Dernier récit des aventures cinématographiques de Bastian Meiresonne à Udine ! Avec en bonus, le palmarès du festival ! Par Bastian Meiresonne.
Aftershock, le choc du festival ? Peut-être pas, mais un prix quand même…
Samedi 7 mai
Ca y est – on y est : dernière ligne droite avant l’attendue remise de prix du public ce soir. Plus de pâtes, plus de pizzas, plus de vino rosso, ni d’aperol spritz… retour au bercail, avant de redécoller deux jours plus tard pour Cannes, juste le temps de laver slips et chaussettes et de troquer Converse et T-shirts de geek contre des mocassins et costumes trois pièces.
Un dernier jour curieusement placé sous le signe des films plus personnels… une autre belle preuve de l’exigence du festival, qui ne joue pas forcément la facilité en ne programmant que des œuvres “grand public” les jour de meilleure affluence, mais contribue au défrichage et d’un certain “apprentissage” de son public.
Wanted: Dear and alive
Wanted : Border est sans aucun conteste le choix le plus culotté du jour, voire même de toute la sélection. En jouant sur la mauvaise orthographe de “Border” (frontière, milite), au lieu de “Boarder” (“pensionnaire”) sur la note de la tenancière d’un motel miteux, le réalisateur philippin Ray Defante Gibraltar annonce la couleur : il va se jouer des conventions normalement attendues, depuis sa mise en scène follement originale, jusque dans le mélange des thèmes et sujets abordés, qui colportent pour la plupart une double signification.
Là encore, un film profondément ancré dans la culture de son pays, en abordant notamment la religion, la politique et des croyances plus locales comme celle de l’aswang, sorte de vampire des campagnes, qui se nourrit du sang et de la chair humaine. Tout ceci donne une œuvre expérimentale impossible d’appréhender en un seul visionnage, mais qui captive de par sa fabuleuse construction et cette permanente menace, qui plane au-dessus de la tête des protagonistes.
The drunkard est le premier long-métrage de l’ancien critique de cinéma hongkongais, programmateur du Festival International de Hong Kong, assistant réalisateur d’Alain Corneau (sur Série Noire ) et Chevalier des Arts et des Lettres (!!!) Freddy Wong ; un personnage infiniment sympathique et omniprésent dans la vie culturelle hongkongaise.
Un monsieur également érudit, qui étale tout son savoir dès les premières images du film, juxtaposition de plans de ses romans préférés et de clichés de fameux photographes. Cette énumération continuera d’ailleurs tout au long du film, truffé de références aux domaines de l’Art, que l’on peut soit trouver extrêmement irritantes, soit prendre comme dues et apprécier sa volonté de partager sa passion.
Ce sentiment de “collage” se transmet d’ailleurs à l’ensemble du film, où Wong dynamite les habituels codes narratifs en osant des sauts temporels, couvrant des dialogues d’une voix off envahissante et mêlant intrigue à des souvenirs plus personnels – de lui-même et de l’auteur du roman, dont ce film est adapté. Les décors et la lumière sont somptueux, recréant à la fois l’ambiance particulière du Hong Kong des années 1960 et aussi des films des années 1970. Certains plans ne sont pas non plus sans rappeler In the mood for love de Wong Kar-wai, pas étonnant sachant que l’auteur du roman dont ce film est adapté n’est autre que Liu Yinchang, à l’origine de In the mood… . Un film extrêmement personnel, qui détonne dans le paysage hongkongais, mais qui trouvera très, très difficilement son public, à la fois dans l’archipel, absolument pas habitué à ce genre d’expressions cinématographiques et à la fois à l’international avec des références vraiment trop locales pour permettre aux spectateurs d’accrocher…
Mindfulness and murder est le dernier projet des thaïlandais De Warrenne Pictures, déjà responsables de Ghost of Mae Nak , The elephant King (2006) ou Soi Cowboy , présenté dans la section “Un certain regard” au festival de Cannes en 2008.
Mindfulness est la première adaptation d’une série de romans policiers de Nick Wilgus, qui a pour personnage principal un moine bouddhiste thaïlandais, qui enquête sur la mystérieuse mort de l’un des membres de la communauté de son temple. Ses recherches vont lui faire découvrir l’existence d’un réseau de drogues et de trafiquants ET des policiers infiltrés parmi les moines. Franchement, le film vaut surtout pour l’exotisme du cadre, la particularité du moine enquêteur et l’intrigue extrêmement forte. La réalisation est soignée avec quelques erreurs de casting habituelles des films thaïs, mais malheureusement – et comme dans la plupart des productions de De Warrenne – impossible de se débarrasser du sentiment d’assister à un épisode de télévision de luxe. Il manque vraiment la touche personnelle d’un vrai cinéaste pour donner corps à cette entreprise et – pourquoi pas – égaler les sommets jadis atteints par le français Jean-Jacques Annaud avec Le nom de la rose .
Action et vérités
On aurait voulu Punished finalement voir éclore le talent perceptible, mais toujours contenu des précédentes réalisations de l’hongkongais Law Wing-Cheon. Auteur notamment de l’intéressant 2 become 1 et des honnêtes Tactical Unit: The Code et Comrades in Arms , Law est un proche collaborateur de Johnnie To depuis leur première coréalisation de Running out of time 2 en 2001.
Malheureusement Punished est un ratage sur toute la ligne ! Mal jouée, invraisemblable et – surtout – réalisée de manière beaucoup trop clean pour un sujet qui appelait, au contraire, à l’ambiance glauque et malsaine de Dog bites dog . L’histoire raconte la vengeance d’un riche homme d’affaires après que sa fille ait été assassinée au cours d’un kidnapping. Le film porte toutes les traces d’une production Milkyway, mais n’arrive jamais à égaler la maestria du maître. La seule qualité qu’on pourrait lui trouver, c’est celle de n’avoir fait aucune concession vis-à-vis du marché chinois. En revanche, il est quasiment sûr, qu’il n’arrivera pas à toucher ni le marché local hongkongais, ni celui mondial. Un tir à blanc.
Tout le contraire de Troubleshooter qui vise beaucoup juste. Premier long de l’un des anciens assistants de Ryu Seung-wan, Kwon Hyeok-jae pourra remercier son ancien mentor de lui avoir signé le scénario et produit son film.
Troubleshooter conte l’histoire du privé Tae-sik, que l’on charge de prendre des photos d’une liaison d’adultère ; mais en arrivant au motel des amants, il se retrouve avec le cadavre d’une femme sur les bras. Il réussira à s’échapper aux forces de l’ordre grâce au soutien d’un mystérieux homme le guidant par voie de portable, mais qui demande en échange d’enquêter sur un homme politique corrompu. Je ne sais même pas comment la Corée peut encore fonctionner avec tout ce tas de politiciens corrompus à la tête du pays, mais toujours est-il que cela donnera au moins lieu à des beaux divertissements du type de ce film.
Sur un même rythme trépidant, What women want de Chen Daming est en fait le remake chinois de l’américain Ce que veulent les femmes avec Andy Lau et Gong Li reprenant respectivement les rôles tenus par Mel Gibson (!) et Helen Hunt (!!). Rien ne change – ou si peu – par rapport à l’original, avec Andy Lau capable de “lire” les pensées des femmes en s’électrocutant un soir dans son bain. Il va donc petit à petit gravir les échelons de sa société et conquérir par la même occasion le cœur de la belle Gong Li tout en gagnant en sensibilité et féminité. Bref, un pur divertissement réalisé par Chen Daming, qu’Udine suit depuis son premier film, Manhole et qui lui rend un bel hommage en ayant sélectionné ce film purement commercial pour clore le festival.
Enfin, Forever est une tentative singapourienne de concurrencer Hong Kong ou la Corée dans le genre la comédie romantique. Joey est employée du gouvernement pour réaliser des vidéos vantant les mérites du mariage. Au cours d’un tournage, elle tombe éperdument amoureuse de son partenaire à l’écran Gin Lee, qui est déjà fiancé. Lorsque Joey doit tourner un autre film, elle recontacte Gin avec un sérieux plan en tête pour le faire craquer.
Un film à formules parfaitement maîtrisé et exécuté, mais du coup également interchangeable avec n’importe quelle comédie du genre. Une petite déception de la part de la réalisatrice Wee Li Lin, qui avait fait preuve d’un beau sens de l’observation de la société singapourienne avec son précédent Gone shopping .
And the winner is…
Déjouant une nouvelle fois tous les pronostics des prétendus spécialistes, le public aura couronné… le chinois Aftershock de Feng Xiaogang ! Un mélodrame solide, mais qui est quand même assez putassier dans sa manière de réinventer trente ans d’Histoire chinoise… soit, du moment, que les spectateurs prennent ce divertissement pour ce que c’est: de la pure fiction !
En seconde place, Under the hawthorn tree , autre long chinois du vétéran Zhang Yimou. Renouant avec ses drames plus intimistes, le réalisateur de Hero et du Secret des poignard des volants retrouve un peu de la verve et superbe de ses débuts.
En troisième place, Here comes the bride , autre surprise, vu la qualité plus que moyenne du métrage, mais dont le choix du public a très certainement été influencé par l’incroyable présence survoltée de son actrice principale Eugene Domingo, tout simplement im-pay-able sur écran, comme dans la vraie vie et d’une très grande générosité envers ses fans, venus nombreux pour l’acclamer.
Le prix “Black Dragon”, décerné par les “fans hard core”, qui payent plus cher leur abonnement pour privilégier de nombreux avantages, dont celui de choisir sa place dans la salle du Teatro Nuevo, est allé au magnifique Confessions de Nakashima Tetsuya; un choix partagé par les internautes du site “My movies.it”.
Enfin, le prix “Technicolor” a été attribué à la comédie romantique A crazy little thing called love des thaïlandais SAKONNAKORN Puttipong Promsakha Na et POKPONG Wasin.
Le festival s’est terminé par son habituelle mega fiesta, qui vous laisse avec une double-gueule de bois : celle d’avoir consommé trop de vino rosso et celle de se réveiller le lendemain de la fin des festivités et de devoir renouer avec la réalité.
Prochain plan d’évasion : le Marché du Film de Cannes dans trois jour, où attendent déjà près d’une centaine de films asiatiques à être dévorés tous crus par mon appétit insatiable de ce type de cinéma !
Merci de m’avoir accompagné tout au long des pages,
Bastian “HAPPY” Meiresonne.