis leur apprend, depuis cette position, à tourner comme une toupie, le reste du corps se balançant au rythme du mouvement de rotation avec les forces qui lui sont associé.
L’artiste a tenu à mettre en scène trois danseuses d’origines différentes, avec chacune des particularités physiologiques. Il cherche à travers ce projet à développer un langage corporel à part entière, un peu comme celui des insectes. Et pour lui, ce langage du corps va au delà des cultures.
La vision des danseuses devenues des pantins complètement désarticulés, donne un impressionnant résultat mécanique et onirique!
Bien qu’un peu long à démarrer (surtout si l’on ne sait rien du concept), le rythme monte progressivement pour parvenir au résultat recherché par Umeda Hiroaki : une nouvelle forme de langage.
Le concept est très intéressant et les spectateurs semblaient ravis, mais il se peut que ce spectacle soit un peu rédhibitoire pour les néophytes tant il fait figure d’ovni.
Haptic
Haptic est un spectacle très conceptuel dans lequel Umeda danse en solo. Il mêle à une performance corporelle minimaliste le numérique, à travers une utilisation ingénieuse de jeux de lumières privilégiant le prisme chromatique pour stimuler les émotions humaines. Et le rendu est de toute beauté ! Seul ombre au tableau (et encore…), quelques courts passages un peu trop sombres ou l’on souffre d’un manque de visibilité.
Jusqu’à présent, l’essentiel des œuvres d’ Umeda était en noir et blanc. Pour Haptic, il change la donne avec l’utilisation de la couleur. Il confesse à la fin du spectacle que pour lui, la couleur résulte de la lumière, qui résulte déjà elle-même de la danse. En gros, il cherche à éblouir le spectateur, et ça marche ! C’est tout simplement magique de voir se mouvoir à la perfection une ombre d’un noir total, avec en arrière fond un écran lumineux qui alterne à la fois les couleurs saturées du prisme chromatique (bleu, vert, rouge) sur une gestuelle à la fois fluide et « breakée ».
Le tout est interprété au travers d’une bande son expérimentale, industrielle et métallique pour coller au plus près de sa gestuelle hachurée telle un stroboscope.
Lors du débat à l’issue de la représentation, lorsqu’on lui demande si c’est d’abord la musique, la danse, ou la lumière qu’il crée, l’artiste répond penser d’abord à l’image; la musique et la danse se faisant après en simultanée puisque 80 % de ses mouvements dans ses spectacles solos sont improvisés.
Sur scène, il adopte une approche très abstraite de l’image : pour le chorégraphe, tout comme le son, la lumière dispose de ses propres fréquences, et sa volonté est de transmettre ces stimuli visuels aux spectateurs.
Le public ne s’en plaint pas, et un tonnerre d’applaudissements vient récompenser Umeda Hiroaki pour le show mais également pour son incroyable performance physique puisqu’il n’arrête pas de danser pendant 25 minutes !
En tout cas, son passé de footballeur lui aura apporté un cardio olympien !
En conclusion, votre humble serviteur s’est régalé du début à la fin, et chez East Asia, nous allons suivre avec beaucoup attention la suite du parcours de cet artiste talentueux !
A noter également: pour les amateurs de danse contemporaine, Kanamori Jo créateur de la troupe Noism et ancien élève de Maurice Béjart et de Jiri Kylian sera également présent à la MCJP les 2, 3 et 4 décembre. Il y présentera une pièce très technique, épurée et grinçante soulignant une forme de relation hommes/femmes.
Olivier Smach.
Plus d’informations sur le site officiel
Maison de la culture du Japon à Paris, 101 bis, quai Branly 75015 Paris. Métro 6, Bir-Hakeim / RER C , Champ de Mars – Tour Eiffel