Seconde partie de notre dossier sur la saga Yakuza, qui revient aujourd’hui sur les jeux principaux qui ont bâtis la renommée de la licence, du premier opus en 2005 au tout récent Yakuza 4… Par Tony F.
Yakuza (2005)
C’est sur le quartier de Kamurocho, en pleine soirée pluvieuse, que s’ouvre la saga. Le jeu commence en 1995, et Kazuma Kiryu – surnommé « Dragon de Dojima » à cause de son tatouage. – est un Yakuza, membre de la famille Dojima et appartenant au clan Tojo, les maîtres du coin. Le jeu nous plonge rapidement dans le bain en nous présentant les principaux protagonistes : Akira Nishiki, meilleur ami de Kazuma, et toujours dans son ombre ; Yumi, leur amie d’enfance, dont Kazuma est amoureux. Le trio central du jeu est créé, mais pas le temps de s’attarder sur eux pour le moment, à peine nous sont-ils introduit que tout dérape : le boss des deux amis tente d’abuser de Yumi, et Nishiki l’abat. Kazuma, arrivé trop tard sur les lieux, fait en sorte qu’ils s’enfuient tout deux, prenant toute la responsabilité du meurtre vis-a-vis de son clan et de la loi. Il part en prison, et les Yakuza le renient.
Une petite ellipse, et le joueur retrouve Kiryu, en 2005, fraîchement sorti de taule. A peine a-t-il remis les pieds dans Kamurocho que les mauvaises nouvelles s’abattent sur lui : Yumi est portée disparue depuis la fameuse nuit de son emprisonnement, Nishiki à changé et s’est endurci, devenant l’un des boss locaux les plus impitoyables, et pour couronner le tout, le clan Tojo est victime d’un vol de dix milliards de Yens. Un joyeux foutoir dans lequel notre dragon se retrouve pris par la force des choses, et par sa rencontre avec Haruka, une fillette à la recherche de sa mère, une femme apparemment liée à tout le reste de l’affaire.
Les éléments qui firent le succès de la saga sont déjà là : une narration soutenue pour un script de roman mafieux sous forme de chapitres, un système d’exploration de la ville nécessitant de la parcourir en long, large et travers, une foule de divertissements annexes et de quêtes secondaires sérieuses ou délirantes, et des racailles belliqueuses. Ajoutons à cela des personnages travaillés, qui deviendront pour certains récurrents, et nous tenons ainsi l’un des jeux qui, malgré ses défauts indéniables (rigidité des animations, chargements intempestifs, aspects parfois trop « gentils » de Kazuma), se pose comme l’un des plus complets de sa génération. Que l’on accepte ou non ces défauts et ces contraintes, une chose est claire : pour réellement profiter de l’expérience offerte par le jeu, il faut passer outre et les accepter.
Apportant un véritable vent d’originalité sur le genre de par son contexte et son brassage de gameplay, Yakuza trouve sans mal son public sur l’archipel, se vendant par milliers le mois de sa sortie (décembre 2005) et squattant le top 10 des ventes plusieurs semaines durant. En occident, le bilan est plus mitigé, pour ne pas dire mauvais . La faute à Sega, diront certains, qui n’a toujours pas compris la leçon de la Dreamcast et de Shenmue, en sortant un produit sans réelle campagne marketing pour l’accompagner. La saga se bâtit cependant une petit communauté de fans qui attendent années après années le nouvel opus, les plus acharnés le commandant même directement en import à la sortie japonaise. Si l’initiative de Sega concernant la localisation totale du titre est louable, on regrettera néanmoins que la traduction des textes soit accompagnée d’un doublage international. Exit donc les voix bien japonaises et immersives des doubleurs attitrés, et bonjour aux voix de Mark Hamill (Star Wars), Michael Madsen (Reservoir Dogs) ou encore Eliza Dushku (Buffy, Dollhouse).
À l’intention de Sega : le public européen préfère des voix japonaises à des doublages US lorsque cela s’impose, que diable! Fort heureusement, ce petit travers trouve dès le deuxième opus une solution : il est décidé de ne plus doubler le jeu et de ne donner aux textes qu’une traduction internationale, en anglais donc.
Succès localisé, mais succès néanmoins, il ne faut pas longtemps pour mettre en route Yakuza 2, qui sort pile un an plus tard.
Yakuza 2 ( 2006 )
Un an s’est écoulé depuis les évènements du premier opus, et Kiryu est désormais retiré de la vie mafieuse, préférant s’occuper de Haruka, loin de Kamurocho. Lorsque le nouveau boss du Clan Tojo, Terada, se fait assassiner sous ses yeux, lui laissant une lettre ensanglantée, ce dernier n’a d’autres choix que de faire son come-back. Là, il s’aperçoit bien vite que la situation est explosive, une guerre se profilant entre les familles de Kamurocho et celles venues d’Osaka, menées par Ryuji Goda, plus connu sous le surnom de « Dragon du Kansai ». La lutte entre les deux dragons peut commencer…
À l’instar de son prédécesseur, le script mêle politique, trahisons mafieuses, guerres des gangs et affaires personnelles vieilles de plusieurs années, avec montées en puissance et longues séquences narratives comprenant, sur la fin, des cinématiques de plusieurs dizaines de minutes, et un combat final simplement épique. Certains reprochent (avec raison) le manque d’innovations du jeu par rapport au premier, pendant que d’autres retrouvent avec plaisir des lieux qu’ils connaissent déjà, ceux-ci n’ayant été finalement que très peu modifiés, afin de marquer le passage du temps. Ajoutons à cela une nouvelle « map » puisque le joueur peut désormais visiter un quartier d’Osaka, certes bien plus réduit que celui de Kamurocho, mais comportant lui aussi sa dose de quêtes annexes et de clés de casiers à trouver, éléments désormais incontournables de la saga.
Côté gameplay pur, là encore rien de neuf : le système de combat n’ayant que peu évolué – mais pas stagné – le reste étant identique au premier, moteur graphique idem, emballé, c’est pesé. Gros add-on, nouveau jeu? La question se pose… Quoiqu’il en soit, Sega à tenté de faire des efforts : le jeu, en occident, est vendu à prix réduit (trente euros), et le public, déjà fan, peut jouir de la présence des voix japonaises ! Cela s’est fait au prix d’une localisation anglaise des textes, mais avec Sega, c’est une habitude : on ne peut pas tout avoir.
En fin de compte, Yakuza 2, c’est Yakuza, en presque mieux. Les loadings sont toujours nombreux, mais ont été un poil raccourcis, l’histoire reste extrêmement bien écrite, les a-côtés sont toujours là, plus nombreux même, les personnages sont toujours aussi bons (mention spéciale au big boss, Ryuji Goda, débordant de charisme, et à Goro Majima, élément incontournable et ingérable de la saga toute entière….) et si l’on a l’impression que Sega à plus tenté de rentabiliser son moteur graphique qu’autre chose, voir un jeu de cette trempe sortir en fin de vie de la console (fin 2006, les next-gen commençaient déjà à s’installer) est tout à fait louable.
Après ce second opus, les fans devront prendre leur mal en patience : il faudra en effet attendre 2008 pour qu’au japon sorte Yakuza Kenzan!, un spin-off bien particulier dont nous reparlerons, et 2009 pour retrouver le Dragon de Dojima dans Yakuza 3.
Yakuza 3 ( 2009 )
Trois ans plus tard, nous (occidentaux) retrouvons la saga sur Playstation 3. L’évolution est principalement technique, bien entendu, la mise en scène pouvant enfin bénéficier de toute la beauté qu’elle mérite. En effet, si le moteur ingame, bien qu’imparfait, fourmille de détails de toutes sortes, celui des cinématiques, lui, est juste magnifique, et le soin apporté aux visages est réellement bluffant. Rien ne change fondamentalement niveau gameplay, et il s’agit toujours de se rendre d’un point à un autre, en distribuant des mandales à toutes les racailles qui nous regardent de travers, en traînant à notre guise dans les diverses quêtes et annexes qui nous sont proposées, et en faisant évoluer l’expérience de notre personnage. Au programme des nouveautés, du golf, de la pêche, un quizz sur le japon (amputé chez nous, j’y reviendrais plus bas) et bien d’autres éléments qui viennent encore enrichir la masse de possibilités offertes. Kamurocho et Okinawa ont de quoi divertir, et offrent chacune des environnements de qualité même si, là encore, on pourra reprocher à Okinawa d’être plus réduite que le quartier Tokyoïte. Côté scénario, l’auteur des deux premiers opus laisse la place à un inconnu, qui conservera malgré tout l’essence même de la narration, à savoir sa capacité à recréer une histoire immersive baignant entre la politique, les Yakuza et le polar noir. Seul petit couac : le début de l’aventure, que certains jugeront un peu long et niais, et qui voit Kazuma s’occuper des gamins de son orphelinat dans des quêtes baignées de bons sentiments, avant un retour à Kamurocho, où notre dragon en complet Armani doit une fois de plus montrer les crocs. L’histoire est donc garantie avec sa dose de rebondissements et de moments de tensions, et nous retrouvons une fois encore ce goût des cinématiques à rallonge, que Toshihiro Nagoshi (producteur du titre) semble partager avec un certain Hideo Kojima (Créateur de la saga Metal Gear Solid…).
Si les fans ne peuvent qu’apprécier de nouveau un jeu dont la mécanique n’a que très peu évoluée depuis ses débuts, ses détracteurs, eux, ne se réconcilient pas avec. En effet, Yakuza est une saga qui ne s’apprécie pleinement que si l’on se jette dedans à corps perdu, en faisant fi de toutes les imperfections qui n’ont, depuis le début, pas été corrigées : une rigidité dans certaines des animations, un monde libre, mais pas ouvert, etc. Des éléments certes datés, mais qui s’inscrivent dans la logique de la saga : Yakuza tient plus du RPG que de l’open-world, et le revendique. Ajoutons à cela une centaine de quêtes annexes parfois là encore assez barrées, des temps de chargements amplement réduits et un nouveau système d’apprentissage de coups, hérité du précédent jeu (le spin-off, pas Yakuza 2) basé sur des situations contextuelles et anodines auquelles le personnage assiste, et nous détenons là un jeu qui ravira tous les amateurs du genre, de Kiryu et de la saga.
Seulement voilà, tout n’est pas rose, et pour les occidentaux, la pilule sera dure à avaler : le jeu sorti en mars 2009 au japon n’est disponible chez nous qu’en mars 2010, et dans une version tronquée. Sega invoque une accélération du sous titrage (anglais, bien entendu) pour retirer de nos versions des éléments, certes annexes du jeu, mais qui ont toujours fait le plaisir des fans. Exit donc le quizz sur le japon, le mah-jong, et surtout… les Bars à Hôtesses! Ces endroits où l’on pouvait, moyennant finance, boire, manger et discuter avec une sublime jeune femme dans le but de la séduire, chacune d’entres elles devant mener à une quête annexe une fois conquise. Aspect incontournable de la saga, la colère – impuissante – des joueurs, qui doivent faire avec une version moindre et tardive ( Yakuza 3 est sorti chez nous le même mois que le 4 au japon), s’est néanmoins fait entendre, puisque Yakuza 4, lui, sera garanti sans coupures et dans sa version intégrale, mais toujours en japonais (bien !) sous titré anglais (pfff…). Allez, Sega, encore quelques années et peut être aurez-vous compris comment fonctionne votre public !
Yakuza 4 ( 2010 )
Conforme à la tradition, c’est un an plus tard que sort Yakuza 4 au Japon. Si le jeu conserve ses défauts décidément persistants, il tente aussi d’apporter un réel vent de fraîcheur par le biais d’une nouveauté principale : trois nouveaux personnages jouables!
Kazuma Kiryu ne sera en effet plus le seul à castagner du Yak’ dans cet opus, puisque le joueur pourra incarner également Tanimura, Saejima et Akiyama. Le premier est un ripoux, le second est un condamné à mort en cavale, et enfin, le troisième est un prêteur sur gages, et accessoirement celui avec qui l’histoire démarre. Shun Akiyama aime que son coin soit le plus tranquille possible. Aussi, lorsqu’une guerre des gangs déborde et conduit à la mort d’un des deux boss, Shun décide de s’en mêler afin de remettre l’ordre. C’était sans compter sur une mystérieuse jeune femme, débarquant dans son bureau pour lui demander un prêt d’un milliard de yens.
Quatre personnages aux destins entremêlés dans une seule histoire, quatre protagonistes aux styles de combats et aux objectifs différents, chacun ayant son caractère, celui-ci influant sur la disponibilité des quêtes et activités annexes ainsi que la façon d’aborder le jeu. Akiyama et Tanimura, par exemple, sont plus désinvoltes et insouciants (ah, la jeunesse…), et représentent donc la « cool-touch » de la team, là où le sérieux froid de Saejima, condamné à mort cherchant à savoir qui l’a piégé, contrebalance l’ambiance par son côté dramatique. Tanimura peut prendre des raccourcis à travers des ruelles mal famées, et accéder à des zones auxquelles n’ont pas accès d’autres personnages (les avantages de la police, mmh?). Saejima, quant à lui, doit privilégier les déplacements par les égouts, afin d’éviter le plus possible les rencontres en ville avec la police. Enfin, notons qu’il est possible d’accéder à certains toits, parkings et souterrains supplémentaires. Des améliorations structurelles qui sont bienvenues, mais malgré tout plus anecdotiques qu’autre chose. Ne boudons pas notre plaisir, cela reste un moyen appréciable d’étendre la map… et de nous faire comprendre également que ce sera la seule que le jeu nous offrira. Pas d’Osaka ni d’Okinawa, et une replongée totale, pour la quatrième fois (cinquième même, pour ceux qui ont profité de l’escale PSP) dans un quartier que l’on connaît comme sa poche, car au bout de quatre opus aux mécaniques et aux personnages récurrents, retrouver Kazuma et ses potes, c’est un peu comme retrouver des amis, en vacances. Ça s’apprécie, et l’on attend avec impatience les activités qu’ils vont nous proposer.
Le plaisir indéniable que l’on éprouve à retrouver l’univers ne cache toutefois pas les défauts du jeu : Sega à beau tenter de renouveler sa saga (avec brio), le moteur technique et graphique se fait à chaque opus plus daté. Rien n’a évolué et la rigidité des animations, les passants générés au hasard, ou encore les design disproportionnés (les mains des personnages…) se remarquent plus que jamais, indiquant qu’il serait bon de mettre un coup de cravache pour gommer les lacunes techniques parfois dures à avaler sur nos machines de 2011.
Néanmoins, là encore, ces défauts ne sont pas nouveaux, et le joueur averti (et fan) ne s’en offusquera pas, la saga n’ayant jusqu’ici jamais failli à offrir en contrepartie une immersion, une ambiance et une histoire de grande qualité. Et cette fois, nous, occidentaux, ne sommes pas brimés, puisque le jeu, sorti le 18 mars, est bel et bien entier ! Alors profitons, dégustons, et espérons un hypothétique Yakuza 5 !
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Antony Fournier.